Interview à des média burkinabés

31 décembre 2008 - 16h10 - 1998 - Ecrit par : L.A

Votre pays a abrité en juin 1972 le 9ème sommet de l’organisation de l’unité africaine. Quelques années plus tard, le Maroc a quitté l’OUA. Avec le temps, qu’est-ce qui a guidé le Maroc à quitter les rangs de l’organisation de l’unité africaine en 1984 ?

Oui. Effectivement, je me souviens qu’en 1972, le sommet de l’OUA. s’était tenu à Rabat, et les choses s’étaient tellement bien passées que pendant plusieurs années après, on parlait de l’esprit de Rabat. Cet esprit qui avait permis beaucoup de choses et particulièrement la réconciliation franche, sincère et publique de tous les mouvements de libération lusophones à l’époque. C’est au cours d’une séance à huis clos, mais qui était filmée par la télévision et reproduite par la presse, que les chefs d’état et de gouvernement rassemblés ont convaincu les leaders lusophones à se donner l’accolade. Tout cela est un peu loin. Je n’ai pas besoin de vous dire pourquoi le Maroc a quitté l’OUA. Nous avons considéré que l’OUA s’était écartée de la légalité interne et même internationale en admettant dans ses rangs la prétendue ’’Republique Sahraouie’’.

D’abord quant à la forme, les deux votes qui ont présidé à son admission étaient des votes extrêmement désordonnés. Les minutes du secrétariat général peuvent en témoigner encore et cela s’est passé dans la cacophonie, la précipitation ... on avait l’impression d’assister à un hold-up.

Quant au fond, c’est la première fois qu’on voit un soi-disant pays demander son admission à une organisation régionale avant d’avoir été admis lui-même par la grande famille internationale. Nous sommes tous passés par la, avant de faire partie de la ligue arabe, de l’OCI, des non-alignés ou encore de l’OUA. Je pense que c’est aussi le cas pour le Burkina faso, et pour tous les pays africains. On a d’abord demandé l’adhésion aux Nations Unies et on l’a obtenue.

Par la suite, analysant leurs positions, leurs choix, leurs options, ils ont décidé de s’inscrire la ou ils ont estimé devoir l’être. Malheureusement, nous nous retrouvons aujourd’hui confrontés a l’illégalité et nous sommes obligés de constater que ce qui s’est passé, n’est pas, sur le plan international, sérieux, ni digne de l’Afrique, comme nous l’avons pensé et continuons de le penser.

Majesté, la question du Sahara marocain constituait donc la pomme de discorde qui a été à l’origine du retrait de votre pays de l’organisation continentale. Aujourd’hui, on se rend compte que plénipotentiaires marocains et sahraouis se rencontrent et discutent. N’y a-t-il pas la une contradiction ?

J’ai toujours été pour le dialogue. C’est l’école de feu mon père Mohammed V, que Dieu ait son âme, le dialogue, en restant ferme sur les principes. Toujours le dialogue. Pensez bien que si je dialogue avec eux, ce n’est pas pour leur donner le Sahara, mais c’est pour les convaincre de revenir au Maroc. Donc, si demain vous les voyez ici à votre place, ce ne sera pas une contradiction de ma part. Je les vois ou mes émissaires les voient ou les verront, et continueront à les voir, pour les convaincre de revenir à la raison. Donc, il n’y a pas de contradiction comme je vous l’ai dit.

Au départ donc, à la création de l’OUA, il y avait d’un coté le "groupe de Casablanca" et de l’autre celui de Monrovia. Trente cinq ans plus tard, la fusion de ces deux groupes, qui a donne naissance à l’OUA, a-t-elle porté fruits ?

Puis-je m’étendre un petit peu sur ce point ? Parce qu’il est intéressant, il est en effet intéressant que les générations actuelles qui étaient toutes jeunes à l’époque, puissent avoir une vue d’ensemble sur ce qui s’est passé en Afrique.

