Conseil supérieur de la magistrature

21 février 2007 - 21h27 - 2004 - Ecrit par : L.A

"Louange à Dieu.

Prière et salut sur le prophète, sa famille et ses compagnons.

Messieurs les membres du conseil supérieur de la magistrature,

Il nous plaît de nous adresser à vous, et à travers vous, à la famille de la magistrature dont nous tenons à ce qu’elle soit nantie de toutes les vertus que requiert la mission qui lui est dévolue : celle d’administrer la justice, et remplir ainsi une fonction majeure de l’imamat suprême. La justice, en effet, est le socle sur lequel reposent l’exercice judicieux du pouvoir, la protection des droits des citoyens et la volonté de garantir leur égalité devant la loi.

La justice ne peut accéder à la place qui lui revient qu’en s’assurant la confiance des justiciables, laquelle reste tributaire de l’intégrité, l’impartialité et la rectitude des magistrats qui doivent, par ailleurs, rester à l’abri de toute influence ou interférence. Car l’indépendance de la justice à laquelle nous sommes si fermement attaché, n’est pas uniquement celle qui est envisageable par rapport aux pouvoirs législatif et exécutif, et qui est, du reste, garantie par la constitution, mais une indépendance à l’égard d’autres pouvoirs très tentants, et notamment celui de l’argent à forte capacité corruptrice. Il en va de même de l’information dont l’influence croissante et l’impact puissant sur le conditionnement et le modelage de l’opinion publique ont fait aujourd’hui un véritable quatrième pouvoir, sans parler de cet autre pouvoir qu’est l’inclination maléfique qui habite l’être humain. Nous considérons, en effet, que l’indépendance, réelle et effective, du magistrat à l’égard de sollicitations aussi pressantes, ne saurait être garantie par les seuls moyens juridiques, si abondants soient-ils. En revanche, le garde-fou le plus sûr réside, avant tout, dans le pacte scellé entre le juge et sa conscience. Tel est, en effet, le gage de la vigilance qu’il s’impose à lui-même, et le moyen le plus fiable de se prémunir contre toute ingérence ou dérive pendant l’exercice de sa noble mission.

Le Maroc, dans le cadre de son régime monarchique constitutionnel, a érigé le conseil supérieur de la magistrature en institution constitutionnelle, présidée par notre Majesté et dont les membres, élus pour la plupart, ont pour mission de veiller sur les garanties conférées aux magistrats. Il n’en reste pas moins que c’est aux membres du conseil qu’il appartient d’abord, de s’assurer de l’indépendance, de l’intégrité et de l’inviolabilité de la justice. Ils se doivent, en effet, d’incarner ces vertus cardinales, en se pliant aux normes éthiques et déontologiques de la profession. Tachez donc d’être le modèle à suivre en la matière, en ayant à l’esprit que si elle vous honore, votre mission, est d’abord un devoir qui vous interpelle. Gardez-vous d’être - qu’à Dieu ne plaise - de ceux qui, pour redresser un tort, tombent dans un travers encore plus grave.

Il y va du magistrat comme de tout autre responsable, depuis le ministre, qui est politiquement responsable devant le Roi et le parlement, et même devant la haute cour de justice, en cas d’infraction à la loi, jusqu’au député qui perd le bénéfice de l’immunité parlementaire en cas d’atteinte à la constitution ou à la loi. En effet, le magistrat qui a pour devoir de veiller à la primauté de la loi, ne saurait, à plus forte raison, se placer en dessus d’elle ; pas plus qu’il ne peut se soustraire aux poursuites judiciaires s’il venait à faillir aux devoirs qui sont les siens. Car les garanties qui lui sont accordées ne sauraient être assimilées à des avantages préférentiels ou des privilèges. Ce sont plutôt des gages pour qu’il remplisse sa mission en toute indépendance et dans le plein respect de la loi. Autrement qui contrôlerait le contrôleur ?

Eu égard au souci qui anime notre Majesté de consolider l’état des institutions, nous vous invitons à soumettre à notre haute appréciation, des propositions complémentaires au règlement intérieur du conseil, qui soient de nature à garantir l’indépendance de ses membres et qui lui permettent de soumettre des recommandations concernant ceux parmi eux qui viendraient à porter atteinte à l’honneur de ses membres et aux règles d’éthique et de déontologie qui s’y imposent. Il s’agit, en effet, de faire en sorte que le conseil, dans toutes ses composantes, soit un modèle de droiture et d’intégrité.

