La Sologne, le Quercy, les Cévennes, le Lubéron, la côte Atlantique, la côte méditerranéenne... Les frontières de l’Hexagone sont devenues trop exiguës au goût des amateurs de résidences secondaires. Dans cette quête d’un ailleurs plus lointain, plus exotique, le Maroc est devenu une destination privilégiée. Au-delà de Marrakech, où les « people » et autres jet-setteurs se sont livrés à une véritable OPA sur les riads au détriment de la population locale, nombre de régions marocaines sont saisies d’une fièvre immobilière. Ça construit, ça bétonne, notamment à proximité des côtes et aussi à la périphérie des grandes villes : Agadir, Tanger, Casablanca, Fès.
Près de la capitale, Rabat, 13 kilomètres de côtes sont en train d’être aménagés. Des villes nouvelles sont édifiées, comme Tamesna, près de Rabat, ou Tamansrout, à la périphérie de Marrakech. Partout fleurissent aussi des projets résidentiels pour répondre à l’afflux d’acheteurs en provenance d’Europe et notamment de France. Ce marché est lucratif et les promoteurs viennent désormais démarcher les clients potentiels dans l’Hexagone en organisant tous les ans, à Paris, un « salon de l’immobilier marocain en Europe » .
La quatrième édition du genre s’est tenue ce week-end au Parc floral, à proximité du bois de Vincennes, dans un hall de 12 000 m2. Des pancartes vantent « le Maroc, pays de l’hospitalité et de la douceur de vivre » au milieu d’une succession de stands de promoteurs qui vendent des programmes immobiliers neufs. Maquettes, photos de villas somptueuses avec piscines entourées de palmiers, de plans d’eau, et même de terrains de golf pour les programmes très haut de gamme. Dans un des stands, des appartements sont mis en vente dans la « résidence Marina Beach pieds dans l’eau » également dénommée « La Siesta », histoire d’en rajouter sur le cliché « Maroc, pays du soleil et du farniente ».
Vie entre soi
Située à 20 km de Casablanca, La Siesta est constituée de petits immeubles de trois étages, donnant sur « deux piscines spacieuses » . Il s’agit d’une résidence sécurisée, c’est-à-dire clôturée et dotée d’une « vidéo surveillance » pour garantir aux acheteurs une vie entre soi à l’abri d’éventuelles incursions extérieures. Pour l’agrément, le promoteur annonce pêle-mêle « climatisation, fitness, hammam, jardins andalous » . Prix de l’appartement de 70 m2 : de 120 000 à 150 000 euros.
Des programmes de ce type, on en trouve aussi à Tanger, où un promoteur espagnol construit la résidence Atlantic Magna. Prix des appartements de 120 m2 : 300 000 euros. Des tarifs finalement pas très éloignés des prix immobiliers européens, mais encore à la portée des budgets de la classe moyenne qui rêve de se faire une place au soleil. Sur un des stands, une affiche détourne à des fins mercantiles le slogan des mal-logés : « le droit au logement » devient « le droit au bonheur » .
Pour le bonheur des Européens très aisés, les promoteurs édifient des domaines de plusieurs centaines d’hectares évidemment clôturés et gardés où l’on promet « un style pur mauresque allié à un confort occidental » . Vastes villas avec piscines et jardins de 2 000 à 5 000 m2 bordant des terrains de golf. Les prix des maisons oscillent souvent entre 500 000 et un million d’euros.
Enclaves de nababs
A mi-chemin entre Casablanca et Rabat, on construit le Bahia Golf Beach, une opération sur 531 hectares au bord de l’océan Atlantique, « dont 250 hectares de golf et d’espaces verts » . Il faut beaucoup d’eau pour le green ? Qu’a cela ne tienne. « On a monté une usine à dessaler l’eau de mer pour arroser » affirme le promoteur. Une opération analogue, « le Samanah Country Club » , est en cours de construction à 14 km de Marrakech. Là, le promoteur a obtenu l’autorisation de puiser l’eau dans un canal qui jouxte son programme. Des enclaves de nababs dans un pays où une grande partie de la population ne dispose pas de l’eau courante.
Au total, tous profils confondus, combien de Français achètent au Maroc chaque année ? « Nous ne disposons pas de statistiques à l’échelle du pays » , répond Amin Fayçal Benjelloun, président de la chambre des notaires. Mais d’après des sources consulaires, « plus de dix mille Français se seraient installés dans la seule région de Marrakech » au cours du seul premier semestre 2006. Parmi eux, beaucoup de retraités, attirés par le soleil et un coût de la vie nettement moins cher. Sans oublier une fiscalité sur mesure : impôt sur le revenu indolore, et exonération totale des droits de succession sur les biens immobiliers.
Libération - Tonino Serafini
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