"Nous avons tenu à accorder Notre Haute Sollicitude à votre forum qui constitue la première rencontre internationale de Sidi Chiker, partant de la mission que Nous assumons en Notre qualité de Commandeur des croyants et qui Nous confère la responsabilité de veiller sur les affaires religieuses de Notre Royaume dans tous leurs aspects et leur portée.
Aussi, Nous est-il agréable de vous adresser cette allocution, en vous souhaitant la bienvenue, ainsi qu’aux participants venus de l’extérieur un agréable séjour au Maroc où ils auront à connaître un pays réputé pour son patrimoine mystique, éducatif et spirituel incarné par de grands noms du soufisme islamique et par ses Maîtres célèbres dans le monde musulman.
Les Marocains ont bien intériorisé depuis l’avènement de l’Islam, que l’essence de la religion consiste à purifier l’âme humaine de l’égoïsme, de la haine et de l’extrémisme, en se conformant aux bonnes moeurs et en s’élevant au dessus des tentations qui avilissent le coeur et l’intelligence à travers la retenue et le contrôle de soi, dans une quête du couronnement spirituel connu sous le terme de "soufisme".
Le Maroc a connu, tout au long de son histoire, des confréries soufies fondées par des maîtres éducateurs reconnus pour leur mansuétude et leur clairvoyant discernement et considérés comme des modèles de conduite morale à suivre. Ces confréries furent des écoles spirituelles et éducatives ayant servi l’Islam en contribuant à la consécration de ses préceptes, à l’approfondissement de la connaissance de ses règles et à son adaptation aux lieux et aux conjonctures.
Leur encadrement de la population s’exerçait par le biais de zaouias implantées dans les villes et dans les campagnes, et dont certaines continuent d’exister aujourd’hui.
Aussi, Nos ancêtres Rois du Maroc, que Dieu les bénissent, lorsqu’ils adressaient des messages aux responsables de ces confréries les désignaient-ils de Mourabitines (les ermites), en référence au Saint Coran et à la Sounna, ce terme signifiant se retirer loin des tentations de la vie temporelle, quémandant de purifier les moeurs de l’âme humaine, et c’est cela le meilleur jihad.
Nos ancêtres ont également accordé tous les apparats scripturaux de l’immunité et du respect aux Maîtres des confréries et tenu à solliciter leur avis et conseils durant les périodes difficiles, en reconnaissance de leur rôle agissant dans le redressement de la société, la consolidation de son immunité morale dans la lutte contre les déviations et les déraisons, la prétention et l’extrémisme, l’incitation aux actes utiles, à la bienfaisance et à la piété et l’imprégnation des esprits par la sérénité dans le but de les prémunir contre la débauche et les pulsions agressives.
Celui qui contemple l’histoire du soufisme au Maroc trouve dans la pratique et les expressions de ses adeptes aussi bien auprès des élites que des catégories populaires, ce qui constitue l’apanage des soufis d’autres pays, une grande affirmation des goûts et raffinements et une profonde compréhension du Coran.
Les soufis du Maroc ont par contre une particularité illustrée par leur penchant social, éducatif et moral. Ils se sont consacrés à l’enseignement du Saint Coran et à la diffusion de ses préceptes selon un style guidé par l’appel aux coeurs et l’approfondissement de leurs espérances, à travers l’immensité de la miséricorde divine.
C’est ainsi qu’ils ont enraciné l’affection due envers les Descendants du Prophète parmi les fidèles, édifié les écoles et les bibliothèques, veillé à propager les valeurs de réconciliation et de solidarité, mis fin aux disparités raciales et tribales grâce aux liens cordiaux auxquels ils initient et éradiqué les aspects de l’exclusion en incitant les fidèles à l’émulation dans les bienfaits et à la transcendance des penchants au lucre, en invoquant l’impérieuse modestie due envers Dieu, Seul riche omnipotent.
Si leur influence au plan éducatif et social est inestimable, trois nobles actions normatives menées par les soufis marocains méritent d’être étayées en cette occasion : dont la première est leur soutien apporté à l’imamat légal dans l’accomplissement des charges qui lui sont assignées, tout en préservant l’unité rituelle malékite et la doctrine achaârite avec l’observation de l’ouverture requise.
La deuxième action réside dans la délivrance des esprits des velléités de quête indue du pouvoir, leur éducation à la gratitude envers Dieu et le rejet de toute forme d’égoïsme et de tyrannie, alors que la troisième action est relative à la formation d’une élite de pionniers dont les aspirations ontologiques n’ont jamais été dans leurs esprits en contradiction, avec leur sentiment patriotique sincère.
