Le président français Jacques Chirac a suggéré à José Maria Aznar, lors de la crise de l’îlot Perejil en 2002, de livrer au Maroc les enclaves de Sebta et Melilla, selon l’ancien chef du gouvernement espagnol cité par le journaliste Ignacio Cembrero.
Dans un témoignage écrit recueilli par le journaliste d’El Pais pour son livre « Vecinos alejados » (« Voisins lointains »), qui vient de paraître en Espagne, José Maria Aznar assure que le président français « a appuyé le Maroc dans la prise de l’îlot Perejil », en juillet 2002.
« Il m’a suggéré de livrer (au Maroc) tous les rochers espagnols de la côte marocaine et aussi Sebta et Melilla », dit M. Aznar de M. Chirac, auquel il avait téléphoné pour solliciter son soutien dans la crise qui l’opposait au Maroc, après l’occupation surprise par les Marocains de l’îlot revendiqué par les deux pays.
C’est auprès des États-Unis, avec une médiation du secrétaire d’État Colin Powell, que l’Espagne devait finalement trouver ce soutien. Ce qui a fait de l’épisode Perejil le « point d’inflexion » à partir duquel le conservateur espagnol a décidé de s’en remettre aux États-Unis et au président George Bush, a commenté Ignacio Cembrero mardi lors d’une conférence de presse.
Devant le soutien mitigé de l’Union européenne, fomenté par la France, « Aznar a conclu qu’il avait très peu à attendre de la vieille Europe et que son avenir diplomatique était avec Bush », ajoute-t-il.
Il cite en ce sens Jorge Dezcallar, chef des services secrets sous Aznar, selon lequel M. Aznar « n’a pas pu compter sur la France ; Chirac ne lui accordait pas un statut à son niveau, il le voit comme un enfant mal élevé ». D’où le rapprochement avec George Bush, qui conduirait notamment à l’alignement espagnol sur les États-Unis dans la guerre d’Irak.
Quant à l’idée de livrer les deux enclaves espagnoles du nord du Maroc, M. Aznar assure qu’il s’agissait pour Rabat et Paris de « tester jusqu’à quel point l’Espagne était disposée à les défendre ».
Une analyse que ne partage pas le journaliste, grand spécialiste du Maroc, qui dit « ne pas croire que Mohammed VI ou Chirac aient exercé de pression sur Sebta et Melilla » et que les enclaves « ne constituent pas une priorité » pour le souverain marocain, à la différence de son père, Hassan II.
L’auteur explique le soutien sans faille apporté à Rabat par Jacques Chirac, et aussi désormais par le gouvernement socialiste espagnol, inspiré par Miguel Angel Moratinos, par leur perception commune de la monarchie alaouite comme « un rempart contre l’islamisme » et « le garant de la stabilité du Maroc ».
Pour la France, Cembrero soupçonne aussi des motifs plus personnels, appuyés notamment sur les relations très étroites unissant les Chirac à la famille royale marocaine, mais aussi sur les intérêts bien compris de la francophonie en Afrique.
Afp
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