La frontière entre l’Algérie et le Maroc a été exceptionnellement ouverte cette semaine pour permettre de rapatrier le corps d’un jeune migrant marocain de 28 ans, décédé par noyade en Algérie.
Spectaculaire !!! Le délégué de la Commission européenne au Maroc, Marcello Mori, perd son sang-froid lors d’une journée d’étude sur la migration. Unanimement condamné par les différents intervenants, et hué par le public, le dérapage diplomatique de ce représentant, européen (venu en simple observateur), réagissant aux propos sur la politique européenne en matière de lutte contre l’immigration (« le Maroc, chien de garde de l’UE », entendait-on dans l’assistance) restera dans les mémoires. Mauvaise publicité pour la Commission.
Cela s’annonçait pourtant bien. Tout le monde était là. Les conférenciers -(l’Organisation marocaine des droits de l’homme (OMDH), l’association Réfugiés sans frontières (RSF), le Haut commissariat pour les réfugiés au Maroc (UNHCR/Maroc)-, dans leurs starting-blocks, attendant le coup d’envoi de la rencontre. Le public, essentiellement composé de migrants subsahariens. Parmi eux, des hommes venus à pied du Congo et des femmes leurs enfants sur le dos. La presse aussi était présente. Un véritable ballet de caméras, digne d’une grande production hollywoodienne. Ambiance électrique garantie. Normal, car « les enjeux multidimensionnels de la migration », thème de la conférence organisée par la Fondation Orient-Occident à Rabat, ce samedi 19 mai, suscitent bien des questions dérangeantes, et souvent sans réponse.
Respecter les droits des réfugiés
Organisateur et parrain de la rencontre, RSF ouvre le bal. Son président, Louis D’or Ngalamulume, dresse l’état des lieux, plutôt sombre, de la situation des réfugiés et demandeurs d’asile au Maroc. Principales revendications : respect des droits fondamentaux, liberté de circulation pour tous et réhabilitation du droit d’asile. Son plaidoyer pour la stricte application par le Royaume, des conventions internationales sur les migrants et sur les réfugiés, fait mouche. Applaudissements dans la salle.
Venant tempéré ces propos, Younes Foudil, représentant de l’OMDH, insista sur l’importance des efforts à accomplir (encore) par la société civile, mais également par les autorités marocaines. Son exposé sur la protection accordée aux immigrés clandestins et pour les réfugiés au Maroc captiva le public. L’annonce de la mise en place d’une structure spéciale pour les déboutés fait sensation. Militant actif pour un pays où les droits de l’homme sont à respecter, ce professeur de droit, ancien du HCR, maîtrise son sujet. Et de conclure par cette formule sans ambiguïté possible » « le Maroc, terre d’accueil et non pas terre d’écueil ».
Quant à l’avenir des enjeux économiques et politiques de l’Union européenne vis-à-vis de la migration, le professeur Lahlou Mehdi s’en chargea. L’Union européenne étant la principale destination des candidats à la migration de l’Union africaine, il lance un appel à la création d’un fonds de soutien pour aider ces migrants. Un juste partage des ressources (à commencer par une révision de la Politique agricole commune) permettrait selon lui de mieux vivre, et limiterait ainsi l’immigration. « Les milliards d’euros utilisés pour les opérations de maintien de sécurité aux frontières (opération Frontex par exemple…) serviraient à l’irrigation de combien de champs en Afrique ? », demande-t-il ? Question brûlante, sans réponse.
Venant clôturer cette journée d’étude, l’intervention de Yohannes Van Der Klauw, chef de mission au HCR, était des plus attendues. L’homme, au discours politiquement correct, présente un bilan de la situation des réfugiés et demandeurs d’asile au Maroc. Détail : 600 réfugiés officiellement enregistrés, en majorité des Subsahariens. Surprise de taille, la présence sur le sol marocain d’Irakiens, fuyant les affres de leur pays. « L’intégration de cette population reste le défi majeur », indique ce haut fonctionnaire international. D’autres problèmes subsistent également, comme la scolarisation des mineurs, ou encore l’octroi (au compte goutte) des papiers, reconnaissant leur enregistrement par le HCR, première étape vers une éventuelle carte de séjour (délivrée par les autorités marocaines). « On ne peut pas faire de miracle », précise-t-il, et d’ajouter qu’une collaboration partagée entre HCR, gouvernement et migrants serait des plus judicieuses. Une approche régionale (avec les pays limitrophes…) du phénomène migratoire permettrait d’agir efficacement, et donc de servir au mieux les droits des migrants et des réfugiés. A bon entendeur…
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La fondation Orient-Occident, association à but non lucratif et reconnue d’utilité publique, née en 1994, possède cinq centres à travers le pays. L’antenne de Rabat (créée en 2001), près du quartier Al-Manal où se concentre une majorité de migrants et autres réfugiés, s’active à développer des programmes pour répondre aux attentes de cette population. Détails. C’est une assistante sociale et une écoute psychologique qui leur sont d’abord fournies. « Les hommes viennent plus facilement parler des problèmes liés à leur situation de grande précarité », souligne une des représentantes. Une formation de mise à niveau de langue et d’informatique est également proposée. De nombreux ateliers (accompagnement à l’insertion professionnelle, sensibilisation aux MST/sida, théâtre, musique…) leur sont offerts. Ce sont 435 réfugiés qui sont inscrits au centre de Rabat, de plus de 8 nationalités différentes. Une formation professionnelle en maintenance et réseau informatique, ainsi que dans les métiers des centres d’appels, ou encore dans les services (aides-soignants) permet pour certains d’entre eux de pouvoir s’insérer dans la vie active. Une belle prouesse, et une action qui mérite le respect.
L’Economiste - Alexis Bensaad
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