"Louange à Dieu,
Que la bénédiction et la paix soient sur le Prophète Sa famille et Ses compagnons.
Excellences,
Mesdames et Messieurs,
Permettez-nous tout d’abord de vous féliciter et de vous remercier d’avoir choisi le Royaume du Maroc pour réunir ce premier Forum mondial de l’eau.
Votre présence parmi nous, quelques heures après qu’ait été inauguré le barrage Al Wahda, notre plus grand ouvrage de retenue d’eau et l’une des plus importantes infrastructures de ce type, jamais réalisées sur le continent africain, nous semble refléter l’intérêt et l’attention que vous portez à la politique de l’eau, mise en œuvre par notre pays depuis plu sieurs décades.
En fait, notre relation à l’eau est une partie intégrante de notre identité. Déjà au Moyen-Age, Fès et Marrakech qui accueille vos assises, avaient édifié des réseaux d’alimentation en eau potable, d’irrigation et d assainissement, qui n’ont rien à envier au système sophistiqué conçu aujourd’hui grâce aux plus hautes technologies. La civilisation arabo-musulmane d’une manière plus générale, a toujours placé les questions de l’eau au centre de ses préoccupations scientifiques, techniques, juridiques et culturelles.
Mesdames et Messieurs,
Le Forum de Marrakech témoigne en même temps de la prise de conscience par la communauté internationale des enjeux qui s’attachent désormais aux menaces de pénurie, de crise de l’eau, qui se profilent à l’aube du troisième millénaire.
L’accroissement démographique et, surtout, l’augmentation de la consommation liée à un développement socio-économique irrépressible et légitime, sont à l’origine d’un défi redoutable.
Les données disponibles sur les ressources en eau conventionnelles et non conventionnelles, sur la déforestation, l’érosion, la désertification, la pollution et la précarité alimentaire, confirment l’ampleur du problème.
Il nous faut revoir les stratégies et les pratiques en vigueur en matière d’utilisation de cette ressource essentielle que l’on doit consommer de plus en plus, mais que l’on ne sait toujours pas fabriquer, et les inscrire dans des principes de durabilité du développement économique et social et de solidarité humaine.
Le temps est donc venu de réagir et penser désormais au problème de l’eau, non seulement en termes de priorité, mais en plus avec une vision nouvelle qui intègre le risque de crise et la capacité d’en prévenir les conséquences.
L’évolution actuelle le démontre, les approches réactivés du passé ne sont plus de mise. En effet tant en zones urbaines qu’en milieu rural, l’accès de tous à une eau salubre et à des installations sanitaires adéquates constitue un défi colossal : aujourd’hui dans le monde, entre 40 et 60% de l’eau employée par les services d’utilité publique sont gaspillés.
Mesdames et Messieurs,
Si nous ne réagissons pas, les risques de pénurie continueront longtemps de susciter les plus vives inquiétudes, en particulier dans les zones urbaines à expansion rapide où la croissance démographique et l’augmentation du nombre de mégalopoles auront pour conséquence de réduire encore plus la quantité d’eau disponible.
En 1950 on dénombrait moins de 100 villes avec une population supérieure à un million. D’ici à 2025, on prévoit que ces grandes métropoles seront 650, dont 22 compteront plus de dix millions d’habitants. Au fur et à mesure que les populations urbaines augmenteront, l’eau alors utilisée à des fins agricoles, devra, on le voit, être mise à la disposition des municipalités et de l’industrie : il sera alors d’autant plus difficile de répartir les ressources en fonction des différents secteurs d’activité.
D’autres problèmes tout aussi préoccupants, ne pourront être résolus que si la gestion de l’eau est conçue sur la base d’une approche intégrée : la dégénérescence des écosystèmes régulés par le régime des eaux souterraines et des eaux de surface, mais aussi la dégradation irréversible des systèmes aquifères sont deux facteurs qui réduisent la fertilité des sols et conduisent à un déclin alarmant de la disponibilité de la qualité et de l’accessibilité de l’eau.
De la même façon, le fait de déverser dans la mer des eaux usées industrielles et urbaines, le recours à des pratiques inadaptées d’utilisation des sols et l’exploitation excessive des ressources marines sont autant de menaces à l’encontre de la sécurité alimentaire des ressources halieutiques et du tourisme.
