Quelque 431 000 migrants, dont 31 000 Marocains, ont été expulsés du territoire de l’Union européenne (UE) en 2022, selon un récent rapport d’Eurostat intitulé « Migration et asile en Europe 2023 ».
La diaspora marocaine connaît des mutations profondes. Le premier de ces changements est une présence accrue des femmes. Qui sont ces migrantes marocaines ? Leur profil et leurs motifs de départ ? Explication avec un fin connaisseur de la question, le Pr. Mohamed Hamadi Bekouchi, sociologue, professeur.
Comment définissez-vous la femme marocaine migrante ?
La femme marocaine migrante est plurielle. Celle de la première génération, est différente de la seconde. Et ces femmes ont des profils différents : il y a certes l’intellectuelle, l’étudiante qui part pour le savoir, mais la majorité de ces femmes, ce sont celles que j’appelle les invisibles. Employées, ouvrières, ou femmes de ménage. Sans oublier 10 à 15% de clandestines, qui sont dans une quête quotidienne d’avoir un jour leurs papiers. Ces femmes ont des aspirations. On trouve celles qui sont tout a fait en-bas de l’échelle sociale, et un petit pourcentage de femmes de “top niveau”.
Qu’est-ce-qui pousse des femmes à partir du Maroc ?
D’abord il y le regroupement familial. Mais maintenant la donne commence à changer. On assiste à un phénomène où ce sont les femmes qui ramènent leur époux pour le regroupement familial. Il y a celles qui partent pour les études, et pour une bonne majorité celles qui doivent simplement survivre. Et très souvent, ce sont les femmes qui rapportent plus d’argent au Maroc, chose qu’on ne dit pas. Enfin, il y a un élément qui dépasse toutes ces raisons mais qui n’est pas mis en avant : c’est l’épanouissement personnel. On part parce qu’on estime qu’on va pouvoir se former, s’améliorer, avoir une qualification et surtout pouvoir faire ce qu’on veut. Il y a dix ans on disait “partir pour respirer”. Aujourd’hui c’est exprimé plus clairement : “je veux partir pour m’épanouir, parce qu’ici je suis harcelée”. Malheureusement, beaucoup de femmes partent parce qu’elles sont harcelées.
Quel est le devoir du Maroc envers ces femmes ?
Ces femmes transfèrent plus d’argent que les hommes. Et contribuent au développement économique de leur pays d’origine d’une manière différente de celle de leurs ainés migrants. Le Maroc de son côté doit être capable de leur fournir plus d’informations pratiques, un grand travail médiatique dans ce sens nous attend. Et en même temps l’administration marocaine évolue, à travers une gestion plus intelligente, plus rapide et à travers une volonté de lutter contre la corruption.
De retour, certains marocains immigrés se comportent ici d’une manière qui contraste avec leur comportement dans le pays d’accueil. Pourquoi ?
La première explication est d’ordre sociologique. D’abord c’est une période de vacances. Tout le monde, et c’est psychologique a envie de porter un t-shirt, de faire un peu de bruit, de dormir tard. Chose normale, que l’on soit immigré ou pas. Sur le plan psychique, l’immigré considère qu’ici, il peut se permettre des choses qu’il ne s’autorise pas dans le pays d’accueil. Il va alors, -ce qu’on appelle en psychanalyse- “décharger”. N’oublions pas que l’administration marocaine favorise beaucoup les comportements inciviques, de l’ordre de l’interdit dans les pays d’accueil. Je pense qu’on n’a pas su créer de très bonnes relations, on communique mal avec les immigrés marocains. On ne leur fait pas comprendre que le Maroc est une nation qui est en train de former un citoyen capable de respecter des lois, un pays avec des droits mais aussi des obligations.
Source : Au Fait - Ahmed El Mekkaoui
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