
En 2022, le Maroc a enregistré un pic historique dans les recettes issues des transferts des Marocains résidant à l’étranger (MRE), atteignant 110,7 milliards de DH, soit une progression de 16 % par rapport à 2019, d’après le dernier rapport de...
Argent Les jeunes du bassin méditerranéen installés en Europe n’oublient pas ceux restés au pays. Ces flux d’argent poussent les institutions internationales à s’intéresser à leur régulation.
Dans le monde, cent vingt-cinq millions d’émigrés transfèrent annuellement quelque 230 milliards d’euros vers les pays d’origine. Pour les pays du Maghreb, officiellement, ce sont plus de 7 milliards d’euros qui traversent la Méditerranée. Les communautés maghrébines européennes sont celles qui transfèrent le plus vers le pays d’origine.
Ainsi 85 à 90% des transferts vers l’Algérie, le Maroc et la Tunisie sont en provenance d’Europe. Dans les autres pays, l’Egypte, le Liban, la Syrie ou encore la Jordanie (autres partenaires de la Femip), la part relativement faible des transferts venant de l’Union, de 5 à 10 %, s’explique par l’importance des populations émigrées dans les pays du Golfe ou les Amériques. La Femip, la Facilité euroméditerranéenne d’investissement et de partenariat, qui regroupe les interventions de la Banque européenne d’investissement, BEI, a récemment organisé à Paris une conférence sur les transferts des migrants. Devant un parterre de ministres des Finances et de grands argentiers européens, les discussions ont porté sur la réglementation des flux financiers de manière à réduire les coûts pour les migrants et rendre ces transferts plus productifs. Ces envois sont principalement réalisés via des sociétés de transfert d’argent, STA, Money Gram et Western Union principalement, pour 85 % des échanges. Les 15 % restant passent par le circuit bancaire classique ou par courrier.
La faible bancarisation des émetteurs et des bénéficiaires explique, pour partie, l’utilisation de ces modes de transfert. En effet, pour recevoir l’argent envoyé par un membre de sa famille émigré, il suffit de se présenter dans n’importe quel bureau de poste de la campagne du Rif ou de Tamanrasset. La transaction se fait presque instantanément, en toute simplicité, et la fiabilité est quasi assurée. Toutefois, l’absence de transparence des prix et les coûts élevés (jusqu’à 16 % du montant du transfert) font peser une forte charge sur les migrants.
Pour les envois informels, hors des systèmes de transferts légaux, selon les pays, ils sont jusqu’à quatre fois supérieurs aux envois officiels. Les communautés s’organisent pour la collecte et l’envoi des fonds par des circuits parallèles, pour éviter de payer les frais de transaction souvent très importants. Cet argent alimente abondamment le marché noir où euros et dollars s’échangent à des prix en dessous des tarifs bancaires. Dans des pays comme l’Algérie où près de 80 % des transactions se font encore en liquide, les réseaux informels permettent de faire circuler les devises sans le contrôle des autorités. Plus le réseau bancaire est développé, moins les migrants font appel aux réseaux informels. C’est le cas de la Tunisie où les flux informels représentent 50 % des transferts (voir tableau).
Les Marocains d’Europe envoient plus d’argent que les autres. Annuellement, ce sont près de 3 milliards d’euros qui sont envoyés au pays, deux fois plus que par les voisins algériens et tunisiens. Pour preuve, le nombre de compagnes publicitaires qui vantent les qualités des investissements locaux, dans l’immobilier principalement. Le pays a compris, avant les autres, l’importance de conserver un lien, même financier, avec sa diaspora. D’ailleurs, les transferts des migrants marocains sont la seconde source de revenus pour l’Etat marocain, faisant de l’économie locale une quasi-économie de rente.
Quant à savoir ce que font les émigrés de leur argent, la ventilation des investissements montre que la plus grande part va vers des secteurs dits improductifs, puisqu’ils ne génèrent pas directement de revenus. Les transferts sont utilisés pour la consommation des ménages à 51 %, pour l’éducation ou la santé à hauteur de 18 % et pour le logement à 14 %. Les clichés de l’immigré qui dépense sans compter pendant les vacances et qui construit de grosses maisons semblent avoir un fond de vrai. La part des investissements productifs dépasse difficilement les 10 %, sauf pour la communauté tunisienne de France qui semble porter plus d’intérêt aux investissements permettant la croissance économique du pays.
Combien de temps encore le Maghreb pourra-t-il bénéficier de cette manne ? Depuis plusieurs années, les analystes prédisent une baisse progressive des transferts. Leurs arguments sont basés sur renouvellement des générations et l’idée que les enfants de migrants enverront moins d’argent dans le pays d’origine. Or, les statistiques montrent une croissance régulière de ces flux financiers. A charge aux gouvernements des pays d’origine d’aider leurs ressortissants à faire de ces transferts un réel levier pour le développement.
Le Courrier de l’Atlas - Nadia Lamarkbi
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