Nous allons survoler un petit peu l’histoire en essayant de vous donner un raccourci. En réalité, il n’y avait pas de différence idéologique ou méthodologique entre le "groupe de Monrovia’’ et le "groupe de Casablanca’’. Disons que le "groupe de Casablanca’’ était constitue par des états qui prenaient fait et cause pour l’affaire du ’’Congo Leopoldville’’ comme on l’appelait à l’époque, et ceci était très important parce que les autres pays n’ont pas voulu prendre fait et cause directement. Nous, nous étions impliqués, le Maroc, l’Égypte, le Ghana, la guinée, le Mali et le GPRA de l’Algerie à l’époque. Cela ne veut pas dire que le "groupe de Monrovia’’ était moins africain que nous. Le problème n’est pas la, mais il s’est trouvé par la conjoncture que le "groupe de Casablanca’’ était constitué par des personnes qui avaient paru aux ex-colonisateurs comme étant un petit peu des "agités", à commencer par sa majesté Mohammed V, mon regretté père, que Dieu ait son âme, qui avait lancé le grand défi en se laissant exiler. Il y avait aussi le président Nasser qui avait osé, aux yeux de l’occident, nationaliser le canal de Suez, il y avait également feu Kwane Nkrumah, que Dieu ait son âme, qui, le premier, dérangeait beaucoup de monde parce qu’il voulait un parlement africain, une armée africaine, un exécutif africain. Ensuite, le président Sekou Totouré, que Dieu l’ait en sa sainte miséricorde, qui avait osé dire ’’non’’ au général de Gaule. Il y a aussi le mali qui était le fer de lance socialiste avec le président Modibo Keita, que Dieu ait son âme aussi, et le GPRA avec à sa tête Ferhat Abbas, et qui était en plein combat contre la puissance française.

Alors, nous étions un groupe qui gênait beaucoup d’autant plus que nous avions pris fait et cause pour intervenir dans les affaires du ’’Congo Leopoldville’’à l’époque, l’actuel Congo démocratique en passant par le Zaïre. Et je me souviens qu’en 1961, Patrice Lumumba a passé ses dernières trente six heures marocaines dans ma villa. J’étais prince héritier à l’époque et le Maroc avait envoyé, si vous vous souvenez, son premier contingent.

Mais que ce soit ceux de ’’Monrovia’’ ou que ce soit ceux de ’’Casablanca’’, nous nous sommes tous mis d’accord pour la défense de l’unité africaine et des pays africains. Et malheureusement aussi, à part quelques exceptions dont le Maroc, tous ceux du groupe de ’’Monrovia’’, la plupart du groupe de ’’Casablanca’’ si ce n’est pas tous, ont cédé à la tentation par la suite du parti unique, à la tentation de la pensée unique, du socialisme échevelé, et cela a commencé par le mouvement des non-alignés en 1961.

A l’époque, les russes disaient aux africains comme à beaucoup d’autres : « Ecoutez, on ne vous demande pas d’être avec nous. La seule chose qu’on vous demande, c’est de ne pas être avec les américains. Regardez nous et tout ce que nous produisons... », et ma foi, la tentation était forte pour certains pays, si ce n’est pour tous, de s’endetter considérablement en achetant des "joujoux militaires" extrêmement couteux qui n’étaient ni rentables, ni productifs.

Pourquoi je vous dis tout cela ? pourquoi cette transition ? C’est pour vous dire simplement que l’affaire du Sahara s’est trouvée être le produit de la guerre froide. Si vous voyez la carte politique de l’Afrique dans les années 80, la plupart des pays d’Afrique étaient teintée de rose pour ne pas dire de rouge. Tout le monde a voté pour la "république arabe sahraouie". Enfin pas tout le monde. heureusement qu’il y avait des gens sages qui ont tenu le coup et qui ont gardé le bon cap. Mais cette question n’est pas autre chose qu’un produit de la guerre froide. Je suis sur que, si le problème se posait en 1998, il ne serait même pas pris en compte. Il n’effleurerait même pas l’esprit, je ne parlerais pas de certains, mais de toutes les opinions publiques des pays africains.

En somme, hommage à tous les hommes qui ont fait l’organisation de l’unité africaine, hommage à eux. Je les ai tous connus. J’ai eu la chance de les connaitre tous et le privilège de les côtoyer, c’étaient de grands hommes de l’Afrique, qu’ils soient anglophones ou francophones. Et à aucun moment, très franchement, quels que soient les différends qui nous opposaient, quelles que soient les différentes options que nous avions prises les uns et les autres, à aucun moment le respect et l’estime que j’éprouvais à leur égard ne furent soumis à la moindre hésitation dans l’expression et dans le sentiment. L’Afrique peut être fière de ceux qui ont fait son unité africaine. Malheureusement, ils n’étaient pas tous la, ils n’étaient pas tous la présents quand l’affaire du Sahara s’est posée. Voila, il fallait peut-être ce rappel historique de la part d’un des rares survivants de cette période.

