Ouverture de l’année judiciaire

22 février 2007 - 20h45 - 2003 - Ecrit par : L.A

"Louange à Dieu.

Paix et prière sur le prophète, sa famille et ses compagnons.

Mesdames et Messieurs les magistrats,

Il nous plaît de nous prévaloir de l’ouverture de l’année judiciaire et en faire l’occasion de poser de nouveaux jalons au processus engagé pour la réforme de l’appareil judiciaire, tant il est vrai qu’une justice indépendante, intègre et efficiente conforte la suprématie de la loi et assure confiance et sécurité pour les personnes et les biens. Si elle favorise le développement et incite à l’investissement, elle apporte aussi la garantie du renforcement de la stabilité et de la démocratie, que nous plaçons au dessus de toute autre considération.

Mais est-ce que les efforts déployés à cet égard ont permis d’atteindre les objectifs escomptés ? La réponse est assurément non. En effet, tout en nous félicitant des réalisations accomplies jusque-là, nous considérons que l’action de réforme de la justice est un programme ambitieux, laborieux et de longue haleine, dont nous tenons résolument à accélérer la cadence, pour assurer la modernisation, la moralisation et la mise à niveau de l’appareil judiciaire. Nous voilà donc aujourd’hui, prenant des mesures concrètes pour que la justice puisse apporter sa contribution à l’effort collectif qui est engagé pour édifier le Maroc de la démocratie et du développement.

Ainsi, conformément à notre ferme volonté de continuer à œuvrer pour la promotion des investissements et en application de nos directives énoncées dans la lettre que nous avons adressée à cet effet, à notre premier ministre, nous invitons notre gouvernement à poursuivre les efforts de modernisation de la justice, en rationalisant le travail, en simplifiant les procédures et en assurant la généralisation de l’informatique. Il est tout aussi nécessaire, par ailleurs, de diversifier les procédures de règlement consensuel des litiges qui viennent à surgir entre les partenaires dans les transactions commerciales, et ce en procédant, avec la célérité voulue, à l’élaboration d’un projet de loi d’arbitrage commercial, national et international, qui permette à notre système judiciaire de répondre aux exigences de la mondialisation et de la compétitivité de l’économie, et de contribuer à drainer les investissements étrangers.

Toujours dans le cadre de cette démarche moderniste, nous avons donné nos hautes instructions à notre ministre de la justice pour assurer l’ouverture de sections de la justice de la famille dans les principaux tribunaux, et veiller ultérieurement à la généralisation de ces structures à toutes les régions du royaume et à l’accélération de la formation de juges de famille spécialisées. Car en effet, les juridictions actuellement en charge des questions de statut personnel ne sont pas aptes à assurer l’application du code de la famille, projet à la réalisation duquel nous sommes particulièrement attachés, afin de consolider la cohésion de la famille dans un esprit d’équilibre et d’équité.

Ainsi, au lieu de créer une caisse de pension alimentaire, qui pourrait être perçue à tort comme une incitation à ce qui constitue pour Dieu le plus détestable des actes licites, et aboutit à l’éclatement de la famille, nous donnons nos instructions à notre gouvernement pour étudier minutieusement la mise en place d’un fonds d’entraide familiale, qui serait alimenté, partiellement, à partir du produit de timbres à valeur symbolique apposés sur les actes relatifs au statut personnel et familial, fonds dont les prestations seraient allouées selon des critères rigoureux, l’objectif étant de garantir les droits de la mère démunie et de protéger les enfants qui risquent d’être livrés à l’abandon à la suite du divorce de leurs parents.

Notre but demeure la création d’une justice spécialisée, qui, outre l’efficience dans le règlement des litiges, garantisse le droit à un procès équitable et l’égalité des citoyens devant la loi, en toutes circonstances et dans tous les cas. Aussi, ordonnons-nous à notre gouvernement de se pencher sur la situation de la cour spéciale de justice et de nous soumettre les propositions auxquelles il aura abouti, en gardant à l’esprit l’impératif de la mise en place d’une juridiction spécialisée dans les crimes financiers, soucieuse de moraliser la vie publique, de protéger les deniers publics contre toutes sortes de prévarication, et d’ancrer dans les mœurs la culture et l’éthique de la responsabilité.

