Le 1er avril, 16 tonnes de médicaments, 60 tonnes de lait en poudre et 130 tonnes de riz (aide personnelle du roi) s’envolaient pour l’Irak. Un don de la Fondation Mohammed-V pour la solidarité, association caritative présidée par Mohammed VI.
Une semaine auparavant, des représentants marocains et américains discutaient commerce... en Suisse. Ces deux événements résument bien la situation embarrassante dans laquelle se trouvent les autorités. Obligées de tenir compte d’une opinion publique qui se mobilise contre la guerre en Irak et vilipende « l’impérialisme » américain, elles se doivent dans le même temps de préserver les relations diplomatiques avec Washington pour cause de négociations en cours sur un accord de libre-échange, qui serait le premier du genre entre les États-Unis et un pays africain.
L’idée avait été adoptée par Mohammed VI et George W. Bush lors d’un voyage officiel du souverain dans la capitale américaine, en avril 2002. Les négociations, débutées en janvier dernier, se déroulaient jusqu’à présent soit à Rabat, soit à Washington. Le second « round » était prévu dans la capitale marocaine le 24 mars, mais une dépêche de l’Associated Press avait annoncé son report sine die, citant « une source gouvernementale ayant requis l’anonymat ». Le lendemain, Américains et Marocains se retrouvaient en Suisse, ce qui, selon Nabil Benabdellah, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement de Driss Jettou, était « une solution intelligente pour les deux pays, le siège de l’Organisation mondiale du commerce se trouvant à Genève »... Selon le même Benabdellah, « les deux parties veulent faire vite, il n’est pas question d’attendre un an, ni même six mois ». Concrètement, les discussions, menées côté marocain par la Confédération générale des entrepreneurs marocains (CGEM, syndicat patronal), sont axées autour d’une dizaine de pôles, du textile à l’agriculture en passant par les marchés publics et les services.
Sauf qu’elles interviennent à un moment où la rue appelle à un boycottage massif des produits made in USA. Ainsi, le dimanche 30 mars, à Rabat, 200 000 personnes ont répondu à l’appel du Comité national de soutien au peuple irakien, association regroupant une quarantaine de partis, de syndicats et d’organisations professionnelles. Pendant la manifestation ont été massivement distribués des tracts dénonçant une cinquantaine de marques américaines. Des participants s’en sont même pris à un restaurant McDonald’s - tout un symbole - situé au centre de la capitale, avant d’être brutalement dispersés par les forces de police, tandis que Khalid Soufiani, un des organisateurs du rassemblement, réclamait « la rupture des relations diplomatiques avec les États-Unis, la Grande-Bretagne et l’Espagne, qui sont des États hors la loi ».
Les rumeurs sur une possible fermeture de la représentation diplomatique américaine au Maroc, actuellement sous haute surveillance, vont d’ailleurs bon train. Aucune consigne de rapatriement n’a été donnée au personnel consulaire et diplomatique, pas plus qu’aux 700 résidents américains, mais l’école américaine de Rabat et le consulat général des États-Unis ont été fermés durant quarante-huit heures après le déclenchement des hostilités en Irak. Et la rue marocaine gronde de plus en plus. Et ça, ce n’est pas bon pour le commerce.
Mouna Lahrech pour http://www.lintelligent.com
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