La bonbonne de gaz vendue au Maroc devrait voir son prix augmenter progressivement pendant trois ans, vient de révéler le Premier ministre Aziz Akhannouch.
Au cœur du phénomène de cette immigration clandestine, d’Africains Subsahariens, mais aussi de Marocains, qui bat son plein dans les provinces sahariennes, il n’y a pas mieux que d’accompagner incognito les « Harragas » du sud marocain dans leur aventure, du désert jusqu’à la mer, jusqu’aux portes de l’Eldorado européen, via les îles Canaries.
Nous nous sommes donc mis d’accord avec un intermédiaire, parmi les dizaines qui circulent ces derniers temps dans la capitale du Sahara et dont nous savons aujourd’hui qu’il avait été enfin interpellé par la police marocaine et qu’il vient d’être poursuivi en justice pour son implication dans plusieurs affaires liées à l’immigration clandestine. Nous nous sommes donc entendu sur les modalités de l’expédition par zodiac vers les îles de rêve et accepté le versement d’une somme de 8000 DH sonnants et trébuchants. Après avoir retenu notre numéro de téléphone, l’intermédiaire nous incitera à prendre les choses très au sérieux et de nous préparer pour le Jour « J ».
Cinq jours plus tard, il nous a effectivement rappelé et nous avons fixé rendez-vous dans un café situé au cœur d’un quartier populaire de Laâyoune. « Hay Laâyoune El Ali », la haute Laâyoune comme on dit ici. C’est ainsi qu’il nous conduira vers une maison située au nord de la capitale du Sahara où nous allons retrouver des dizaines d’immigrés clandestins dont certains Marocains et plusieurs jeunes Subsahariens. Pour la plupart des jeunes et bien portants, et qui rêvent d’aller se faire de l’argent via les îles Canaries toutes proches.
Dés la tombée de la nuit, loin des yeux des forces de l’ordre et des services de sécurité qui sillonnent traditionnellement cette zone, nombreux étaient ceux et celles qui vont sauter dans les Land Rover déjà mises en place. Pour se rassembler et arriver à destination, il va falloir d’abord aller jusqu’aux alentours de Smara, loin du mur de défense marocain, procéder au montage des zodiacs et enfin effectuer un périple de près de sept heures de routes à bord de trois voitures circulant à feux éteints jusqu’à l’arrivée sur la côte ouest non loin de la commune rurale dite « Akhfennir ».
Départ de la zone de Lemrah
Notre intermédiaire, après avoir ramassé son argent va se volatiliser dans le désert. Nous sommes restés sur place avant le départ. Après avoir longtemps marché. Nous étions alors quelques 75 personnes dont une quarantaine de candidats africains, et aussi quelques candidates, accompagnées ou pas. Des gens de toutes les couleurs et de toutes les religions. Musulmans, chrétiens, animistes. Des Sénégalais, Guinéens, Maliens, Gambiens, Nigériens, des ressortissants d’autres pays d’Afrique centrale et de l’ouest et bien sûr de nombreux marocains représentant, eux aussi, toutes les régions. Aux premières lueurs de l’aube, l’expédition va alors commencer dans la précipitation et le désordre. Trois zodiacs sont mis en place dans la zone dite « Lemrah » pour lancer une opération que les trafiquants appellent avec fierté la « Taâouima ». La nuit où le zodiac va prendre la mer. Cependant, certains chefs organisateurs de l’expédition étaient franchement paumés, en état d’ébriété très avancée.
Maltraités par les uns et les autres
Ils n’hésiteront pas à proférer des menaces pour s’emparer des affaires personnelles de certains candidats africains : portables, montres, gourmettes, bracelets, chaussures de sport et autres objets précieux. D’autres, profiteront de leur faim, pour leur vendre un pain plus une boîte de sardine à 5 Euros
(50 DH). D’autres s’en prendront à certaines jeunes filles, s’aventurant seules dans cette expédition périlleuse. Ici, tout est permis, le vol et aussi le viol de plusieurs femmes africaines. Même parmi celles qui sont accompagnées. Après avoir assisté à ce spectacle, désolant, nous décidons alors de décliner notre véritable identité et de refuser de nous embarquer dans une expédition dont nous imaginons qu’elle serait particulièrement dangereuse. Le zodiac que nous avions monté la veille dans le désert était déjà plein à craquer. Munis d’une boussole, et d’une provision de 420 litres d’essence, les conducteurs de trois zodiacs se lancent sous les applaudissements, les cris de victoires et des « Allahou Akbar ». Les immigrés sont parqués comme des moutons les uns sur les autres. Personne ne sait s’ils pourraient résister jusqu’aux portes des îles de rêve.
Quelques minutes avant que l’expédition ne démarre, ils sont nombreux ces Marocains qui avaient déjà effectué ce voyage aux Canaries et qui en avaient été refoulés. Ils ne redoutaient en fait que la réaction des gardes frontières et de la Gendarmerie Royale marocaine et aussi des services espagnols au cas où ils seraient repérés en pleine mer. « Mais le plus dur est à l’arrivée, racontent-ils, car si jamais nous tombons entre les mains de la police espagnole, alors, on a droit à tous les sévices du monde et tous les mauvais traitements ».
Les Marocains, comme beaucoup d’Africains arrêtés aux abords des îles Canaries subissent, eux aussi, des sévices qui contredisent l’image de l’Espagne et de l’Europe des Droits de l’Homme. Ainsi, après avoir été placés dans des garages non loin de l’aéroport de l’île de Lanzarote, ils sont souvent utilisés pour toutes sortes de travaux forcés : Faire la vaisselle, laver, balayer, accomplir toutes les tâches difficiles en attendant d’être renvoyés chez eux. S’agissant enfin du Maroc, on sait que plus de cinq cent ressortissants en provenance des pays d’Afrique centrale et de l’ouest sont refoulés et réexpédiés par avion vers leurs pays d’origine. En dépit du dispositif de contrôle de plus en plus important sur les frontières des pays du Sahel comme le Sénégal, le Mali, la Mauritanie et le Niger, il devient de plus en plus difficile d’arrêter ce fléau. Les autorités marocaines, quand il leur arrive d’interpeller des immigrés clandestins africains, n’ont pas aussi les moyens d’y faire face. Ici, on les place dans l’ancien arrondissement de l’armée espagnole, souvent dans des conditions déplorables.
La population Sahraouie estime qu’en général « il est pratiquement impossible de mettre fin à cette immigration, aussi longtemps qu’il y aura des gens prêts à poursuivre leur trafic des êtres humains en usant de tous les moyens et de tous les subterfuges » et qui, selon les immigrés subsahariens que nous avons rencontrés, sont en général soit des Mauritaniens, des Marocains si ce n’est des responsables du Polisario qui agissent à partir de la zone abandonnée à la frontière maroco-mauritanienne. Celle que l’on surnomme déjà le nouveau « Kandahar » du Maghreb.
La Gazette du Maroc - El Mahjoub El Ansari
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