La mise à niveau de la justice étant tributaire de la bonne formation des magistrats et de l’amélioration de la situation matérielle des juges débutants et des auxiliaires de justice, nous invitons notre gouvernement à étudier les moyens de réviser leurs conditions matérielles et à élaborer, à l’intention des greffiers, un statut qui soit motivant à même de les prémunir contre les tentations et les dérives qui portent atteinte à l’honneur de la justice et à l’intégrité de sa mission. Nous appelons également à la mise en place d’une amicale des fonctionnaires de la justice qui veillera à la promotion de leur situation sociale et professionnelle, dans le cadre d’une action associative adaptée à la spécificité de la justice, celle-ci n’étant pas un service administratif, mais plutôt une institution constitutionnelle qui doit rester à l’abri de toute influence ou pression quelle qu’en soit la forme ou l’origine.

À cet égard, et en confirmation de l’intérêt particulier et constant que nous portons à la situation de la famille de la justice, nous avons décidé la création de la fondation mohammadienne des œuvres sociales des magistrats et des fonctionnaires de la justice.

D’autre part, nous attendons du gouvernement de notre majesté de se prévaloir rapidement des possibilités d’ouverture et de partenariat qu’offre la réforme du système de l’enseignement et de la formation universitaire et judiciaire, pour assurer une formation moderne et solide à nos magistrats ainsi qu’à tous ceux qui exercent des professions liées à la justice.

Par ailleurs, la sollicitude particulière que nous réservons à la dimension sociale, dans le domaine de la justice, ne serait pas complète, sans que nous assurions aux citoyens incarcérés leur dignité humaine, qui, du reste, ne leur est pas déniée du fait d’une décision de justice privative de liberté.

Nous avons été profondément touchés par les événements douloureux qui se sont produits dans certaines prisons. Par conséquent, et parallèlement à la réforme avancée qui englobe la législation pénitentiaire et le programme d’actions ambitieux dont nous supervisons la réalisation par la fondation Mohammed VI pour la réinsertion des pensionnaires des établissements pénitentiaires, nous avons donné nos instructions pour faire construire rapidement des complexes pénitentiaires modernes, civils et agricoles, et pour veiller à l’amélioration des conditions matérielles et morales des prisonniers.

Soucieux d’atténuer les souffrances de certaines catégories de prisonniers qui bénéficient de notre compassion pour des raisons humanitaires, nous avons donné nos hautes directives à notre ministre de la justice pour qu’il soumette à notre haute appréciation des propositions visant à faire bénéficier de la grâce royale, une catégorie de prisonniers atteints de maladies incurables, des prisonniers invalides ou handicapés, ou des prisonnières enceintes ou allaitantes, ou des enfants dotés d’aptitudes éducatives ou artistiques particulières. Ces propositions devront être élaborées selon des critères rigoureux et sur la base de listes nominatives précises. Nous annoncerons au moment opportun la décision que nous aurons prise à leur égard.

Nous appelons le gouvernement à mettre à profit les délais impartis pour l’entrée en vigueur du nouveau code de procédure pénale, pour assurer la formation et la qualification des juges d’exécution des peines, de sorte qu’ils puissent observer la conduite des prisonniers repentis et contribuer à accroître les opportunités de mise en liberté.

Nous implorons Dieu tout-puissant de vous prêter assistance, honorables magistrats, pour que vous puissiez rendre la justice avec toute l’indépendance, la rectitude et la compétence nécessaires et avec l’ijtihad requis, et prémunir la sécurité des citoyens et la sûreté et l’inviolabilité de la nation et de l’état, contre tout acte criminel ou terroriste. Telle est la voie que vous devez suivre pour être dignes de l’honneur qui vous échoit de rendre la justice au nom de notre majesté. C’est une lourde responsabilité dont nous vous engageons à assumer les charges devant Dieu.

C’est à ce prix que vous parviendrez à consolider la confiance des justiciables et à les réconcilier avec la justice. Ainsi, vous ferez régner la justice dont nous avons fait le socle et la finalité de notre doctrine du pouvoir. C’est, en effet, sur elle que nous fondons l’ambition d’assurer à notre Peuple libre et fier, le progrès démocratique, la cohésion sociale et l’essor économique que nous appelons de nos vœux.

Wa salamou alaikoum wa rahamatoullah wa barakatouh."

29/01/2003

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