Mesdames et Messieurs,
Dans le monde d’aujourd’hui, l’Humanité a surtout besoin de faire prévaloir les valeurs de tolérance, de solidarité, d’altruisme et de rejet des égoïsmes les plus farouches. Aussi, les musulmans ont-ils besoin de raviver leurs nobles valeurs morales idéales dans l’agir et la coexistence de manière avenante avec l’Autre.
Il est incontestable que les significations que nous revivons lorsqu’on évoque les grands soufis et leur précieux apport à la civilisation islamique, nous permettent, Nous qui Sommes attachés aux principes de la Sounna, de Nous tourner vers ces sources pures de la création, tenant compte du primat statuant que ce qui est inspiré du Livre et de la Sounna ne peut être considéré comme un patrimoine figé ou une tendance désuète.
Eduquer les individus par des valeurs spirituelles est recommandée de tout temps et à tout moment, partant de la conviction que l’Homme est source de sollicitude et, promu à la divine succession sur terre, capable de réaliser la perfection aussi bien pour soi-même, pour sa société que pour son environnement.
Dans ce sens, Nous aimerions louer vos convictions et le noble objectif pour lequel vous ne cessez d’oeuvrer en vue de rétablir l’équilibre entre le corps et l’esprit.
Nous vous exhortons aussi à vous entraider, partant des buts et valeurs idéaux que vous avez en partage, en dépit de la diversité de vos tendances et méthodes initiatiques, lesquelles ne peuvent que s’orienter vers l’Ultime Vérité qu’est la religion révélée et avérée qui vous unit et fait converger vos perceptions.
Cet objectif ne pourra se réaliser que par la tolérance qui nous dicte, aujourd’hui plus que jamais, de contribuer à corriger l’image de l’Islam, d’abord parmi les adeptes de votre foi, puis parmi les adeptes des autres croyances et dogmatiques rites, et c’est vous, en votre qualité de tenants des courants spirituels qui s’élèvent au-dessus des tendances des dogmes et des ethnicités, qui êtes capables d’investir votre sagesse pour éclairer les esprits et purifier les âmes haineuses, rancunières ou ignorantes marquées par les confrontations et l’entêtement.
Notre choix politique consistant en l’affermissement de la pratique démocratique en matière de gestion de la chose publique de manière moderne et en conformité totale avec notre religion, il Nous paraît clair que la liberté d’organisation et d’initiative garantie par la loi, permet d’affranchir toutes les potentialités qui étaient sujettes à l’appréhension, l’exclusion ou le monopole. Grâce à ces choix équitables, rien ne peut plus inhiber les initiatives de bonne volonté dont les justes visées sont le bonheur et la promotion de l’Homme.
Votre expérience héritée, visant la quête de la réalisation de ces objectifs, vous habilite sans conteste, à réintégrer les champs religieux, pédagogique et social exempts de toute exploitation politicienne infâme et abjecte, mus en cela par les valeurs du mysticisme authentique et fondé sur l’harmonie idoine entre la dévotion et la rectitude du comportement, entre la noblesse du travail, sachant que de nos jours, les sociétés commencent à ennoblir les valeurs d’altruisme et de compassion, et à adopter plusieurs concepts de la culture se trouvant à l’origine de votre confrérie.
Vous vous devez de vous inspirer de ces valeurs, fondées sur la logique d’unicité et la noble aspiration, en tenant à rendre concrète la communication, la connaissance et la coopération mutuelles, afin de faire émerger l’esprit de votre rencontre-ci dans un pays qui a toujours été un pôle de tolérance entre les religions révélées, et qui a opté pour la voie du juste milieu et de la modération, prouvant ainsi, en tout temps, son attachement à ses valeurs, à son authenticité, à ses constantes et prenant toujours en considération les vertus d’ouverture, de compréhension, d’échange d’expériences, et l’affirmation de la nécessité de concilier à la fois les civilités de recevoir et de donner exigées entre les individus, les groupes, les civilisations et les cultures.
Puisse Dieu unifier votre confrérie soufie sur la voie de la religion musulmane, basée sur l’unité et le panégyrique du Très Haut dans la quête du dévouement à Dieu, initiant à l’action saine et utile. Celle qui imprègne de sérénité les coeurs et comble de bonheur la société et de bien-être la Oumma".
10/09/2004
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