"Louanges à Dieu,
Que la Prière et la Paix soient sur notre Prophète Sidna Mohammed et sur l’ensemble des Prophètes et Messagers qui l’ont précédé.
Mesdames et Messieurs,
Nous nous réjouissons d’adresser à votre deuxième Conférence mondiale islamo-chrétienne les salutations respectueuses et cordiales, implorant Le Très-Haut de couronner de succès vos travaux. Il Nous est également agréable de faire part de Nos vifs remerciements et de Notre considération sincère à la République amie d’Autriche pour les efforts louables déployés pour l’organisation de cette rencontre aux objectifs nobles et à la signification profonde et ce, après l’éclatant succès qu’a connu la première rencontre dans cette ville prestigieuse et les échos favorables qu’elle a suscités à travers le monde.
Il serait superflu de souligner que votre nouvelle rencontre ouvre devant nous des perspectives prometteuses concernant un dialogue islamo-chrétien sérieux et rassurant pour les Musulmans et les Chrétiens quant à sa continuité et sa pérennité.
Les partisans de la paix et ses défenseurs fondent également de grands espoirs sur les résultats de votre rencontre, car sa signification est profonde quant à la volonté de hisser l’homme à des hauts degrés de vertu et de le promouvoir à une noble destinée.
La volonté de dialogue, dès lors que ses partisans s’y engagent résolument, dénote une grande portée civilisationnelle, en même temps qu’elle révèle l’attachement à la sagesse dans la démarche pratique, tant que la volonté de dialogue signifie plus particulièrement que chaque partenaire reconnaît l’autre et respecte sa différence et sa diversité. C’est pourquoi, le dialogue mérite d’être fondé sur des bases philosophiques et des règles éthiques qui lui servent de référence, avec des repères spirituels qui éclairent sa voie. Ce dialogue requiert également des normes consacrées, des conventions et engagements qu’on ne saurait renier ou altérer.
Il est patent que les hommes qui sont les plus en droit d’engager le dialogue et les plus aptes à en respecter les conditions sont ceux-là mêmes qui ont en commun la foi en Dieu Unique et partagent les valeurs spirituelles qui sont celles des religions révélées. Nous, Musulmans, rendons grâce à Dieu d’être parmi ceux-là. L’on citera pour preuve, le Commandement Divin contenu dans le Saint Coran où Dieu, Le Très-Haut, fait le lien, dans un seul verset, entre la recommandation du dialogue avec les gens du Livre (Ahl Al Kitab) et la manière de mener ce dialogue. Dieu dit dans ce verset : « Ne discutez avec les gens du Livre que de la manière la plus cour toise. —Sauf ceux d’entre eux qui sont injustes—. Dites : nous croyons à ce qui est descendu vers nous et à ce qui est descendu vers vous. Notre et votre Dieu est unique et nous lui sommes soumis ».
Cependant, les règles et les normes du dialogue que nous avons évoquées impliquent pour nous, musulmans et chrétiens, de nous conformer à trois conditions. En premier lieu, chaque partenaire doit respecter la différence de l’autre et prendre en compte la diversité des doctrines, les différences d’approches en matière cultuelle et la multitude de voies pour l’adoration de Dieu Unique.
En deuxième lieu, les deux parties doivent chercher à se connaître mutuellement, ce qui implique la disponibilité de chacun à écouter l’autre pour favoriser la compréhension, tout en admettant la nécessité de se départir des préjugés, des suspicions et des visions erronées.
La dernière condition à observer en vue d’assurer le succès d’un dialogue islamo-chrétien fécond et constructif consiste pour chacune des deux parties à dépasser les séquelles des moments de crise et de mésentente ayant marqué leur histoire commune ainsi que les développements inhérents à la nature de la confrontation politique qui, durant les siècles passés, a favorisé les causes de guerre et de multiples torts. Il s’agit, en vérité, de conditions qui appellent un haut degré d’aptitude spirituelle et une ferme détermination à engager un dialogue fécond et à assurer son suivi. Ce sont là, en vérité, des vertus dont vous êtes dignes. La multiplication des rencontres islamo-chrétiennes, depuis le début des années soixante-dix, puis votre première Conférence mondiale tenue à Vienne en avril 1993, sont autant de jalons lumineux qui disent toute votre détermination et toute la constance de vos efforts pour asseoir le dialogue islamo-chrétien sur une base solide, faite de concorde, d’entente et de volonté partagée d’apporter une contribution appréciable à l’édification d’une société humaine où l’homme jouit, par la Volonté de Dieu Tout-Puissant, des bienfaits de la paix, de la liberté et de l’égalité totale.
