Fouad Fourji, l’élève du terrain

11 mai 2007 - 01h36 - France - Ecrit par : L.A

Clandestin en France à 17 ans, Fouad Fourji a tout appris sur le terrain. À force d’observer et de questionner, il a réussi à s’intégrer à la société française et aujourd’hui, l’"éducateur populaire" veut apprendre aux jeunes à apprendre de la vie.

En 1976, quand Fouad Fourji participe à la grève étudiante, c’est pour “jouer”. Le gamin de 16 ans ne connaît encore rien aux enjeux sociaux et à la politique. Après une détention d’une semaine où il est torturé à maintes reprises, c’est l’éveil. Se sentant “lâché par les lâches”, il quitte le Maroc l’année suivante pour tenter sa chance en Europe. De l’Espagne, il entre en France “par la forêt” parce qu’il a peur d’être arrêté à la frontière, même si son passeport est en règle. Le jeune homme ne sait pas “comment ça fonctionne” et préfère éviter les formalités.

Il parcourt d’un bout à l’autre l’Hexagone en autostop et finit par élire domicile... dans la gare d’un petit village près de Metz, en Lorraine.

Pendant neuf mois, le désormais clandestin survit en lavant la vaisselle dans des cafés en échange d’une bouchée de pain. Il connaît mal le français et à peu près rien de la société qui l’entoure. La France, il l’apprend par instinct et par audace.

En rôdant dans les cafés près des usines sidérurgiques, il déniche son premier vrai boulot. À force de demander “comment on fait ?” aux travailleurs maghrébins des usines, il finit par connaître les méthodes de recrutement et réussit à se faire embaucher. Petit à petit, il comprend mieux comment fonctionne la société “là-haut”, en France.

À la même époque, il commence à s’impliquer dans les syndicats et à fréquenter les maisons de jeunes. Le militant se découvre. Au départ, il fait le ménage. Il devient ensuite tour à tour animateur bénévole puis permanent et éducateur spécialisé. Il apprend sur le tas la comptabilité, la gestion de groupes, l’éducation. Il lit mais surtout, il écoute “les leaders” autour de lui. Il apprend “par l’exemple plus que par le verbe”.

En 1988, il passe avec succès la sélection pour suivre une formation d’éducateur spécialisé. Il n’a qu’une troisième année secondaire en poche. Les autres sont bacheliers ou même licenciés. Pour des raisons financières, il ne pourra suivre la formation mais c’est une première expérience valorisante à l’intérieur du système français pour le “pur produit du terroir” qu’il est.

Quand il décide d’entrer dans le système scolaire régulier, son expérience du terrain lui permet de passer directement à la licence. En juin, il défendra son mémoire de master en ethnologie, anthropologie et philosophie. L’an prochain, ce sera l’entrée au doctorat.
Dans ses temps libres, il étudie la société. Il a déjà réalisé des études sur les enfants de la rue au Maroc et la prostitution.

Fouad Fourji ne regrette rien. Ce parcours à l’aveuglette pour se forger une place dans la société française lui a permis de se “sauver de l’égoïsme et de l’individualisme” et de comprendre que toute situation est formatrice. Aujourd’hui, à travers ses différentes casquettes - conseiller principal d’éducation dans un collège, animateur, formateur, défenseur des droits de l’Homme et bien d’autres – il veut convaincre les jeunes de l’idée que le “développement de l’être humain passe avant tout par l’expérience de vie”.

Le Journal Hebdo - Frédérick Lavoie

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