Il devient ainsi de plus en plus clair, que l’approvisionnement en eau et les services d’assainissement devront reposer à la fois sur le progrès technologique (conception et construction des infrastructures) et sur une gestion intégrée des ressources en eau. Il est tout aussi clair que le fait de gérer la demande au lieu de se contenter exclusivement d’y répondre, c’est à dire, entre autres, vendre l’eau au juste prix, contribuera davantage à sécuriser les ressources, car dans la plupart des pays en développement, nous le savons, les subventions accordées au titre de l’approvisionnement en eau profitent autant ou davantage aux riches et à la classe moyenne qu’aux populations les plus démunies.
L’eau et le développement humain durable sont, nous le voyons, indissociables. Sans un approvisionnement adéquat en eau, sans une gestion saine de cette ressource, le développement socio-économique peut-être tout simplement remis en cause et l’on peut affirmer sans risque de se tromper, que le défi de l’eau sera crucial dans les années à venir.
Mesdames et Messieurs,
Ce constat qui s’applique à une très large partie de notre univers est encore plus vrai pour la communauté des pays du monde arabe, de Rabat à Oman.
Si les vingt pays de cette région du monde partagent la même langue, la même religion et baignent dans une histoire et une culture qui les réunissent et les associent, ils ont en plus une caractéristique commune : ils sont pour la plupart des pays arides ou semi-arides.
Ils ont en commun également une forte poussée démographique qui a fait qu’entre 1965 et 1990, leur population a plus que doublé, en passant de 107 millions à un peu plus de 200 millions de personnes et l’on prévoit qu’à l’an 2025, dans cette région, la ressource en eau par habitant qui était de 3500 mètres cubes en 1960, sera à peine supérieure à 600 mètres cubes en l’an 2025.
Enfin, dernier facteur caractéristique de cette région, les démographes prévoient qu’à l’aube du troisième millénaire, la population au Moyen-Orient et en Afrique du Nord sera urbaine à75%.
Vous comprendrez ainsi, excellences, mesdames et mes sieurs, pourquoi notre pays, le Royaume du Maroc, sans rupture et sans états d’âme, fidèle à ses traditions et attaché à la modernité, a érigé en priorité absolue, depuis 1967, une poli tique et une stratégie axées sur la valorisation et la protection de nos ressources en eau.
Nous l’avons fait à une période où l’idéologie ambiante poussait au tout-industriel et nous incitait à tourner le dos à la réalité de notre patrimoine et aux conditions de notre pérennité. Cet effort, nous l’avons fait en sachant la limite de nos moyens, mais avec la volonté politique, le consensus populaire et la participation de tous qui nous permettent aujourd’hui de nous présenter à vous avec 90 barrages et 13 systèmes hydrauliques de transfert d’eau qui peuvent mobiliser près de 70 % du total de notre ressource hydrique.
Ces infrastructures, largement réalisées grâce à la coopération internationale, permettent de répondre à une demande en eau globale de plus de dix milliards de mètres cubes par an. L’agriculture irriguée dans notre pays représente désormais 45 % de la valeur ajoutée agricole, 75% de nos exportations agricoles et le tiers des emplois en milieu rural.
Ces chiffres, mesdames et messieurs, ne vous sont pas livrés à titre de satisfecit, car nous savons l’ampleur des défis qu’il nous reste à affronter, avec l’inéluctable accroissement de la demande, un contexte hydrologique versatile et fragile et une gestion de nos ressources qu’il nous faut encore améliorer et optimiser.
Ces chiffres et cette volonté politique qui les accompagne et les encadre sont là, mesdames et messieurs, pour valider notre appel à plus de coopération, à plus de solidarité et à plus d’optimisme.
Il nous faut aujourd’hui une mobilisation plus institutionnelle, plus permanente, pour organiser et favoriser le partage des connaissances et une allocation plus judicieuse des ressources financières de la coopération internationale. Il nous faut aussi faire preuve de plus d’imagination et d’audace.
Il y a quatre ans, à l’occasion du 7ème Congrès mondial des ressources en eau, nous avons appelé à la création d’un fonds international pour le financement de la lutte contre la pollution de l’eau et pour conforter la coopération internationale dans ce domaine.
Nous avons aussi proposé qu’une partie de la dette contractée par nos pays, soit affectée à ce fonds.
Nous réitérons cet appel devant vous aujourd’hui, en pro posant que votre Forum se transforme en une institution permanente qui se réunirait régulièrement, pour devenir l’instrument de catalyse de la coopération internationale, d’impulsion et de partage de la technologie.
Pour faire aussi de la préservation de nos ressources en eau un terrain exemplaire et peut-être révolutionnaire, de l’interdépendance et de la solidarité des nations à l’aube du troisième millénaire."
22/03/1997
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