Un couple marocain et ses trois filles mineures âgées de 12, 8 et 5 ans sont arrivés clandestinement à Pampelune en provenance du Maroc il y a un mois, cachés dans une remorque chargée de légumes. Sans ressources ni aide, ils sont à la rue depuis...
Il s’appelait Mohamed El Moro. En 1886, il fut le premier Marocain à mettre le pied en sol canadien, au port de Montréal. Cependant, très peu de compatriotes imitèrent cet aventureux marin. La première vague d’émigration marocaine vers l’Amérique du Nord s’est effectuée après l’Indépendance.
C’est au milieu des années 60 que le Canada et le Québec se sont ouverts au monde. À cause de la langue française commune et des facilités qu’on leur offrait, des centaines d’étudiants marocains sont partis vers le pays du froid.
Aujourd’hui, l’immigration marocaine au Québec est plus importante que l’immigration française. On compte près de 100.000 Marocains au Canada, immigrants ou étudiants de passage, dont 80% sont installés au Québec. Environ 2.500 d’entre eux traversent l’Atlantique chaque année.
Devant l’ampleur de la situation, l’Association Amitié Québec-Maroc (AAMQ) a été créée, en 1982. Basée à Casablanca, mais également présente à Montréal, l’organisation aide ces nombreux marocains à s’adapter à leur nouvel environnement, et surtout, à s’intégrer socialement. « Il faut éviter que le nouveau venu se replie sur lui-même, ou ne vive exclusivement à l’intérieur de la communauté marocaine », explique Mekkaoui Abderahmane, président de l’organisme.
« La première chose qui frappe le Marocain, quand il débarque au Québec, c’est le climat ! », raconte-t-il. « En hiver, il y a le froid intense et la neige. En été, il fait encore plus chaud qu’au Maroc ! », lance-t-il en riant.
Ensuite, il y a l’adaptation à la langue. Car, même si les Québécois sont francophones, leur accent est très différent de celui des Français. « Personnellement, j’ai mis six mois à m’y habituer », confie Abderahmane.
Selon lui, les Marocains arriveraient assez facilement à s’adapter à la société de droit. « Lorsque quelqu’un décide d’immigrer là-bas, il accepte de fonctionner selon les règles du pays », poursuit-il. « Cela veut dire respecter la loi, mais aussi apprendre à faire valoir ses droits s’il se sent lésé », précise le président.
À travers son Centre d’étude Ô Canada, l’AAMQ offre gratuitement de l’aide et de l’information aux bacheliers et aux licenciés qui souhaitent aller poursuivre leurs études au Canada ou au Québec. L’organisation milite également pour que les gouvernements du Québec, du Canada et du Maroc, dégagent des fonds pour aider ces étudiants voyageurs. Selon lui, l’opération « émigration » - billet d’avion, visa, etc. - coûterait autour de 35.000 DH par personne. Il faut ensuite calculer au moins 85.000 DH par année d’étude. « Nous aimerions, par exemple, que le Canada dégage une dizaine de bourses d’études pour chaque étudiant admis à l’université », affirme Abderahmane. « Car il ne faut pas se le cacher, l’enseignement est devenu un business comme un autre », rappelle-t-il.
Le profil des étudiants qui partent vers l’Amérique du Nord est assez varié : sciences, ingénierie, commerce, économie, management... Actuellement, les juristes en droit marocain, qui souhaitent également se former en droit canadien, seraient, selon lui, très en demande. « Avec l’ampleur de l’immigration marocaine, un problème se pose pour les questions du mariage et du divorce », soutient le président de l’AAMQ. Car, ne l’oublions pas, un Marocain ne perd jamais sa nationalité, même s’il est naturalisé. De fait, de nombreuses familles marocaines, installées là-bas depuis longtemps, aimeraient bien qu’on leur explique clairement le contenu de la nouvelle moudawana.
Bémol
Pour ce qui est du racisme, Mekkaoui Abderahmane demeure prudent. « Il n’existe pas de discrimination ouverte comme c’est parfois le cas en France. Les étudiants marocains sont reconnus pour leur qualité », indique-t-il. L’AAMQ exerce aussi des pressions auprès des corporations québécoises, afin que celles-ci se flexibilisent. « Les corporations professionnelles sont très rigides.
Au lieu de simplement se baser sur la reconnaissance des diplômes, elles pourraient élaborer des examens et des tests pour les professionnels venus de l’étranger. Cela éviterait que des médecins et des dentistes se retrouvent chauffeurs de taxi », déplore-t-il.
Les immigrants non étudiants doivent ainsi s’informer adéquatement quant à leurs possibilités de carrière outre-mer, avant de partir. Actuellement, ce sont les « petits métiers » qui ont la cote auprès des bureaux d’immigration canadien et québécois. La baisse démographique qui sévit depuis quelques années dans le pays entraîne des pénuries de bouchers, de boulangers, d’électriciens, etc.
Les professionnels marocains doivent aussi tenter de s’installer ailleurs qu’à Montréal. « Le chômage y est très élevé », note Abderahmane. Selon lui, les chances de décrocher un poste intéressant se décupleraient pour ceux qui acceptent de s’éloigner du grand centre, et d’aller vivre en région. « Nous encourageons les Marocains à découvrir le reste du territoire canadien. Aujourd’hui, il y en a même qui se sont établis au Nunavut ! », assure-t-il.
Déception
Le président de l’Association Québec-Maroc s’est dit très déçu que son organisation ait été exclue de la récente visite de la gouverneure générale du Canada au Maroc. « Depuis notre création en 1982, c’est la première fois que nous ne participons pas à la visite d’un officiel canadien au Maroc », mentionne-t-il. L’AAMQ a par ailleurs fait parvenir une lettre à cet effet à la nouvelle ambassadrice, Michèle Lévesque, lettre qui est par ailleurs demeurée sans réponse.
L’immigration marocaine au Canada en chiffres
• 2.732 Marocains ont émigré au Canada en 2005
• Entre 2001 et 2005 :
- 16.428 Marocains ont émigré au Canada
- l’immigration marocaine a dépassé l’immigration française au Canada
- l’immigration marocaine est devenue la seconde plus importante du Canada, tout de suite après la Chine
- l’immigration marocaine a représenté 8,1% de l’immigration canadienne totale.
L’Economiste - Marie-Hélène Giguère
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