Les Marocains sont fixés ce dimanche 10 mars sur le début et la fin du ramadan. Quand commence le mois sacré au Maroc ?
Voilà, on y est ! Après un mois et des poussières de prohibition ramadanesque, l’alcool recoule à flot. Et c’est à Marrakech que les premières bouteilles ont été légalement décapsulées, le mardi 16 octobre, un jour avant les autres villes. Ce qui n’a pas empêché des tenanciers téméraires de rouvrir les vannes éthyliques bien avant cette date. “La veille de l’Aïd, des établissements ont ouvert pour servir des fêtards, venus en masse d’autres villes”, confie un noctambule marrakchi.
Idem à Agadir, où des restaurateurs et hôteliers se sont permis quelques libertés avec les délais légaux de reprise. En revanche, à Casablanca et Rabat, et en dehors des circuits informels des “guerraba”, aucune goutte n’a coulé avant le mercredi fatidique. Ce jour-là, épiceries, superettes et autres grandes surfaces ont été assaillies par une clientèle assoiffée. Et à partir de midi, les bars arboraient des allures de places boursières. À Casablanca, dans le quartier Mers Sultan, réputé pour abriter la plus haute concentration de débits de boissons au mètre carré, la quasi-totalité des bars affichaient complet. Sur les comptoirs bondés de clients, la reine du jour s’appelait Flag Spéciale, une blonde qui trône depuis des décennies en tête du hit-parade marocain de la consommation d’alcool. Elle est talonnée de près par la Stork, la bière des pauvres, et la Heineken, chouchoute des jeunes plus aisés. “Dès le lendemain de l’Aïd, on redémarre l’approvisionnement en boissons. Surtout de la bière, car après un mois d’abstinence, les clients préfèrent reprendre avec des boissons peu dosées en alcool”.
Entorses à la loi
“Bière, rouge ou whisky… qu’importe le breuvage, pourvu qu’il y ait l’ivresse”, philosophe un client posté au bout du zinc. Le proprio lui répond par un sourire de circonstance, avant de replonger les yeux dans sa caisse enregistreuse pleine à craquer. C’est que les lendemains de ramadan sont souvent synonymes de recettes record, poussant certains “impatients” à avancer de leur propre chef la date de la reprise.
Question : quelle est l’autorité qui se charge de fixer cette date ? Bizarrement, beaucoup de tenanciers de bars soutiennent que la décision est du ressort… des Renseignements généraux. “Faux !, affirme-t-on à la DGSN. Les RG ont pour seul rôle de vérifier que la loi est respectée au sein des débits de boissons. Les délais d’ouverture et de fermeture sont fixés par la Direction des affaires générales de chaque wilaya”.
Contactés par TelQuel, les responsables de la DAG à Rabat, Casablanca et Marrakech, se sont pourtant refusés à tout commentaire officiel. Mais sous couvert d’anonymat, d’autres langues étaient plus promptes à se délier. “À l’échelle nationale, les dates sont fixées par les services de la Direction des affaires générales intérieures (DAGI) du ministère de l’Intérieur. Mais les wilayas disposent d’une certaine latitude pour les adapter aux spécificités de leurs circonscriptions”, explique notre source.
Voilà qui explique les écarts de timing enregistrés d’une ville à l’autre. À Marrakech et Agadir, villes touristiques par excellence, le coup d’envoi est souvent donné un à deux jours avant Casablanca et Rabat. Et dans les villes du Nord, où les produits de contrebande occupent une grande partie du marché, l’écart se situe plutôt au niveau des horaires d’ouverture et de fermeture, bien plus souples qu’ailleurs. De quoi laisser rêveurs les amateurs (et commerçants) casaouis et rbatis, soumis au diktat du 20 heures. Un diktat tout relatif, à en croire quelques épiciers et patrons de bar. “Lorsqu’on a des appuis, lorsqu’on sait arroser les personnes qu’il faut, il n’est pas nécessaire d’attendre le feu vert des autorités”, affirme le gérant d’une boîte de nuit casablancaise, qui poursuit : “Au pire, je risque la suspension de la licence d’alcool… qui peut se transformer, bakchich aidant, en simple avertissement”. Et c’est là où les RG interviennent, multipliant les rondes pour débusquer d’éventuels contrevenants.
En cas d’infraction, une convocation est adressée à la personne au nom de laquelle la licence d’alcool a été délivrée. “Il s’agit rarement du propriétaire, mais plutôt d’un barman ou du gérant. Cette astuce légale protège d’un retrait définitif de la licence. Et même dans ce cas, le vrai patron se débrouille toujours pour en dénicher une nouvelle, au nom d’une autre personne”, explique le barman d’un pub à Rabat. Face à lui, des clients grisés sont loin de se douter que leur verre est aussi compliqué à remplir. Et en ce moment précis, c’est bien le dernier de leurs soucis...
TelQuel - Majdoulein El Atouabi
Ces articles devraient vous intéresser :