« Le Maroc a tout, sur le papier, pour devenir la destination phare de l’offshore francophone ». Impossible de lire cette affirmation du magazine 01 Informatique, référence dans son domaine, sans avoir un sentiment de frustration accompagné d’une sérieuse remise en cause. Question immédiate : après tout ce que le pays a fait, qu’est-ce qui reste encore à entreprendre pour que l’on dise enfin que « le Maroc est la destination phare de l’offshore francophone » sans, cette fois-ci, la mention combien inquiétante « sur le papier » ?
Sur le plan communication, il semble que la campagne com du Maroc ait été exemplaire. Ainsi Laurent Bervas, cofondateur de Lintup, constructeur d’ordinateurs sans disque dur, affirme que « le Maroc a bien communiqué sur l’opportunité de l’offshore et les entreprises étrangères sont venues ». Capgemini, AtosOrigin, Steria, GFI, Accenture, EDS, Tata Consulting Services… sont des sociétés citées en exemple.
Cependant, les faiblesses de l’offre demeurent importantes. « Le pays serait (même) victime de ses effets d’annonce », commente le magazine français. Parmi les défaillances, l’on cite en premier le foncier. D’emblée, ce dernier est pointé du doigt. « Comment accueillir tous ces prestataires ? », se demande le magazine 01 alors que « Casanearshore, la plus avancée des structures dédiées, a pris du retard ». « Officiellement, la première phase de plus de 50.000 m2 devait s’achever mi puis fin 2007. Pour l’heure, seuls deux bâtiments sont sortis de terre. Rabat Technopolis serait mieux engagée », poursuit le magazine. L’article est sorti le 9 octobre. Exactement une semaine avant que le Roi n’inaugure Casanearshore. Rabat Technopolis l’ayant déjà été quelques jours auparavant. Un message de plus en direction du monde entier sur l’engagement irréversible du pays à relever le challenge de l’offshoring. Donc, foncier, on n’en parle plus. L’autre faiblesse, plus sévère celle-là, a trait aux ressources humaines. « La pénurie n’est pas tant immobilière qu’humaine », lâche la rédaction du magazine français.
« L’arrivée des ténors du service a créé des tensions sur le marché de l’emploi, faute d’ingénieurs en nombre suffisant ». « Même le programme 10.000 ingénieurs formés par an n’a pas encore produit ses effets ». Résultat des courses : une flambée des salaires. « Un ingénieur débutant gagne près de 1.000 euros nets, puis 1.300 euros au bout d’un an ou deux », rapporte un agent immobilier interrogé par le magazine français.
Un agent immobilier n’est peut-être pas la bonne source pour avoir des informations sur le salaire des ingénieurs au Maroc. Mais le constat de tension sur les salaires n’est pas faux. Cet agent immobilier va plus loin en comparant avec les autres pays. Il affirme que le niveau des salaires au Maroc « n’a rien à voir avec l’Inde ». « Cela n’est tenable que si la prestation est vendue cher. Seule une dizaine de sociétés offshore prospèrent réellement », renchérit-il. Les propos de l’agent immobilier se trouvent corroborés plus loin par des témoignages d’entreprises installées au Maroc. Ainsi, Félix Hassine, co-fondateur de Netik, installé à Rabat en 2005, fait état d’une demi-déception. Il a été amené à opérer une relocalisation de son business en France : « La moindre compétitivité des informaticiens marocains et le coût de l’encadrement l’ont conduit à redéployer des forces à… Laval », peut-on lire sur 01 magazine.
Qui entendre, l’agent immobilier ou l’informaticien ?
La palme des propos les plus sévères de l’« enquête de 01 magazine » est attribuée à Laurent Bervas, agent immobilier installé à Casablanca. Ce dernier fait le parallèle entre le Maroc et une start-up de la période de la bulle Internet : « On fait un beau business plan, on communique bien, on fait venir les investisseurs mais, au final, le potentiel de business est plutôt faible », affirme-t-il sur les colonnes de 01 magazine. Bervas est, en fait, un ancien dirigeant de SSII qui a dû trouver que l’ensemble du secteur informatique était d’un faible potentiel de business.
Ceux qui continuent à pratiquer ont des jugements plus nuancés. Ainsi, Christian Nibourel, opérateur cité par le magazine français, soutient que « l’inflation salariale reste encore sous contrôle ». Même son de cloche du côté de Rachid Sefrioui, PDG de Finatech. Ce dernier assure « ne pas souffrir de la pénurie des compétences ».
Source : Nabil Taoufik - L’Economiste
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