Les initiatives gouvernementales et le retour massif des Marocains résidant à l’étranger (MRE) contribuent à la relance du marché de l’immobilier marocain.
Pour beaucoup, la pratique du « noir » dans l’immobilier serait due à un problème de mentalités. « Un sujet encore tabou » pour Samir Benmakhlouf, DG Maroc de Century 21. « Il doit être soulevé », car la pratique de la dissimulation d’une partie du prix tourne rapidement, et inévitablement, au cercle vicieux. « La partie lésée reste l’acheteur », tranche-t-il sans hésitation.
D’autres estiment que le sujet ne serait plus tabou, au contraire. D’abord, parce que « l’immobilier touche toutes les couches de la population, et enregistre une forte demande », mais aussi parce que « les mentalités changent », explique Amine Fayçal Benjelloun, président de la Chambre nationale du notariat moderne du Maroc. Ce dernier, très optimiste, estime que la dissimulation d’une partie du prix des transactions sur le marché immobilier s’estompera « avec l’intensification de la concurrence ».
Les professionnels du secteur notent un changement. « Nous constatons une évolution positive sur le pourcentage au noir réclamé par le vendeur qui baisse régulièrement, voire disparaît », note Chakib Bennani, président de la commission fiscale et financière de la Fédération nationale des promoteurs immobiliers (FNPI). Une évolution qui a été constatée dans des pays tel l’Espagne. « La professionnalisation du secteur rendra mécaniquement cette pratique marginale », prédit Chakib Bennani.
La solution doit venir de l’Etat. Première victime, via le Trésor, de cette gigantesque triche à l’impôt. « Les pouvoirs publics doivent veiller à faciliter davantage les procédures administratives aux promoteurs immobiliers, et élargir le nombre d’autorisations de construire à travers le Royaume », explique Chakib Bennani.
Les promoteurs qui, aux yeux de certains experts, sont les premiers à en pâtir, ne peuvent que suivre cette pratique. Le cédant du foncier réclamerait déjà une grande partie du prix au noir.
Dissimulations ou pas, « l’acheteur doit dire non », recommande Amine Fayçal Benjelloun. « C’est une manière pour lui de se protéger ». Il est certes vrai que l’amalgame peut vite être établi- une pratique opérée par des « promoteurs qui n’ont rien de professionnel », indique Chakib Bennani, mais pas toujours, sinon comment expliquer que la minoration de la valeur de biens immobiliers soit si pratiquée à grande échelle ? La FNPI aurait d’ailleurs mis en place une charte d’éthique et de déontologie, histoire d’inciter les promoteurs à plus de civisme fiscal.
Certains moyens existent pour y mettre un frein. Hormis la demande de redressement, l’Etat dispose d’un droit de préemption, prévu par l’article 143 du Code général des impôts. Des études seraient « en cours de réalisation sur le mécanisme de ce dernier », explique Amine Fayçal Benjelloun. Un mécanisme qui a permis de « réguler le marché immobilier dans de nombreux pays étrangers, de lutter contre les spéculations sauvages tout en permettant l’aménagement du territoire ».
Outre le fait que la dissimulation d’une partie du prix a pour conséquence d’appauvrir les caisses de l’Etat, elle instaure également une insécurité juridique entre les parties.
L’honnêteté… ? Trop chère !
L’acquéreur d’un bien immeuble ayant payé une partie au noir et qui souhaite réajuster son bien à sa valeur réelle a la possibilité de saisir l’administration fiscale. C’est ce qu’on appelle une demande de redressement, dans laquelle doit être stipulé le prix réel d’achat. Le Fisc peut en effet intervenir pour réévaluer le bien mais sur la base de ses propres références de prix. Il exige ensuite l’impôt équivalent. Un moyen qui ne réussit pas à enrayer ce fléau. « L’honnêteté coûte cher », renchérit le DG Maroc de Century 21.
Source : L’Economiste - N. M.
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