Honorable assemblée,
Vous avez été fort bien inspirés dans le choix du thème de votre deuxième conférence, comme a été judicieux votre choix du thème de la première Conférence. Vous avez présent à l’esprit que le monde où nous vivons aujourd’hui est un, et indivisible, alors que la différence et la diversité des cultures, des confessions et des formes d’organisation politique et sociale sont des éléments inhérents à la vie des individus et des sociétés humaines sans distinction. En outre, vous admettez à juste titre qu’il n’y a pas d’autre voie pour les humains que de bannir les guerres déclarées et latentes, qu’il n y a pas d’alternative à la paix et à la coexistence et que la paix entre les hommes passe par l’acceptation de la diversité et de la différence. De même, la stabilité ne saurait être garantie que si l’on s’emploie à établir les fondements solides du pluralisme culturel, social et politique dans un monde conçu comme un ensemble où nous devons tous cohabiter.
Le développement continu de la technologie dans les domaines de la communication et de l’information a transformé le monde en un grand village.
Vous, Mesdames et Messieurs, qui avez adopté la devise "Un seul monde pour tous" avec, en complément pour l’expliquer, cette autre de vise : "Les bases d’un pluralisme social, politique et culturel selon les points de vue chrétien et musulman", vous illustrez la capacité de l’homme à accéder à un haut degré d’élévation humaine et de son aptitude, dès lors qu’il s’arme de volonté, à transcender l’égoïsme et la vision égocentrique étriquée.
Mesdames et Messieurs,
Votre quête des bases de la diversité culturelle, sociale et politique qui s’impose par la force des choses et votre souci de rapprocher les points de vue chrétien et musulman à ce sujet, constituent un noble objectif dont les dimensions sont multiples. Ils illustrent la présence positive et efficiente des religions célestes, outre le fait qu’ils démontrent la capacité des adeptes des deux grandes religions à avoir une vision commune des bases éthiques et spirituelles à même de faire de la différence et de la diversité humaines dans les domaines social, politique et culturel, une source d’enrichissement civilisationnel et un facteur de stabilité dans ce monde qui est unique et commun à tous les humains. Ceci donnera au dialogue islamo-chrétien de nouveaux moyens lui assurant la force et la solidité afin de conforter sa contribution à la connaissance réciproque, dans la sérénité et la confiance en la justesse de la voie choisie pour atteindre l’objectif tracé.
Les espoirs se portent sur vous qui êtes l’élite des intellectuels de vos pays pour concrétiser ces nobles idéaux. Il vous incombe à l’occasion de ce grand forum d’échanger les idées, de promouvoir la concertation et de veiller à l’illumination des esprits, afin que votre rencontre soit —avec l’aide de Dieu— fructueuse et utile au service de la consolidation des bases du pluralisme positif tant recherché. Nous avons l’ambition qu’à travers cette rencontre puissent se dégager les grandes lignes d’une char te éthique et spirituelle inspirée des deux grandes religions, une charte qui portera le nom de cette ville prestigieuse qui a un noble registre dans l’histoire des lettres et des arts et occupe une place distinguée parmi les grandes villes mondiales.
Mesdames et Messieurs,
Le monde est résolument tourné aujourd’hui vers une globalisation purement matérielle et économique dans son essence, soutenue par une franche compétitivité commerciale, avec comme devise et finalité "la mondialisation".
Cette "mondialisation" est devenue au centre des discussions des forums mondiaux et le thème des discours durant les rencontres des intérêts financiers et industriels, après que les canons des guerres idéologiques se soient tus et que leur flamme soit éteinte, ou presque.