Le Burkina Faso abrite du 1er au 10 juin le 34ème sommet des chefs d’état de l’OUA. Quel espoir vous placez dans ce sommet, aussi bien pour le Maroc que pour l’Afrique entière ?

Ne parlons pas du Maroc, parlons de l’Afrique. Le monde est en pleine mutation. Des mutations qui sont dangereuses, parce que ce sont des mutations qui vont donner lieu à des mutants, et les mutants ce sont des êtres qui muent, quelque fois sans contrôle, sans que l’on sache exactement ce qui va se passer. Alors, c’est une des mutations qui permet -avec la mondialisation, la globalisation - la circulation du savoir, des hommes, de l’argent... En l’espace d’une journée on peut s’enrichir ou se mettre en faillite, c’est ainsi le monde. La concurrence, l’ouverture du commerce, il y a le risque dans tout cela de voir fondre les identités, les personnalités des pays, leurs mémoires, leur présent.

Devant tout ces dangers, je souhaite que l’Afrique décide durant ce sommet de faire une session de réflexion, ou un séminaire de réflexion, qui ne soit pas limité dans le temps, pour voir comment il va aborder tous ces problèmes, quelles sont les étapes que l’Afrique va devoir franchir, sans uniformisation. Les pays africains ne sont pas tous au même niveau, il faut qu’ils soient laissés entre eux, sur le plan africain, il faut qu’il y ait une décision dont les modalités puissent être souples et adaptables à chaque pays, à chaque région, suivant son commerce, suivant ses ressources, suivant ses voisins, suivant le fait qu’elle soit enclavée, ou qu’elle ait des rivages sur la mer.

Je souhaite que l’Afrique prenne son temps pour réfléchir durant un an, deux ans, trois ans, avant de prendre ses décisions ou tout au moins pour se préparer, pour pouvoir prendre ses décisions, soit globalement, en tant qu’afrique, soit en tant qu’afrique regionalement prise.

Je souhaite cela pour l’Afrique et, grâce à Dieu, en dehors des problèmes du centre de l’Afrique, du problème que nous connaissons, celui de la région des grands lacs. En dehors de cela, grâce à Dieu, le continent africain connait une certaine paix. Les états, grâce à Dieu, se sont stabilisés, les régimes ont pris place, les pays africains se sont mis au travail, des élites commencent à voir le jour et en grand nombre, diversifiées, compétentes.

C’est sur ce problème la ou plutôt ces problèmes de mutations qui risquent de donner des mutants et qui seraient incontrôlables et extrêmement dangereux, que je souhaiterai que l’Afrique puisse réfléchir.

Le 34ème sommet de l’OUA se déroulera sous le thème : ’’Quel africain pour l’an 2000 ?’’. Votre majesté, quelle est votre vision de l’OUA pour l’an 2000 et quel rôle aimeriez vous que votre royaume y joue ?

Tout d’abord, le Maroc ne joue pas de rôle à l’OUA. Ce qui n’empêche pas que notre coopération bilatérale avec beaucoup de pays africains n’a fait que croitre depuis que nous ne sommes plus à l’OUA. C’est ainsi, cela peut paraitre paradoxal, mais il en est ainsi. De ce fait, effectivement, l’on peut constater que jamais le Maroc n’a eu autant de coopération bilatérale avec les pays africains de quelque région qu’ils soient depuis cette époque la.

Le Maroc ne peut pas jouer de rôle, dans ce sens que nous ne sommes pas une grande puissance. Nous ne sommes même pas une puissance moyenne. Il se trouve par la volonté de dieu que nous sommes un carrefour géographique, nous sommes un petit peu comme la rose des vents. Nous avons le vent du nord, le vent de l’est, le vent de l’ouest, le vent du sud. Et tout cela, nous permet peut-être de capter plus facilement un certain nombre de courants de pensée, de modes de vie, de convivialité et d’associations. En toute modestie, je pense que c’est avec ce potentiel la que le Maroc pourrait peut être jouer un rôle. Il y a peut-être un autre domaine ou nous pourrions aider beaucoup bilateralement avec les pays de l’OUA, en attendant de retrouver notre place dans l’organisation continentale. C’est peut-être en leur disant le plus modestement possible : écoutez, je suis passé par la, j’ai fait telle bêtise, attention ne commettez pas telle erreur. Voila mon avis, je pense que c’est l’un des meilleurs services que nous pourrions rendre à nos frères africains.

