"Nous vous demandons, honorables élus de Nos provinces du Nord, de transmettre aux habitants de ces provinces Nos salutations, Notre bienveillance et Notre sollicitude paternelle, tout en les assurant de l’intérêt constant que Nous portons à tout ce qui a trait à ces provinces.
Il ne s’agit point là de simples paroles, celles-ci seules n’étant d’aucune utilité dans ce domaine. L’intérêt équivaut, en effet, à la recherche permanente des moyens de développement, d’amélioration des conditions de vie et de tout ce qui peut être mobilisé pour faire face aux exigences de cette fin de siècle.
Vous n’ignorez pas que depuis l’indépendance, Notre Auguste père, Sa Majesté Mohammed V, que Dieu ait son âme, d’abord, et ensuite Nous-même, avons accordé une importance particulière à ces provinces qui, comme tout le monde le sait, manquaient de tout. Certes, des sommes colossales y ont été dépensées. La question qui se pose est cependant de savoir si ces fonds ont été utilisés à bon escient - nous ne parlons pas du point de vue du sérieux et de l’intégrité ? Si ces sommes ont été affectées aux projets auxquels elles devaient être destinées ? Ou si certains aspects superficiels ont peut-être prévalu sur les réalités quotidiennes, empêchant que les habitants des ces provinces soient dotés des mécanismes nécessaires pour faire face aux besoins présents et à venir.
Quoi qu’il en soit, depuis trois ou quatre années, nous nous penchons sur les problèmes de cette région, particulièrement en ce qui concerne la construction des routes, l’électrification et l’approvisionnement en eau.
Notre unique souci est de chercher comment la faire sortir d’un certain isolement pour l’intégrer dans le tissu économique national et, progressivement, dans le tissu euro-méditerranéen. Vos provinces disposent en effet d’un double littoral, l’un sur la Méditerranée, l’autre sur l’Atlantique, et nul n’ignore que l’ouverture sur la mer a toujours constitué un facteur de développement et de richesse, que ce soit dans les domaine de l’habitat, de l’urbanisme ou de l’investissement.
Pourquoi dès lors rien de tel n’a été fait ? Ou même s’il l’a été, pourquoi n’a-t-il pas été fait au mieux ? En outre, il n’était ni convenable ni conforme à la vertu de laisser de petits agriculteurs pratiquer une certaine culture, petite ou moyenne, alors qu’elle est, tant du point de vue de la santé qu’au plan moral, réprouvée partout dans le monde. Je ne veux pas nommer ou qualifier ce genre d’activité, sinon pour dire qu’elle est réprouvée.
C’est de là qu’est venue l’idée que si nous voulons nous aider nous-mêmes et obtenir d’autrui un maximum d’aide et de moyens, il nous appartient d’abandonner les anciennes procédures routinières et de placer la promotion et le décollage de nos provinces du Nord, aux plans qualitatif et quantitatif, dans un nouveau cadre, celui d’une agence dotée de l’autonomie administrative et d’une transparence totale, afin que tout Marocain, qu’il soit du Sud, du Sahara et à fortiori du Nord, puisse être parfaitement au fait des mouvements de ses fonds dans les moindres détails. La comptabilité et la gestion de l’agence doivent être à la disposition des bailleurs de fonds, qu’ils soient de l’intérieur ou de l’extérieur du pays, afin qu’ils puissent s’assurer de l’usage que l’on fait de leurs fonds.
C’est de là qu’est venue cette idée, qui a pris la forme d’un projet de texte de loi qui a été débattu au sein du parlement où il a subi des amendements. Il a été ainsi convenu de la désignation des présidents des assemblées provinciales comme membres de l’agence au lieu des députés, de l’inclusion d’une ou de deux autres provinces et de la modification du nombre des membres du gouvernement, membres de cette agence. Que tout cela soit le bienvenu.
Comme Nous l’avons toujours dit, les membres de la Chambre des Représentants, toutes tendances confondues, sont pour Nous des ministres qui Nous prodiguent leurs conseils et Nous donnent leurs avis aussi bien sur ce qui est bénéfique que sur ce qui ne l’est pas. Il Nous restait à trouver la personne apte à diriger cette agence et, après des recherches minutieuses et mûres réflexions, Nous avons opté pour Monsieur Lamrani qui, en fait, incarne tout ce que Nous voulions pour cette institution. Nous voulions qu’elle soit autonome et Monsieur Lamrani avait servi dans le département de la privatisation. Nous voulions qu’elle soit dynamique et, comme vous le savez, la privatisation englobe tous les aspects de l’économie marocaine. Nous voulions qu’elle soit en contact avec de nombreuses institutions étrangères et Nous pensons que le Ministère de la privatisation entretient de tels contacts, notamment avec les programmes des Nations-Unies, l’USAID et l’Europe.
Certes, le départ de Monsieur Lamrani se fera ressentir au Ministère de la privatisation, mais rien n’est plus cher pour Nous que Nos provinces du Nord auxquelles Nous accordons une place particulière. Nous te conseillons donc, Monsieur Lamrani, de consacrer la moitié de ton temps à ton bureau et l’autre moitié à tes déplacements à travers les provinces du Nord. Nous t’avons choisi pour le Nord parce que tu y disposes de connaissances et d’une famille. Ton accent témoigne que tu es du Nord et te permettra d’œuvrer en harmonie avec les tiens. Nous avons choisi un fils de la région et, lorsque nous parlons du Nord, cela signifie toute la région allant de Larache à Berkane. Tu vas donc consacrer la moitié de ton temps à ton bureau et l’autre moitié aux provinces du Nord et aux organismes internationaux.
Nous voudrions que, dans les plus brefs délais, tu viendras nous dire que l’agence a entamé ses activités, que les dons ont commencé à affluer et que les programmes sont en cours d’élaboration et nous présenter, le plus tôt possible, un plan pour le premier et le second semestres de cette année. Nous souhaitons disposer non seulement d’un programme avec le gouvernement, mais également d’un programme des dépenses.
Il s’agit en fait de la première opération du genre entreprise par une agence - et non une banque - qui gère des fonds provenant de l’Etat marocain et d’autres pays. Cette expérience doit réussir et nous attendons de toi de nous présenter un rapport tous les six mois et non annuellement comme il est d’usage dans les banques. Ce rapport doit être semestriel car les habitants des provinces du Nord ont attendu longtemps et quelles que soient leur confiance et leur foi, ils ne pourront être pleinement satisfaits que lorsqu’ils verront les choses évoluer et se développer de manière concrète. Nous voulons que leurs espérances soient à la hauteur de nos souhaits et de leurs propres attentes. Il est donc nécessaire d’accomplir des réalisations et les montants des dépenses occasionnées par chaque projet doivent être mentionnés dans le rapport semestriel.
Connaissant ton expérience et les qualités qui sont les tiennes, nous sommes convaincu que tes rapports avec les différents départements et les élus seront au niveau souhaité. Les membres du conseil d’administration de l’agence sont condamnés à réussir leur mission et Nous attendons que le Premier Ministre réunisse dans les plus brefs délais le premier conseil d’administration. En ce qui concerne le siège, plusieurs locaux, dont certains appartenant au Ministère des Affaires Etrangères, seront disponibles à Rabat et Nous verrons où tu pourras t’installer dans la capitale, mais Nous voudrions que tu entreprennes des tournées à travers les provinces du Nord et que ton bureau soit auprès de tous Nos sujets dans ces provinces."
20/06/1996
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