Reda Dalil, directeur de publication du magazine TelQuel, éditorialiste, journaliste et romancier, s’est éteint à l’âge de 45 ans, des suites d’une longue maladie.
C’était la une de l’hebdomadaire francophone Tel Quel, le 9 décembre : « Médias et royauté : jusqu’où peut-on aller ? » Cette question est au coeur d’une série de procès faits actuellement à la presse indépendante pour diffamation ou pour avoir abordé des sujets sensibles, particulièrement ceux touchant à la monarchie.
Dernière inculpation en date, celle de l’hebdomadaire arabophone Al Ayam qui a publié un dossier intitulé « Secrets du harem du palais entre trois rois » et décrivant le fonctionnement du harem royal sous le sultan Mohammed V et le roi Hassan II. Non sans souligner que Mohammed VI a « coupé avec l’ère du harem ». Le directeur du journal et la journaliste auteure du dossier seront jugés le 23 janvier à Casablanca pour diffusion de « fausses informations » et publication « sans autorisation » de photos de la famille royale. Côté palais, l’argument est simple : à trop dévoiler la vie de cette dernière, on attente à la sacralité d’une institution qu’il faut préserver et donc garder hors d’atteinte.
Survivance
« La vie de palais a ses répercussions sur la gouvernance au Maroc. Est-il illégitime d’en parler ? Surtout quand c’est le palais lui-même qui érige ses fêtes familiales privées en fêtes nationales publiques », s’interroge cependant Tel Quel, qui a beau jeu de poser cette question quand des photos de la famille royale s’étalent dans la presse étrangère... « Cette manie de privilégier la presse étrangère est une survivance d’une autre époque (...) et cela contribue à (lui) donner trop de crédit, qu’elle dise du bien ou du mal du Maroc », note Abdelmounaïm Dilami, directeur de l’Economiste et d’Assabah dans le dossier consacré à ce problème par Tel Quel.
Diffamation
Ce n’est pourtant pas un écrit sur la famille royale qui vaut à cet hebdomadaire d’être harcelé par la justice depuis plusieurs mois. L’un des plus dynamiques du pays, il devrait être fixé sur son sort aujourd’hui et mardi prochain à l’issue de procès en appel dont dépend sa stabilité financière, voire sa pérennité. C’est une sombre affaire de diffamation à l’encontre d’une députée qui est reprochée à Tel Quel.
Dans un billet satirique, le journaliste avait retracé, en juillet, la carrière d’Halima Assali, originaire du Moyen-Atlas, qualifiée de « cheikha » (danseuse populaire) et baptisée Asmaa « pour éviter qu’elle crie à la diffamation ». Précaution vaine : la plaignante a estimé que le journal avait « sali sa réputation, celles de sa famille, d’une région et du Parlement » en lui réclamant, et en obtenant, d’abord 1 million de dirhams (90 000 euros) puis, en appel... 3 millions de dirhams (270 000 euros). « C’est un montant qui vise à conduire le journal à la faillite et à la fermeture », estime Tel Quel qui, dans une autre affaire de diffamation, a été condamné à 81 000 euros. Des enquêtes ont aussi été engagées à l’encontre de deux hebdomadaires arabophones, Al Michaâl et Al Bidaoui pour des propos « portant atteinte à l’islam et à la patrie ».
Pour la presse indépendante, ces procès et ces lourdes amendes ne visent qu’à attenter à la liberté d’expression. D’autant que le ministre de la Justice a annoncé, le 13 décembre, la « création d’une cellule de suivi des écrits diffusés par la presse ».
Source :Libération.fr
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