La grande estime et la haute et constante sollicitude de notre Majesté pour la famille de la justice, ainsi que le pardon et l’indulgence dont nous avons fait montre lorsque certains, pourtant bien intentionnés, sont tombés dans des errements et des travers, n’ont d’égale que notre volonté d’exhorter le conseil à faire preuve de fermeté et de sévérité pour contrecarrer toute atteinte à l’éthique et à la déontologie du conseil supérieur de la magistrature et de la famille de la justice, et ce dans le plein respect de la loi, de l’honneur de la justice et de son inviolabilité.

Que les magistrats assument, avec indépendance, impartialité et sérénité, la lourde charge qui leur incombe, cela n’enlève rien, pensons-nous, à leur droit d’exprimer leurs opinions constructives, en tant que force de proposition pour assurer la réforme de la justice pas plus qu’il ne leur interdit de rechercher les voies et moyens qui leur permettent d’exercer, dans leur plénitude, leurs droits de citoyens, toujours dans le respect de la loi, de l’éthique et des spécificités qui caractérisent leur mission exaltante. C’est dans cette perspective, du reste, que nous avons mis en place trois institutions complémentaires, à commencer par le conseil supérieur de la magistrature, en tant qu’institution constitutionnelle veillant sur les garanties constitutionnelles et légales conférées aux magistrats. Il s’agit, ensuite, de l’amicale Hassania des magistrats, qui abrite leurs différentes activités et offre un espace où ils expriment leurs préoccupations et se mobilisent en tant que force de proposition pour la réforme du secteur de la justice. Il s’y ajoute, enfin, la fondation Mohammedia pour la promotion des œuvres sociales de la famille de la justice. Nous avons, ainsi, mis à la disposition des magistrats de vastes espaces d’expression, d’interaction et de communication qui leur permettent de proposer des solutions concrètes aux problèmes posés, dans un cadre institutionnel bien défini. Tout exercice de ces droits en dehors du cadre de ces institutions est de nature à compromettre son indépendance et son impartialité, vertus essentielles, pour qu’il puisse remplir aux mieux les lourdes tâches qui sont les siennes.

Il appartient donc aux magistrats de s’employer, au sein de ces institutions, à trouver des solutions aux problèmes qui affectent leur profession et leur situation. Lorsque tous les recours ont été épuisés, au sein de ces institutions, sans que justice n’ait été faite et alors que perdurent de graves transgressions de la loi, notre Majesté demeure l’ultime recours pour garantir l’inviolabilité et l’indépendance de la justice, en toutes circonstances et dans tous les cas de figure, pour que chacun soit rétabli dans ses droits et que les choses rentrent dans l’ordre.

En assurant vos lourdes charges et les contraintes y afférentes, vous trouverez toujours, en la personne du premier serviteur du Maroc, Amir Al Mouminine, non seulement le président de votre conseil, mais également votre plus ferme soutien. Nous vous engageons vivement à vous conformer, dans l’accomplissement de votre mission, à cette injonction divine : "si vous jugez vos semblables, jugez-les avec équité", tout en gardant à l’esprit la sagesse de ce noble hadith prophétique "un juge au paradis, deux en enfer". La mission qui vous échoit de rendre la justice en notre nom, fait de votre structure l’unique organe constitutionnel dont les séances s’ouvrent en notre nom et les jugements sont rendus également en notre nom. Par conséquent, nous attendons de vous que vous vous investissiez totalement et loyalement dans le processus de consolidation de l’état de droit. Vous y parviendrez en enracinant le principe de la primauté de la loi et de l’égalité des citoyens devant elle, et en veillant à protéger les droits et à lever les iniquités. Il vous appartient d’apporter votre concours avec toute l’efficacité, la fermeté et la droiture requises, à la dissémination des valeurs de démocratie et de citoyenneté responsable, et au renforcement de la confiance, de la sérénité et de la stabilité qui sont des atouts pour favoriser et stimuler les investissements, et autant de gages pour assurer le développement, le progrès et la prospérité. Que Dieu vous guide dans vos efforts et vous prête aide et assistance pour accomplir votre devoir et être dignes de la confiance que nous vous témoignons".

12/04/2004

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés :

Ces articles devraient vous intéresser :