Colloque "Le jihad maritime dans l’histoire arabo-musulmane"

31 décembre 2008 - 16h49 - 1997 - Ecrit par : L.A

"Louanges à Dieu,

Que la prière et la bénédiction soient sur le Prophète Sidna Mohammed, Sa famille et Ses compagnons.

Mesdames et messieurs,

Il nous est agréable de vous exprimer, en tout premier lieu, Notre considération pour cette rencontre scientifique dont vous inaugure aujourd’hui les travaux et qui se penchera sur l’examen d’un sujet important, partie intégrante de l’histoire du monde arabo-islamique. L’approche prônée fera valoir les multiples points de vue d’une pléiade de chercheurs, d’historiens et d’experts.

De fait, l’Association Bouregreg a été fort bien inspirée dans le choix du thème de ce colloque, pour deux raisons :

La première est que cette association, qui est à l’initiative de nombreux projets d’animation culturelle et sociale dans la ville de Salé, a choisi un sujet qui intéresse et concerne, de manière particulière, Salé.

Nous avons tous, en effet, que lorsque cette ville est citée dans l’histoire du Jihad maritime au Maroc ou dans celle de la course, elle évoque dans les mémoires des réminiscences relevant, soit du mythe populaire, soit de faits historiques objectifs. En effet, les caractéristiques physiques de son environne ment naturel l’ont placée au devant des cites côtières du Royaume connues pour le Jihad maritime. Elle est située à l’embouchure du fleuve du Bouregreg et constitue une rade difficile d’accès mais dotée d’un prolongement à l’intérieur du fleuve, ce qui en faisait dans le même temps un refuge et une précieuse base-arrière.

Lorsque vous aborderez le thème du Jihad maritime, vous constaterez que cette ville a été l’une de ses bases historiques. Cependant, les références historiques arabes n’ont pas accordé à l’Occident musulman, notamment à la côte atlantique marocaine, tout l’intérêt mérité, la ville de Salé est, à ce titre, plus particulièrement concernée.

La deuxième raison qui fait l’intérêt de votre sujet relève de la nécessaire contribution du Maroc au développement de la recherche historique objective sur un thème lié à son histoire pluri-séculaire, en collaboration avec les Commissions marocaine et inter nationale de l’histoire maritime.

Vous vous attachez à en relever les réalités de notre histoire, réalités qui ont joué un puissant rôle dans l’évolution de la civilisation et de l’histoire du Bassin méditerranéen et de l’Océan atlantique, les mers ayant joué le rôle de pont entre les civilisations et les cultures et de trait d’union entre les peuples du vieux monde et du nouveau monde et ce, même si cela ne s’est réalisé, hélas, qu’à travers les péripéties de conflits et de drames liés à la piraterie et à l’asservissement.

Il convient avant tout de rappeler que le Jihad maritime dans l’histoire musulmane ne doit pas être compris sans référence à la légitimité du Jihad en Islam, et que L’Islam ne doit pas être accablé des erreurs de ceux qui ne se sont pas conformes à ses commandements en menant le Jihad dans des directions non prescrites.

Dieu le Très-Haut a dit : « Combattez dans le chemin de Dieu ceux qui vous combattent. Ne soyez pas agresseurs, Dieu n’aime pas les agresseurs ».

C’est sur cette base que le Jihad islamique était régi par des prescriptions de la Charia, et avait sa jurisprudence spécifique connue des juris consultes, des historiens et des spécialistes.

Mesdames et Messieurs,

Vous n’ignorez guère que le Maroc se distingue par sa position particulière dont ne peut se prévaloir aucun autre pays, à savoir qu’il longe le littoral méditerranéen et le littoral atlantique sur plus de trois mille kilomètres. Cette position lui a permis de tisser des contacts à travers l’océan atlantique avec le nouveau monde et avec les côtes d’Europe et d’Afrique occidentale. Il a pu ainsi entretenir des liens avec trois continents. Cette position a favorisé les conditions de son enrichissement matériel et culturel, en même temps qu’elle a impliqué pour ses fils et pour son histoire d’assumer nombre de charges, de responsabilités et de rôles dont il convient aujourd’hui d’approfondir l’examen et l’analyse, et de rectifier les idées et les jugements admis sans discernement, devenus usuels aujourd’hui .

Autant les côtes marocaines, en particulier ses côtes occidentales étaient des portes ouvertes pour le commerce, l’échange de produits et le troc, autant elles étaient la cible de convoitises et d’invasions pour la fondation de comptoirs coloniaux et de poches étrangères influant, dans une certaine mesure, sur le cours de la politique intérieure du pays, et suscitant des discordes et des mouvements de sécession.

Mais, le résultat positif de ces longues péripéties historiques a consisté en l’expérience acquise par les Marocains, à travers les âges, dans les affaires maritimes et dans l’interaction avec les peuples qui leur font face sur les autres rives. Le Maroc s’est alors ouvert à leurs civilisations et à leurs cultures, a emprunté à leur patrimoine comme il a apporté sa contribution, à l’instar de tout peuple doué d’intelligence, d’esprit d’initiative et du sens du réalisme.

Certaines études étrangères ont considéré que les Marocains, par leur tempérament et du fait de leurs liens avec l’espace saharien, qui était la source de leur richesse et la terre d’origine d’une grande partie d’entre eux, accordaient un faible intérêt aux différents aspects de l’activité maritime, ce qui est démenti par les faits historiques. En effet, les Almohades sont parvenus, durant leur dynastie, à imposer leur domination totale sur le Bassin occidental de la Méditerranée après avoir étendu leur influence des frontières libyo-égyptiennes à l’Océan atlantique et du nord de l’Andalousie aux confins sud du Sahara.