Cependant, cette nouvelle image d’un monde qui tourne le dos à ses préoccupations de plusieurs décennies marquées par la course aux armements, ne doit pas nous faire croire que les bases de la paix et de l’entente entre les hommes sont jetées et que l’ère des guerres et de l’injustice est irréversiblement révolue. L’espoir seul ne suffit pas. Si elle n’est pas régie par un acte moral, qui doit constituer le lien entre ses défenseurs et si elle est sacrifiée sur l’autel de la compétitivité sauvage et de l’égoïsme, la "mondialisation" donnera lieu à une nouvelle guerre dévastatrice, sans que les armes d’extermination et de destruction y soient visibles. Elle devient un fléau pour l’humanité tout entière.
Nous devons savoir que la mise en place des bases saines d’un pluralisme positif est tributaire de l’attachement de tous au respect des pactes éthiques et des chartes internationales qui portent sur la sauvegarde de la paix mondiale et qui doivent prévaloir dans les relations entre les Etats et les grandes institutions financières et commerciales.
La réalisation d’une paix effective est de toute évidence liée à la suprématie de la justice et de l’équité. Il est également évident que l’injustice et le déséquilibre actuel entre pays riches et pays pauvres ne peu vent permettre l’instauration de la paix et de la quiétude dans le monde. Il ne peut y avoir de paix avec la famine, l’analphabétisme, la maladie et l’injustice entre les hommes. Ensemble nous sommes dans l’obligation, chacun à partir de sa position, d’attirer l’attention des esprits ouverts et des âmes généreuses sur la nécessité de faire montre de courage, de clair voyance, de tirer les leçons de l’histoire ancienne et contemporaine.
Nous devons avertir que la paix véritable et la nécessaire coexistence dans le monde exigent une action tendant à réduire les énormes disparités matérielles entre les hommes, pour permettre à chacun de jouir d’un niveau minimal de droits naturels à l’alimentation, à la santé, à l’éducation, et à tous les droits humains universellement reconnus.
Nous ne devons pas non plus ignorer, Mesdames et Messieurs, que l’espoir de vivre ensemble dans un même monde, ouvert aux différences de couleur, de culture, de religion et la pluralité des choix sociaux et politiques, est partagé par tous. Mais cet espoir n’a pu se réaliser avec la montée des appels au fanatisme et à l’extrémisme et qui font mal au cœur, tan tôt au nom de la religion, tantôt au nom de l’ethnie et tantôt au nom d’un nationalisme étroit.
Il est navrant de voir l’humanité vivre ainsi ce genre de situation à quelques années de la fin du 2ème siècle, de voir le sang couler à flots et la voix de la haine et de la jalousie l’emporter. Il est réellement navrant de faire ce constat dans des pays qui ont franchi de grandes étapes de développement matériel, ou encore dans des pays où le nom de Dieu est célébré et où l’on appelle à la prière pour vénérer et glorifier le Très Haut.
Vous avez la responsabilité, lors de cette rencontre bénie, d’élever vos voix pour protester contre toutes les formes d’extrémisme et de fanatisme, car ils constituent un fléau dévastateur qui entame les efforts louables déployés pour mettre en place les fondements de la coexistence et de paix dans le monde. Ils sont également l’ennemi juré du droit à la différence et à la pluralité culturelle, politique et sociale.
Les croyants appartenant aux trois religions révélées aspirent à se rendre à un lieu sacré d’où ils peuvent implorer le Tout Puissant, évoquer avec piété la vie des prophètes, les fils d’Ibrahim, que la Paix soit sur Lui, et à rejoindre une ville symbole de la fraternité en Dieu entre Musulmans, Chrétiens et Juifs, ils s’agit, en l’occurrence, de la ville d’Al-Qods Acharif. Mais cette ville sacrée vit cependant une situation qui va à l’encontre de cet esprit, génère de la peine pour ses habitants légitimes et porte préjudice à la dignité humaine.
En effet, les Musulmans et Chrétiens parmi les habitants arabes de la partie Est d’Al-Qods en particulier, subissent des souffrances de divers genres ainsi que des violations de liberté.
