Depuis l’éclatement du scandale de corruption connu sous le nom de « Qatargate », les difficultés pour renvoyer les Marocains déboutés de leur demande d’asile vers leur pays d’origine se sont accrues.
Le 8 novembre, Kechtiane Moushine fêtera ses 35 ans. Sauf que... Sauf que ce Tenoodois est SDF. Atteint de pépins psychiatriques. Ni drogué ni agressif, mais sans existence légale. Les nuits, il marche. Pour contrer le froid. L’aube venue, ce Marocain que Saint-Josse a radié se calfeutre. Là, sur un banc de la place Bossuet. C’est pareil depuis six ans. Alors, oui, l’histoire est belle, malgré tout. Parce que sa chance à lui, ce sont ces jeunes gens, "toutes races confondues", entre 17 et 30 ans, 35 étaient de la place Houwaert - oui, là où ont éclaté les effroyables émeutes ! "On l’aide à se vêtir, à se nourrir", décrit simplement celui-là. "L’hiver dernier, on s’était cotisés pour acheter une camionnette", révèle celui-ci. Pour l’héberger, bien sûr. Soit une collecte de plus de 2.000 €, partis en fumée parce que les quatre roues ne quittaient jamais la rue du Mérinos.
Grâce à eux, Moushine a même, une fois par semaine, ses entrées au bain de Saint-Josse. "C’est intolérable ! Il faut un peu se mettre à sa place", lâche Youssef. À moins que ce ne soit Martin. Ou Ayoub. De toute façon, ces 50-là parlent en choeur. Ou plutôt : avec leur coeur. La rue, toute la rue connaît ce gentil sans- papiers, demandeur de rien. Mais les politiques ? "Le piston, ça marche ! L’attaché de presse du bourgmestre a une maison, ici. Et un logement social de 125 m2 ", jure, dur comme fer, un autre anonyme très impliqué. En juin, ce mouvement citoyen fait une demande d’aide, informelle.
Le 18 du même mois, on réitère les voeux : des papiers et un domicile. Officiellement cette fois, devant un joli parterre : le maïeur, Jean Demannez (PS), son chef de cab’, le secrétaire communal et Mohammed Jabour (PS), chargé de la Jeunesse. Les promesses fusent. Et nous voilà, hier soir... Rien n’a été entrepris. Pis : les gamins du quartier, en grappe dans la salle du conseil, ont conscience que Moushine, c’est "l’arbre qui cache la forêt." Ils s’en vont, en ce mardi, le hurler calmement à la permanence d’un bourgmestre, hasard incroyable, absent. In fine, Mohammed Jabour les reçoit. Dit son énervement face aux engagements non tenus, comme le mal éprouvé à faire venir Moushine à l’administration : "Une famille lui avait trouvé un logement". Puis s’avance. Dans les huit jours, il rappellera Mourad, prêt à se porter tuteur. Alors, oui, ces jeunes gens bien exigent une solution rapide du pouvoir en place. Très pacifiquement. Mais avec fermeté. Avant que l’hiver ne prenne leur protégé. Et alors, oui, alors seulement, l’histoire sera belle. Extraordinairement belle...
La Dernière Heure - Guy Bernard
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