"Louange à Dieu,
Que la bénédiction et la paix soient sur le Prophète Sa Famille et Ses Compagnons.
Mesdames et Messieurs,
Nous sommes très heureux de cette louable initiative visant à commémorer, comme il convient, le quarantième anniversaire de la création de la Cour suprême. C’est une initiative qui correspond bien aux sentiments que Nous nourrissons pour la famille de la justice à laquelle Nous attache le lien séculaire indissociable faisant de la justice l’une des fonctions de l’Imamat suprême et qui fait que Nous Nous sommes employé, depuis Notre accession au Trône, à veiller sur l’unité et la souveraineté nationales et à assurer sécurité et justice à Nos fidèles sujets. Votre mérite est grand d’honorer ainsi l’une des plus importantes institutions de notre Royaume, d’autant que s’il en est une à laquelle sied parfaitement le qualificatif de suprême, c’est bien à cette juridiction.
Gardienne scrupuleuse de la bonne application de la loi, siège de son interprétation et de son adaptation à l’évolution socio-économique, source de son enrichissement, elle a contribué avec mérite au développement de la doctrine juridique marocaine et participe, ce faisant, à la consolidation des bases de notre système judiciaire.
Nous sommes aussi très satisfait de savoir, qu’à l’occasion de cette manifestation, la Cour suprême a procédé à la publication des arrêts les plus importants rendus depuis sa création, et qu’elle tient cette semaine un séminaire portant sur le thème : « Jurisprudence de la Cour suprême et mutations économiques et sociales » . Un tel séminaire permettra à nos magistrats avocats professeurs et à tous ceux qui participent directement ou indirectement à la bonne marche de la justice de débattre du rôle que la Cour suprême se doit de jouer pour accompagner pertinemment les mutations en question.
Mesdames et Messieurs,
S’il est une vertu cardinale, sur laquelle nos glorieux ancêtres ont fondé leur pouvoir, c’est bien sur celle de la justice quand ils l’ont choisie pour système de gouvernement, adoptée pour doctrine et fixée pour finalité à leur action sociale.
Et l’ayant ainsi placée à cette hauteur, ils n’ont, depuis lors, cessé d’entourer ceux qui la servent, magistrats et institutions judiciaires, de leur sollicitude agissante, leur octroyant, entre autres avantages, un statut distingué grâce auquel ils pouvaient agir dans la dignité et la sérénité et à l’abri aussi des pressions de toute origine.
Renouant avec cette noble tradition dès le lendemain de notre libération nationale, Notre Auguste et regretté père tint, lui, absolument à ce que le premier acte symbolisant la souveraineté retrouvée fut celui de poser les bases de l’indépendance de la justice par la suppression de l’intervention des autorités administratives dans le domaine judiciaire.
Il procéda aussi, dès 1957, à la création de la Cour suprême, ouvrant ainsi la voie à l’unification des tribunaux et aux réformes qui allaient suivre.
Pour notre part, aussitôt que Nous avons été appelé à assumer la magistrature suprême, nous nous sommes attaché, avec conviction et détermination, à élever la justice au rang de pouvoir constitutionnel indépendant des pouvoirs exécutif et législatif. Nous avons aussi tenu à prévoir dans la Constitution la Création d’un conseil supérieur de la magistrature, et nous lui avons conféré une distinction particulière en le plaçant sous notre haute présidence afin de consolider cette indépendance.
Mesdames et Messieurs,
Si la justice a figuré et figure toujours parmi nos priorités si elle a été et reste toujours au cœur de nos préoccupations c est parce que nous sommes convaincu que la justice est un vecteur essentiel de renforcement de la cohésion sociale un facteur décisif de la démocratisation en profondeur de la société et le principal pilier de la consolidation de l’État de droit. De plus les changements qui affectent aujourd’hui le monde et qui concernent aussi le Maroc nous conduisent à élargir nos perspectives pour penser la justice non seulement du point de vue éthique, politique et social, mais aussi du point de vue de l’accroissement de son rôle économique et de la prise de conscience de sa contribution au développement.
Il est, en effet, évident que le nouveau contexte caractérisé par le désengagement progressif du secteur public des activités productives d’une part, et l’extension du rôle du secteur privé d’autre part, est un contexte qui renforce chez les opérateurs économiques une exigence légitime de confiance, de prévisibilité et de sécurité juridiques.
Dès lors, il est dans l’ordre des choses que la justice tende à prendre une nouvelle dimension pour répondre à cette exigence, surtout à un moment où le Maroc s’en gage dans une politique de dérèglementation et de libéralisation.
C’est dire toute l’importance du rôle qui incombe désormais à la Cour suprême en tant qu’instance d’interprétation et d’adaptation de la loi, et dont l’œuvre devient pour le juge, placé dorénavant au centre du développe ment, une référence essentielle pour dire le droit. D’une manière générale, il est aussi évident qu’au Maroc, comme ailleurs, la justice se trouve confrontée à de nouveaux défis, elle se doit de les relever sans tarder si elle veut continuer à accomplir sa noble mission et être en mesure d’accompagner les mutations économiques et sociales. Elle doit surtout tenir compte de la rapidité et de la complexité de ces mutations pour être prête à les traiter avec célérité et compétence.
C’est pourquoi nous attachons la plus grande importance à la formation des magistrats, tant initiale que continue, ainsi qu’à leur spécialisation éventuelle et à leur ouverture sur l’environnement national et international. A ce titre, il faut que cet ouverture tende à faire bénéficier notre justice des expériences juridiques et judiciaires étrangères en ayant à cette fin recours aux mécanismes de coopération et d’échanges que le Maroc mis sur pied avec grand nombre de pays amis.
Dans la même perspective, il convient aussi de poursuivre la nécessaire rationalisation de la gestion de la justice et de généraliser l’utilisation des nouvelles techniques pour l’amélioration quantitative et qualitative de l’appareil judiciaire.
Mesdames et Messieurs,
Nous savons tous que la justice n’est pas un domaine où seuls les moyens logistiques suffisent, bien qu’ils lui soient fondamentalement nécessaires.
La justice, pour réussir sa mission et relever les défis qui lui sont lancés, ne saurait parvenir aux résultats escomptés que par un attachement renforcé, aux valeurs morales, à une éthique qui soit à toute épreuve, s’inspirant de notre religion et de notre tradition, et faite d’intégrité, de probité, d’impartialité et d’indépendance.
Pour cela, il faut que toutes les volontés convergent vers un seul et même but, celui de faire de notre justice une éthique en action, n’ayant d’autres fins que de servir le droit et de sauvegarder les intérêts des justiciables.
« Agissez, Dieu, Son messager et les croyants verront votre œuvre ».
J’appelle sur vous la mansuétude de Dieu."
18/12/1997
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