Il contient les propositions qu’ira défendre la confédération à partir de septembre auprès du gouvernement, en vue de la préparation de la Loi de finances 2008. Notons-le, pour s’assurer que ses propositions auront le maximum de chances d’être acceptées, le soin a été pris d’en discuter aussi bien avec le ministère des finances qu’avec la direction des impôts. C’est dans ce cadre qu’il faut situer les nombreuses réunions informelles tenues entre les services de cette dernière et l’équipe de la commission fiscalité du patronat.
Résultat de ces négociations, une batterie de 24 propositions fiscales concrètes. On peut identifier, avec un degré de certitude confortable, lesquelles ont le plus de chances de passer, celles qui sont presque acquises et celles, enfin, sur lesquelles les patrons risquent de ne rien obtenir.
Le premier grand chapitre de mesures concerne l’impôt sur les sociétés (IS). Si pour la Loi de finances 2007, les patrons n’avaient strictement rien pu obtenir, pour celle de 2008 ils se disent confiants et s’attendent à ce que le ministère des finances, à travers la direction générale des impôts (DGI), accepte de passer la principale mesure proposée dans ce volet, qui consiste à baisser le taux de l’IS et à le moduler en fonction de la taille des entreprises. Concrètement, la CGEM propose le schéma suivant : une baisse du taux de l’IS pour le ramener à 30% au lieu de 35% actuellement et l’instauration d’un taux spécifique situé entre 20 et 25% pour les toutes petites, les petites et moyennes entreprises (TPE et PME). « Ce n’est pas utopique, nous savons ce que cela peut représenter en termes de recettes », explique-t-on à la CGEM, faisant allusion à la réticence de l’Etat de voir baisser ses recettes. Et pour cause, aujourd’hui, selon les informations dont dispose le patronat, certainement fournies par la DGI, 80% des recettes de l’IS proviennent finalement d’une centaine d’entreprises. Ce qui fait dire aux patrons qu’une baisse des taux n’aurait finalement pas les conséquences dramatiques qu’on pourrait craindre sur les recettes, d’autant plus que, et ce n’est un secret pour personne, 70% des entreprises assujetties à l’IS déclarent structurellement des bilans déficitaires. C’est dire qu’il y a là un gisement énorme à même de compenser la baisse des recettes. Le raisonnement de la CGEM se fonde sur la conviction que les pertes de recettes dues à la baisse consentie sur la tranche supérieure seront largement compensées par l’incitation fiscale que représente un taux bas pour les PME.
La DGI, pour sa part, semble, selon des sources bien informées, avoir montré des prédispositions à lâcher du lest surtout que, comme l’ont démontré plusieurs études, dont une réalisée récemment par le cabinet américain Monitor pour le compte de la CGEM, le Maroc fait partie des pays où le taux d’imposition facial des sociétés est le plus élevé au monde. C’est dire qu’une baisse des taux est désormais presque inévitable.
Encourager les entreprises à se regrouper et à se moderniser
A côté de la baisse du taux, la CGEM propose dans son livre blanc d’autres mesures concernant l’IS. Par exemple l’introduction de mesures fiscales intéressantes pour accompagner les opérations de restructuration des entreprises et des groupes, notamment en exonérant les plus-values éventuelles pouvant résulter d’opérations de fusion, de scission ou de transformation d’entreprises individuelles en sociétés. Objectif : « Encourager les entreprises à se regrouper ou à se transformer pour devenir plus compétitives et aux normes ». Dans le même ordre d’idées, enfin, la CGEM compte proposer aux pouvoirs publics des mesures pour encourager les entreprises à se développer à l’international, « notamment à travers l’exonération des plus-values de cession d’actions étrangères et des dividendes provenant de participations à l’étranger », peut-on lire dans le livre blanc.
Le deuxième grand chapitre de mesures concerne l’impôt sur le revenu (IR). Sur ce volet, et à la différence de l’IS, le patronat ne s’attend pas à ce que l’Etat fasse un geste pour la simple raison qu’il y a déjà eu un réaménagement en 2007 et qu« il serait difficile d’obtenir d’autres concessions pour la deuxième année de suite ». Pour autant, la CGEM, dans son livre blanc, compte aller jusqu’au bout en proposant, là aussi, une baisse des taux de l’IR pour rester cohérent avec la baisse de l’IS. L’explication d’un fiscaliste membre de la CGEM se résume en une phrase : « Comment peut-on demander à une petite entreprise individuelle soumise à l’IR de payer 42% d’impôts au moment où une autre, soumise à l’IS, n’en paiera que 30% ». En gros, la CGEM propose la poursuite de la réforme du barème de l’IR pour « aboutir à moyen terme à un taux marginal de 32,5% ».
