L’humoriste et comédien maroco-canadien Gad Elmaleh répond aux rumeurs sur sa prétendue conversion au christianisme.
Comment se réinventer lorsqu’on est un humoriste à succès, porter haut une fidélité à soi-même qui ne soit pas une répétition ? Ce dilemme constitue la problématique du quatrième one-man-show, toujours semi-autobiographique, de Gad Elmaleh, dont le titre à tiroirs tisse des variations sur le thème de la notoriété et de la filiation. "Papa est en haut". Au top, en haut de l’affiche. Postulat aisément vérifiable lors de ce spectacle qui affiche partout complet, jusqu’en octobre 2008.
Elmaleh y poursuit sa réflexion sur l’identité, moins cette fois sur la condition et la double culture d’un juif marocain immigré en France que sur son statut de rock star. Tout de noir vêtu, il fait son entrée en dansant et quitte la scène en musique, une heure et trente-cinq minutes plus tard. Dans l’intervalle, il aura dansé, joué du piano, de la guitare, démontrant une fois encore l’étendue de sa gestuelle et de son registre vocal.
Mais d’emblée il pose les enjeux de la célébrité, formulant les attentes d’un public par avance conquis : "Est-ce qu’il va nous faire le DVD ? Les bonus ?" L’humoriste a vendu plus de 700 000 exemplaires du DVD de son spectacle L’Autre, c’est moi (2005). Mais non, Gad Elmaleh n’entend pas servir par commodité les sketchs et les sociotypes que tous les spectateurs semblent connaître par coeur. "Le Blond !", soufflent-ils lorsque le comique s’amuse de nouveau de la comparaison entre le type en butte aux petits tracas de l’existence et celui, nez pincé et démarche assurée, pour qui tout est simple. Cette hantise de verser dans la redite lui a fait délaisser les personnages qui ont fait sa renommée, tel Coco, qu’après Chouchou, Elmaleh portera bientôt à l’écran.
Logique pour un comédien qui, sur les planches, continue à façonner la figure métaphysique de l’étonnement - bras écartés, moue dubitative - face aux réflexes convenus, aux situations absurdes, aux antiphrases émaillant les conversations dans le couple ou chez le coiffeur. Il peaufine la cohérence de son univers comique, caractérisé par les distorsions langagières ("Viens dans mon restaurant, j’ai des produits du tiroir") et les effets de décalage.
Les nouveaux modes de communications (SMS, MMS) lui offrent une matière inédite, notamment l’exemple du GPS, version française et version marocaine. Et un vivier de métaphores, du réel au virtuel, sur les relations humaines : "Quand t’es amoureux, t’es en Wi-Fi." Cette fois-ci, c’est aussi le décalage produit par son image qu’il met en scène à la faveur de saynètes sur les relations père-fils. "C’est dur, dit-il, d’avoir de l’autorité quand la veille il t’a vu habillé en femme à la télévision" ou de sermonner son fils quand les gens s’esclaffent. Le sommet est atteint à Eurodisney : "J’étais au top du top des pères : mon fils, Mickey, la France", quand soudain la mascotte à grandes oreilles lui demande un autographe avec les intonations du jeune de banlieue. Tout est dit dans cette scène : la facticité des représentations, des clichés identitaires et le choc des archétypes.
Autre symbole national, la comptine Fais dodo, Colas mon petit frère, d’où est tirée la formule "papa est en haut", et dont Elmaleh interroge les paroles sans queue ni tête. Il la réinterprète à sa façon, passant par un glissement virtuose d’une imitation de Francis Cabrel à l’accent et aux rythmes orientaux.
Moins inventif dans la caricature - les restos chics et chers, les alcoolos de la Saint-Sylvestre, la Saint-Valentin - que dans le croquis, Gad Elmaleh, admirateur de Chaplin et fils de mime, excelle à esquisser des attitudes et des silhouettes, telle la galerie d’enfants sortant de l’école. Les personnages forgés par Elmaleh ont toujours eu conscience de leur disparition. Cette fois-ci, c’est la sienne qu’il suggère en conclusion. "Papa est en haut", dans l’au-delà, quand il sera "sur messagerie".
Le Monde - Macha Séry
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