Les chantiers navals (Dar Assinaa) qu’ils ont construits dans le site de la Maâmora (Mehdya actuelle ment) servaient à la construction de navires de différentes sortes, ce qui a permis aux plus grands califes almohades de bien contrôler les postes avancés de leur empire et d’assurer à leurs vaisseaux la réputation de la plus puissante flotte de cette époque, au point que le Sultan Salaheddine Al Ayoubi a demandé secours au Sultan almohade Yacoub Al Mansour pour obtenir une force maritime à même de l’aider à repousser les croisés qui avaient porté leurs convoitises sur le Machrek. Par la suite, la flotte marocaine a vite fait, après une période de faiblesse à la fin de la dynastie almohade, de retrouver sa puissance, sous le règne des Sultans mérinides qui ont construit Dar Assinaa Al Kobra (le grand arsenal) à Salé, Bab Mrissa.

Il est vrai que cette activité maritime n’a pas atteint au Maroc une grande expansion par rapport à d’autres pays et ce, en raison des conditions politiques et économiques que le Maroc a vécues après le quatorzième siècle de l’ère grégorienne et à cause du phénomène de piraterie qui a limité la liberté de manœuvre de tous les pays du Maghreb et les a assujettis à une sorte de blocus qui les a empêchés de garantir la sécurité de leurs commerces et de renforcer leurs arsenaux maritimes. Ces entraves ont atteint leur apogée suite à l’occupation d’enclaves maghrébines au début du quinzième siècle de l’ère grégorienne. Les Marocains ont été amenés de ce fait à emprunter la mer pour se défendre et pour riposter aux agressions perpétrées par certains pays européens contre les côtes du Maroc.

Le Jihad maritime a ainsi occupé une place particulière chez les Marocains eu égard à son rôle essentiel dans le soutien du Jihad terrestre, qui ne se limitait pas aux enclaves spoliées. Le Jihad maritime a concerné les villes marocaines de Mellilia à Anfa, comme il a concerné un certain nombre de ports du Proche et du Moyen Maghreb, et ce avec la contribution de tous.

Les Mauresques qui se sont établis à Salé et qui ont apporté leur soutien à leurs frères marocains, ont donné une nouvelle impulsion au Jihad maritime et lui ont conféré une dimension inter nationale qui a marqué, plu sieurs siècles durant, la mémoire européenne et a amené ces pays à rivaliser entre eux pour se rapprocher du Maroc et pour gagner son amitié.

Mesdames, Messieurs,

L’Etat marocain se devait, depuis les temps modernes, d’accorder tout l’intérêt au Jihad maritime après l’occupation de nombreuses villes dans le Nord et l’Ouest du Royaume et suite à la multiplication des actes de pirate rie commerciale et aux menaces qui guettaient la souveraineté du territoire national du fait de la préparation par des pays européens expansionnistes de l’assujettissement du Maroc à différentes formes de dépendances.

Les Souverains de la Dynastie Alaouite, à l’exemple de Moulay Ismaïl, de Sidi Mohammed Ben Abdellah et de Moulay Hassan 1er, ont tout mis en œuvre pour l’équipement des flottes, la construction des navires, la libération des enclaves, l’organisation du Jihad maritime et la lutte contre la piraterie, particulièrement après que les convoitises expansionnistes européennes sur le Maroc se soient confirmées.

En dépit de conditions défavorables et du blocus multiforme auquel les pays européens soumettaient notre pays, la flotte marocaine a pu, comme ce fut le cas sous le règne du Sultan Sidi Mohammed Benabdellah, forcer le respect et a même amené certains pays européens à chercher à gagner son amitié et à lui verser les tributs annuels.

Ainsi, la responsabilité du Maroc, en tant qu’Etat mari time, devenait plus complexe et plus large, dans le contexte des mutations historiques et politiques internationales dont la cadence s’est accélérée en cette époque, ce qui a renforcé notre souci, à l’instar de nos ancêtres, les Souverains de l’auguste Dynastie Alaouite, d’assumer nos responsabilités en tant qu’Etat à l’histoire pluriséculaire, à la civilisation authentique et à la présence internationale, pour contribuer au renforcement de la tendance mondiale actuelle vers la réalisation de l’entente et de la coexistence entre les peuples.

Mesdames, Messieurs,

Nous avons la profonde conviction que votre conférence connaîtra un grand succès, grâce aux conditions qui lui sont réunies, et en premier lieu à la contribution d’une élite distinguée de professeurs-chercheurs, d’historiens de renom et d’intellectuels des quatre coins du globe à l’enrichissement de ses débats et ses recherches. Celles-ci jetteront la lumière sur plusieurs aspects et remettront en question de nombreux jugements fragiles, dans la quête de l’objectivité et de la vérité scientifique.

L’histoire que nous devons écrire et transmettre aux générations futures ne doit ni faire l’objet de vénération et de coloration émotionnelle, ni céder aux sentiments impulsifs et aux excès fanatiques. Elle doit être une histoire objective qui traduit la réalité, qui seule, aujourd’hui, est à même de polariser et de convaincre les esprits, de les mettre sur la juste voie, la voie de la paix entre les peuples, de la réhabilitation de leur histoire et de l’instauration du dialogue nécessaire entre les cultures, les religions et les civilisations. Les historiens sont aujourd’hui nos guides sur cette voie.

Nous vous félicitons, Mes sieurs les professeurs, pour cette rencontre scientifique de haut niveau, comme nous félicitons l’Association Bouregreg pour cette réalisation. Puisse Dieu rétribuer tous ceux qui œuvrent à la réussite de cette rencontre et ceux qui y contribuent.

Que la Paix et la Miséricorde de Dieu soient sur vous."

30/05/1997

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