Le droit est un produit éminemment politique. En témoigne la réunion tenue le 7 juillet, à Rabat, entre l’ambassadeur hollandais, Sjoerd Leenstra, et les ministres de la Justice, Abdelouahed Radi et des Affaires étrangères, Taieb Fassi Fihri.
A l’origine de cette rencontre, une motion des parlementaires hollandais datant du 12 février dernier. Lesquels ont demandé au gouvernement (centre-gauche) « d’examiner les possibilités existantes en droit international en vue de permettre aux citoyens naturalisés le droit de renoncer à leur nationalité d’origine. Ce qui ne veut pas dire qu’il y aura interdiction de garder la double nationalité », précise le responsable des Affaires politiques de l’ambassade des Pays-Bas, Dirik Klassen.
Le gouvernement des Pays-Bas, en place depuis novembre 2006 et composé des chrétiens-démocrates, des travaillistes et de l’Union chrétienne, a répondu à sa majorité dans une lettre du 3 juillet que pour l’instant « cette option n’est pas envisageable ». Car il est difficile de l’harmoniser avec la législation internationale et étrangère.
Pour sa part, le ministre de la Justice reste confiant : « L’ambassadeur a été attentif à nos recommandations et compte informer son gouvernement », a-t-il déclaré à L’Economiste. Cette mesure « n’a aucune valeur juridique » puisque ce n’est pas une loi mais une simple motion. Toutefois, rien ne garantit qu’un revirement légal soit entrepris par les parlementaires hollandais.
Un rapport a déjà été rédigé et « sera transmis aujourd’hui à La Haye », signale-t-on auprès de l’ambassade.
Toujours est-il que « le comité bilatéral maroco-hollandais compte se réunir prochainement pour plancher sur cette question juridique », indique Klassen. Sa dernière réunion a été tenue les 1er et 2 juin 2006. Par ailleurs, le projet de loi, en cours d’élaboration par La Haye et instaurant le renoncement à sa nationalité d’origine, vise toutes les nationalités.
Mais il est vrai qu’elle se pose avec beaucoup plus d’acuité pour les Marocains ayant la double nationalité. « Contrairement aux Turcs, ces derniers ne peuvent pas renoncer à leur nationalité marocaine », poursuit Klassen. En réalité ce droit existe mais l’article 19 du Code de la nationalité le verrouille en précisant que cette renonciation doit être « autorisée par un décret ».
Par ailleurs, un communiqué conjoint des ministères de la Justice et des Affaires étrangères précise que Rabat a exprimé auprès de l’ambassadeur des Pays-Bas « son vif étonnement » et « son rejet catégorique de toutes politiques, quels qu’en soient les origines, les motivations ou les desseins, qui exigeraient des citoyens marocains résidant aux Pays-Bas de renoncer à leur nationalité ». Selon des estimations de l’ambassade, 350.000 Marocains, résidents et naturalisés, vivent en Hollande. Actuellement, la loi dispose que les citoyens naturalisés doivent renoncer à leur nationalité d’origine sauf si ce n’est pas possible.
A ce propos, quelle est la position du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME) ?
Contacté par L’Economiste, le président du CCME, Driss El Yazami, n’a pas, pour le moment, d’avis à formuler. Il précise tout de même qu’il attend « d’avoir plus d’éléments pour se prononcer ». A l’heure où nous mettions sous presse, la traduction d’un certain nombre de documents était en cours. Le président du CCME fait plus exactement allusion à « la résolution ayant enclenché les débats parlementaires » sur le renoncement à la nationalité. « Tous les éléments seront disponibles aujourd’hui », indique El Yazami.
Allégeance perpétuelle
Cette divergence de points de vue, entre Marocains et Hollandais, trouve son origine dans un principe juridique pour le moins assez particulier. Il s’agit de l’allégeance perpétuelle. Un concept qui confond entre deux statuts : citoyens et sujets. De ce fait, chaque Marocain et Marocaine ont, en tant que sujets, un lien direct avec le Roi qui est constitutionnellement considéré comme le Commandeur des croyants. Ils ne peuvent, en tant que citoyens, renoncer à leur nationalité que dans des conditions bien précises. C’est pourquoi on considère que la nationalité marocaine est en principe « inaliénable ». Sa déchéance ou sa perte sont régies par le chapitre IV de la loi 62-06.
Source : L’Economiste - F. F.
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