C’est le coeur serré que le nouveau champion du monde de cross country avait quitté son pays d’origine, le Maroc. Il y a un peu plus de trois ans, le néo-belge n’a pas choisi de partir. On l’avait forcé à aller offrir ses services sous d’autres cieux. Il s’agit bien de Mohamed Mourhit, l’unique athlète à avoir réussi à contester l’hégémonie kenyane sur cette spécialité, dimanche 19 mars à Vilamoura, au Portugal. Mourhit a réalisé cet exploit dix ans après son compatriote Khalid Skah (1990 et 1991), qui avait failli, lui aussi, opter pour une autre nationalité.
Comme tous les Marocains, nous avions tant souhaité que la nouvelle star mondiale soit vêtue en rouge et vert. Malheureusement, ce ne fut pas possible, mais nous pouvons, tout de même, se consoler de l’attachement aux origines de cet athlète authentique : ’’Je dois beaucoup au Maroc’’. Ceci est un message clair et net à tous ceux qui l’avaient poussé un jour à la sortie, croyant qu’il était ’’fini’’.
Notoriété
L’histoire de ce natif de Khouribga, le 10 octobre 1971, ressemble étrangement à celle du meilleur marathonien du monde, Khalid Khennouchi. Tous les deux ont préféré quitter leur pays d’origine pour se mettre à l’abri de la tyrannie de certains dirigeants de la fédération qui n’avaient pas admis que ces deux jeunes apprennent à voler de leurs propres ailes.
Il est de notoriété publique que Mourhit et Khennouchi avaient été renvoyés par l’homme fort de la fédération, qui n’aime pas avoir des ’’têtes dures’’ au sein de son groupe. On confond souvent discipline et esprit de groupe avec résignation et soumission. Il n’y a pas de plus capricieux que cela.
Promis à un bel avenir, Mourhit commençait à rêver des podiums, des acclamations du public, de l’empressement des journalistes pour prendre des déclarations, et pourquoi pas rejoindre le panthéon des grands athlètes nationaux, comme Radhi, Aouita et Skah.
Seulement, le manque de démocratie et l’injustice dans les décisions de la direction technique nationale à la suite d’un petit différend l’avait mis dans des états où il est vraiment difficile de réfléchir ou de raisonner calmement. Privé de toute participation aux meetings dans une tentative de le faire fléchir, Mourhit est allé trouver refuge à Bruxelles où la fédération belge l’avait adopté comme l’un des siens en détectant chez lui cet air revanchard avec lequel l’Homme peut réaliser des miracles.
Repris en main par son frère Bouzekri quelque temps seulement avant l’obtention de la nationalité belge en 1997, le désormais bruxellois a reçu un bon conseil de son nouvel entraîneur : " change ta méthode de travail et ton style d’entraînement ". Ce qui veut dire que Mourhit se préparait auparavant d’une manière erronée.
En faisant confiance à son frère, le kouribgui a enfin trouvé le chemin du succès et de la célébrité. Il a entamé sa marche victorieuse en imposant sa suprématie dans le vieux continent, en établissant notamment un nouveau record européen sur 10.000 mètres en 26 min 52 sec 30/100.
Célébrité
Cependant, Mohamed Mourhit n’a pas renié ses racines pour autant. Malgré l’hostilité des jaloux et les crises de colère de son épouse belge qui n’a pas supporté ses interminables va-et-vient, le marocain de cur a fait d’Ifrane sa principale base de préparation. Selon certaines informations, Mourhit fût interdit d’accès aux sommets de l’Atlas au moment où il avait annoncé son intention de devenir belge.
Aujourd’hui, il revient la tête haute dans son pays d’origine, même si sa présence est de plus en plus gênante pour ses anciens détracteurs.
D’après ce qu’on raconte sur lui, Mourhit ressent une grande fierté et une émotion viscérale en humant l’air frais d’Ifrane et l’odeur de la terre à Khouribga où il fait chaque année le ramadan avec sa famille. Cet amour pour le pays lui fait dire que le Maroc est le seul pays au monde où l’athlète peut s’entraîner durant toute l’année, parlant avec tendresse de ses plages et de ses montagnes.
Grâce à son sérieux dans le travail et sa persévérance, Mohamed Mourhit va connaître l’été dernier la consécration internationale dans la chaleur sévillane.
Consécration
Lors des 7èmes championnats du monde en août 1999, il remporta la médaille de bronze du 5.000 mètres. Oubliant un petit moment qu’il portait les couleurs belges, Mourhit, emporté par une fibre nationaliste instinctive, va faire un tour d’honneur brandissant le drapeau national en compagnie de Salah Hissou, sacré champion du monde.
Ce geste complètement spontané a suscité une vague de colère en Belgique. Mais, Mourhit a su comment apaiser les esprits, une fois de retour à Bruxelles.
Sept mois plus tard, le belgo-marocain va entrer dans l’histoire par la grande porte. Dimanche 19 mars restera un jour mémorable dans la carrière de cet athlète.
Terminant meilleur européen au cours des trois dernières éditions des mondiaux de Cross Country, Mourhit va coiffer tout le monde au poteau, en franchissant la ligne d’arrivée en vainqueur à Vilamoura. Mission accomplie pour Mourhit qui a brisé le rêve du kenyan Paul Tergat de décrocher son sixième titre mondial d’affilée et en même temps confirmer que seuls les Marocains sont capables d’en découdre avec l’armada kenyane.
Sentimental comme il l’est, l’enfant de Khouribga a vite eu une pensée pour son pays d’origine en guise de fidélité et de reconnaissance à la patrie. Maintenant qu’il a atteint son premier objectif majeur, Mohamed Mourhit se fixe un nouveau challenge : les lauriers olympiques à Sydney.
"À présent, c’est notre prochain objectif", a lancé son frère et entraîneur. Même si la concurrence sera rude en Australie, Mohamed Mourhit semble confiant et déterminé à se surpasser.
Maroc-Hebdo
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