Majesté, vous dites que vous ne voulez pas parler du Maroc particulièrement mais face à la globalisation, à la mondialisation, vous l’avez déjà évoqué, il se trouve que ce sont de grands ensembles qui se constituent. Vous défendez très souvent les grands espaces pour effectivement rentrer dans le troisième millénaire. Actuellement, on constate que vous êtes le voisin le plus proche de l’Europe, est-ce que vous servez de trait d’union entre le continent africain et l’espace européen ?

Par rapport aux problèmes de mondialisation et d’échanges de toute nature, nous ne pourrons pas servir de trait d’union. Nous servons de trait d’union sur le plan humain. Nous servons de trait d’union sur le plan historique, mais historique-présent car nous sommes des africains. Nous servons de trait d’union parce que nous sommes, avant tout, tolérants. Pour nous, il n’y a pas d’Afrique au nord du Sahara et d’Afrique au sud du Sahara. Pour nous, il n’y a pas d’Afrique blanche et d’Afrique noire. Il n’y a pas d’Afrique chrétienne et d’Afrique musulmane. Pour nous, il y a l’Afrique tout court, c’est ce qui compte. C’est dans cet esprit la que nous pouvons peut-être servir de trait d’union, mais servir de trait d’union sous forme de plate-forme.

Tenez, regardez le Maroc, regardez ce qui s’y passe. Je pense que ce serait trop prétentieux de notre part que de vouloir un jour dicter notre modèle aux autres. En tout cas le Maroc est clair, il est transparent. Nous sommes la, toutes vitrines ouvertes, il n’y a pas de stores baissés, à la disposition de ceux qui veulent voir et savoir comment cela s’est passé. Du reste, cela nous servira, parce que, grâce à Dieu, tous nos frères africains ne seront pas simplement des visiteurs ou des spectateurs. Ils peuvent être eux aussi des experts et des conseillers. Il y a beaucoup d’expériences africaines, soit sur le plan local des petites communautés, soit sur le plan d’un certain nombre de recherches economico-sociales, et j’aimerais que le Maroc puisse s’en inspirer parce que quelquefois quand on possède une chose on ne lui donne pas toute sa valeur. Je pense que le Maroc aurait intérêt à regarder un peu ce qui se passe dans certains pays moins bien dotés par la nature et par Dieu. Il aurait intérêt à regarder comment certains pays sont arrivés à engager la lutte contre un certain nombre de problèmes.

Par rapport à la géopolitique actuelle, votre majesté, si vous le permettez, est-ce que le Maroc est plus tourné vers l’Europe que vers l’Afrique ?

Vous savez, il ne faut jamais "vendre son âme au diable". L’âme marocaine en tout état de cause n’est pas européenne elle est arabo-africaine et de culture islamo-africaine. Que nous nous tournions vers l’Europe, c’est tout à fait normal, c’est un signe de vitalité, d’ambition raisonnable, de volonté et de compétitivité, mais ne vendons pas notre âme au diable. Nous ne sommes pas tournés vers l’Europe pour tourner le dos à nos frères africains. Non, nous sommes la pour réfléchir un petit peu à ce qui se passe en Europe pour le renvoyer et inversement. Mais nous restons ce que nous sommes.

Votre majesté, la réussite politique, économique et sociale du Maroc est incontestable. Comment le Maroc peut-il mettre d’autres pays du continent notamment le Burkina-Fasso sur la voie du développement durable. Exactement, que faites-vous dans ce sens. Par ailleurs, vous avez reçu, il n’y a pas longtemps, le président burkinabé Blaise Compaore, est-ce que vous avez le sentiment que lui aussi travaille dans ce sens ?