Les autorités israéliennes exproprient propriétés et biens, renient les engagements auxquels elles ont souscrit, poursuivent la construction des colonies qu’elles peuplent d’étrangers imbus de sentiments extrémistes et du mépris de l’autre, et bafouent toute éthique religieuse et morale. Ces mêmes autorités font périodique ment montre de leur volonté de porter atteinte aux lieux sacrés pour les quels vibre le cœur de tous les croyants. La paix est-elle possible alors que les droits des fils de la nation sont bafoués dans la capitale même de la paix ?
Mesdames et Messieurs,
Le monde a fondé de grands espoirs en l’accord conclu entre les autorités palestinienne et israélienne pour que la volonté d’entente et de dialogue l’emporte sur le langage des armes et de la destruction. Il a applaudi à la décision qui a sanctionné le dialogue concernant l’établissement d’un calendrier pour la mise en application de l’accord afin que soit engagé effectivement le processus de paix. En outre, les sages et les partisans de la paix de par le monde ont estimé que les espoirs fondés sur l’établissement de la paix et de la sécurité dans toute cette région, riche en symboles spirituels, est de nature à susciter l’intérêt pour Al-Qods Acharif.
Mais, les autorités israéliennes continuent d’étonner chaque jour le monde entier par leur comportement qui penche vers la guerre plutôt que vers la paix. Les événements effrayants que vit quotidiennement Al-Qods Acharif en sont la preuve éclatante.
Messieurs,
Nul doute que cette réalité, qui suscite la répulsion chez l’ensemble des croyants des trois religions monothéistes, ne saurait échapper à votre perspicacité. De même, vos propos sur la nécessité d’un monde unique, partagé par tous et pluraliste aux niveaux culturel, social et politique, ne saurait prétendre à la globalité ni réunir les conditions de concrétisation, que s’ils avertissent de manière suffisante sur les dangers qui menacent Al-Qods, et appellent à la nécessité d’agir pour lever l’injustice qui frappe ses citoyens arabes, qu’ils soient musulmans ou chrétiens, et de mettre fin aux abus.
En outre, les nobles objectifs qui vous unissent vous porteront certainement à affirmer que la paix doit être fondée sur des bases stables et solides ou bien ne pas être, et que les causes qui ont été à l’origine de la guerre et de la confrontation demeureront tant qu’elles n’auront pas été éliminées par la volonté de la paix et de la sagesse.
Nul doute également que la place particulière que la cité de la paix occupe dans vos coeurs, vous fidèles, et votre sacralisation d’Al-Qods Acharif feront que vous lui consacrerez, lors de vos séances et de vos débats tout l’intérêt que dictent son importance spirituelle et les symboles dont il est chargé ainsi que le devoir de sincérité que commande sa situation exceptionnelle. Il deviendrait ainsi possible d’effectuer le pèlerinage à cet te ville sainte en toute liberté et en toute quiétude et de puiser dans sa grande richesse spirituelle, ce qui ne saurait cependant se réaliser que s’il y a véritable assurance que la paix y régnera.
Ce sont là, honorables ouléma, des vues et des idées qu’il Nous plaît de vous livrer à l’occasion de votre réunion, et à travers lesquelles Nous exprimons les mêmes soucis et les mêmes préoccupations que les vôtres. Nous avons été incité en cela par Notre foi en la noblesse de votre action et en le sérieux du dialogue entre les religions chrétienne et islamique et sa capacité de mobiliser les potentialités et de les orienter au service des valeurs suprêmes de l’humanité.
Nous vous renouvelons Notre profonde considération pour l’intérêt de cette rencontre mondiale qui vous permettra de vous concerter et d’échanger vos points de vue. Nous sommes pleinement confiant en votre capacité d’éveiller les nobles esprits et d’orienter les énergies sur la voie des bienfaits, de l’amitié et de la paix. Vous êtes à ce titre parfaitement en me sure de les guider vers la richesse spirituelle, celle que traduisent le dialogue, la connaissance mutuelle et les liens affectueux entre les adeptes des trois religions monothéistes.
Puisse Dieu bénir votre action, vous guider sur la bonne voie et couronner de succès vos travaux.
Que la paix et la bénédiction de Dieu soient sur vous."
13/05/1997
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