Pour ce qui est des salaires, de loin plus gros contributeur aux recettes de l’IR, le livre blanc de la CGEM y a consacré deux mesures jugées importantes. La première porte sur « la refonte de la base imposable à l’IR, notamment en clarifiant les rubriques imposables et celles qui ne le sont pas et en révisant certaines règles d’abattement aujourd’hui dépassées ». Car, aussi étrange que cela puisse paraître, le Code général des impôts (CGI) a laissé un grand flou quant aux primes, indemnités et autres éléments pouvant ou non être déduits de la base imposable. Ainsi, le code stipule simplement que « les indemnités destinées à couvrir les frais d’emploi sont exonérées », laissant le soin à chaque employeur d’interpréter ce qui est considéré comme frais d’emploi et ce qui ne l’est pas. L’exemple le plus parlant est celui de l’abattement de 17% au titre des frais professionnels. « Cet abattement a été instauré en 1990, il y a 17 ans, et il est plafonné à 24 000 DH par an, soit 2000 DH par mois ». Or, les choses ont changé depuis 1990 et les 2 000 DH ne sont plus significatifs aujourd’hui, ne serait-ce que par le fait de l’inflation des prix. Proposition de la CGEM : « Il faut soit déplafonner cet abattement soit relever le plafond à au moins 5 000 DH par mois, soit 60 000 DH par an ».
TVA, la bataille la plus dure
Mais, incontestablement, l’une des batailles les plus rudes que devra mener la CGEM sera celle de la TVA, tant attendue par les opérateurs. Au menu deux grandes problématiques : les taux et le remboursement des crédits de TVA. Pour la CGEM, l’argument est simple : « La TVA, par définition, doit être neutre puisque l’entreprise ne fait que la collecter pour le compte de l’Etat ». Faire admettre à l’Administration ce principe de la neutralité « revient à régler le plus gros problème posé par cette taxe qui est le crédit de TVA ». En effet, bien des entreprises, dans des secteurs différents, se retrouvent avec des montants de TVA payés auprès des fournisseurs supérieurs à ceux collectés auprès des clients.
Or, les entreprises collectant la taxe pour le compte de l’Etat, ce dernier doit, en principe, leur rembourser la différence. Ce qui, là aussi, est loin d’être toujours le cas. Pire, on s’en souvient encore, la Loi de finances 2007 avait supprimé le remboursement des crédits de TVA pour certains secteurs comme la LOA, ou encore l’exonération de la TVA sur l’investissement pour les entreprises âgées de plus de 2 ans, mettant à mal le secteur du leasing. Pour remédier à cela, la CGEM pense détenir la solution : « Généraliser le remboursement des crédits de TVA quelle que soit leur origine pour mettre fin aux situations de butoir ». La direction des impôts acceptera-t-elle une telle disposition ? Il semble que oui, mais à une condition : « Supprimer toutes les exonérations de TVA sans aucune exception ». Une proposition jugée « honnête » par la CGEM qui se dit prête à l’accepter. Le tout est de la faire accepter aux membres.
Quant à la question inévitable des taux, le livre blanc de la CGEM, tout en qualifiant le taux actuel de 20% d’excessif, propose de réduire le nombre et le niveau des taux. « L’idéal, explique-t-on à la CGEM, serait d’avoir deux taux, l’un réduit pour les produits de première nécessité, et un autre pour le reste ». Mais, si la question est épineuse, du côté de la CGEM on reste optimiste quant à la réponse de l’Administration, qui aurait montré, là aussi, une prédisposition à faire quelques concessions.
Il reste que la proposition de la CGEM arrivera en pleine période électorale. Même s’il est vrai que le plus gros du travail est fait avec la direction des impôts, l’équipe d’Elalamy devra tout de même attendre au moins la mi-octobre pour connaître ses deux principaux interlocuteurs au gouvernement que sont le Premier ministre et le ministre des finances, en espérant que, d’ici là, il n’y aura pas de changement dans le discours.
La vie éco - Saâd Benmansour