Je vais commencer par la deuxième partie de la question. Ce n’est pas la première fois que je rencontre le président Compaore. Dieu m’est témoin, tout le monde connait ma franchise, mon langage direct. Rien ne m’oblige à dire ce que je vais dire. Mais chaque fois que je le vois (le président Compaore), je me rends compte que c’est un homme qui a franchi des étapes dans la réflexion, dans la maturité. C’est très important pour un chef d’état. On peut attendre sur le plan agricole qu’un arbre murisse pour donner des fruits. Mais quand il s’agit d’un chef d’état et d’un homme responsable à ce niveau, la plupart du temps on ne veut pas avoir la patience d’attendre et on a raison de ne pas attendre. Donc, de ce coté la, grâce à Dieu, le président Compaore m’a fait l’impression d’un homme qui, de plus en plus, prend conscience des taches qu’il doit accomplir et de son agenda. Il a ’’un carnet de commandes’’, si on peut employer ce terme, parce que nous avons tous des ’’carnets de commandes’’. Il a un carnet de commandes qui est extrêmement plein et pas plein de n’importe quoi. Il est plein de ce qu’il faut faire. Avec cette différence, c’est qu’il n’est pas magistral, il ne veut pas imposer son point de vue. Il est très didactique, très observateur, et ce qui est important dans ce poste qu’il occupe comme nous tous, c’est que, ma foi, il a une certaine culture du relatif. Ce qui permet chaque fois de pouvoir corriger le cap, sans trop forcer sur les encablures pour parler en termes de navigation.

Pour l’instant, la dernière fois que je l’ai vu, son souci premier c’était le monde rural, les aléas climatiques. Ce n’est pas le Maroc qui le lui reprochera, parce que nous aussi, nous sommes l’objet d’aléas climatiques. Comment assurer un minimum de développement continu campagne / ville, entre populations urbaines et rurales ? C’était son souci, et il me le disait la dernière fois. Il était la, la dernière fois, assis en face. Il me disait : « aucun pays de la région ne s’en sortira tout seul. nous devons absolument arriver à une conscience uniforme, nous tous qui sommes rassemblés autour d’un certain nombre d’intérêts, que nous devons augmenter et intensifier notre coopération entre pays voisins et riverains. » C’était son souci et sa préoccupation majeurs.

S’agissant de votre question sur la réussite politique, économique et sociale du Maroc ; je me dois, et j’aime bien cultiver le relatif, de dire que cette réussite est parfaitement relative, rien n’est absolu sur terre. Cette réussite qui est relative ne doit pas nous faire oublier que nous avons beaucoup à faire. nous avons comme vous des aléas climatiques, nous avons du chômage, nous avons un enseignement qui ne s’est pas encore déclaré, qui ne s’est pas encore défini, qui se cherche. Donc, en bout de chemin, nous aurons des marocains qui se chercheront parce qu’ils ne seront, que ce qu’on aura fait d’eux, par l’enseignement et la formation. Nous avons des retards sur les plans technologique et économique. Nous avons également des retards sur le plan de nos industries, nous aspirons à ce qu’elles soient des industries de pointe mais nous ne sommes pas encore au niveau qu’il faudrait sur les plans de la qualité et de la compétitivité ne serait-ce que sur le plan de l’apparence de la marchandise. Même si la qualité est bonne, il faut peut-être l’adapter.

La solidarité existe de par notre culture religieuse, mais il faudra l’adapter à la vie moderne. La façon de mieux être solidaires les uns des autres, il faut que nous l’organisions un peu mieux sur le plan social, sur le plan des enfants, sur le plan des handicapés, sur le plan des retraites et sur le plan des personnes âgées. Grâce à Dieu, en Afrique, il n’y a pas de problèmes de maisons de vieillesse, on aime bien vivre chez soi. Mais, nous devons adapter notre mentalité aux problèmes nouveaux qui se posent. Avant, l’Afrique ne connaissait pas la notion de retraite. Comment est-ce qu’un africain peut s’imaginer qu’a soixante ans, il devrait prendre sa retraite ? Je pense qu’il y a la une mentalité qu’il faut gérer pour ne pas faire de nos parents des valétudinaires, il ne faut pas faire d’eux des malades intellectuels. Donc, ce que vous appelez réussite, c’est une réussite, remercions en Dieu, mais tout est relatif, nous avons beaucoup, beaucoup, beaucoup à faire, et je m’interdirais de poser le Maroc en exemple aux pays africains ni à d’autres pays parce que chaque pays à son propre génie, sa population, son âme, sa façon de réagir. Cela dit, nous sommes prêts à accepter chez nous tout formateur qui voudra venir former ou envoyer en Afrique tout formateur que nos amis africains souhaiteraient voir chez eux.

Majesté, parlant d’aléas climatiques, 87 techniciens de la météo du royaume sont présentement au Burkina Faso en train de conduire une opération dénommée ’’pluies provoquées’’. Cette opération porte déjà des fruits. Les premières pluies provoquées sont tombées. Est-ce qu’on peut dire la que c’est un prélude à la coopération entre les deux pays en matière d’agriculture durable ?

J’allais, à la fin de cette interview, vous demander des nouvelles du climat burkinabé. Parce que je suis cela quotidiennement pour la simple raison que, premièrement, le président Compaore m’a expliqué la situation dans laquelle se trouvait la capitale Ouagadougou, ou il faut chercher de l’eau à plusieurs centaines de kilomètres. Deuxièmement, c’est une science mais ce n’est pas une science exacte. Il ne suffit pas de monter dans l’avion. Il faut absolument qu’il y ait des nuages mais des nuages susceptibles d’être ensemencés. Autrement, cela ne donne rien. Ce n’est pas le début d’une coopération, c’est à mon avis, la bonne moitié du chemin d’une coopération qui est basée sur l’amitié, fondé sur l’estime réciproque et le sérieux.

Vous savez, si je n’avais pas senti qu’il y avait du sérieux, je n’aurais pas envoyé plusieurs dizaines de techniciens, plusieurs avions à plusieurs milliers de kilomètres pour faire de la démonstration aérienne. Non, j’ai senti qu’il y a vraiment une volonté. Tenez, pour ne rien vous cacher, les ministres qui étaient avec le président m’ont paru plus convaincus que moi même qui avait lancé ce programme « Al Ghait » ici au Maroc. Ils ne parlaient que de cela. Donc, je suis très heureux. Alors la maintenant, il faudra se lancer peut-être avec l’INRA (l’institut national de la recherche agronomique) sur des études pédologiques chez vous, chez nous, sur les plantes désertiques et semi-désertiques, pour le bétail, pour la campagne. Mais le problème essentiel restera celui de l’eau.

Majesté, en attendant éventuellement le retour un jour de votre royaume au sein de la famille OUA...

Vous dites éventuellement, mais je compte bien retourner.

Du 1er au 10 juin prochain se tiendra à Ouagadougou le 34ème sommet de l’OUA. Quel message particulier, quelle pensée avez vous à l’endroit de vos pairs chefs d’état qui y seront présents ?

Je dirais à tous les chefs d’état et de gouvernement africains qui se trouveront la, je souhaite qu’à un moment de leur conférence, quelles que soient leur religion et leur langue, qu’il s’adresse en silence, à Dieu, le Tout Puissant, le Miséricordieux, pour qu’il les inspire, qu’il leur dicte les idées à exprimer, les méthodes à engager et les objectifs à atteindre pour le bien de leur pays et pour la grandeur de notre continent africain. Voila le message que je leur adresse.

Majesté, avant de vous quitter, nous aimerions savoir si pour ce rendez-vous africain, même si vous n’y serez pas, peut-être qu’il y aura des observateurs marocains. Mais à quand une visite de sa majesté le Roi Hassan II au Burkina-Faso ?

Je serai très très heureux d’y aller d’autant que les joueurs marocains, nos footballeurs qui étaient à la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) n’ont pas cessé de raconter, partout ou ils passaient, de décrire la jovialité du Burkinabé, son hospitalité, sa franchise et son contact humain. Vraiment, ils nous donnent un avant gout qui est attirant pour la visite de votre pays et pour la connaissance de votre peuple et, ma foi, nous en parlerons, le président de la république et moi-même et comme on dit, le plutôt sera le mieux.

Merci majesté et nous sommes très honorés d’avoir été reçus par votre majesté, nous vous remercions, encore une fois, pour l’honneur qui nous est fait.

Je souhaite à tous ceux qui verront cette interview, qui l’entendront, particulièrement au Burkina Faso, prospérité, paix, grandeur et altruisme. C’est ce que je leur souhaite.

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