"Au nom de Dieu le Clément, le Miséricordieux,
Que la prière et la Paix soient sur le Prophète Sidna Mohammed, Sa famille et Ses compagnons.
Mesdames et Messieurs les participants à cette rencontre
Il nous est agréable de saluer votre rencontre qui se tient en commémoration du 50ème anniversaire du voyage à Tanger de notre auguste père feu Sa Majesté Mohammed V, que Dieu ait son âme, en pareil jour de l’année 1947, voyage qui a constitué un jalon dans l’épopée du Jihad du Maroc et de son combat, sous la conduite du héros de la libération feu Mohammed V, que Dieu l’ait en Sa Sainte Miséricorde.
La célébration de cet anniversaire doit donc demeurer une occasion pour perpétuer les liens entre le passé tout proche, le présent et l’avenir, et pour imprégner les générations montantes des idéaux nationalistes et de l’esprit patriotique vivace, idéaux qu’illustre la conduite de notre auguste père, marquée par des hauts faits et des positions de principe immuables. De telles valeurs ne pouvaient d’ailleurs que résister et triompher dans la bataille de la libération qu’il a engagée face aux forces colonialistes. Il nous incombe tous de rester fidèles aux valeurs spirituelles et nationales qui fondent notre personnalité et servent de référence à notre identité, celles-là même qui nous ont permis de recouvrer notre indépendance, de parachever les composantes de notre Souveraineté et de notre unité, dans un laps de temps relativement court. Bien plus, elles ont valu au Maroc le respect de la communauté internationale, en considération de la ligne de conduite saine que nous avons toujours suivie, tant lors de la période de lutte pour la libération que lors de la phase d’édification et de construction . Il s’agit de la méthode civilisationnelle illustrée par feu Mohammed V, dans sa conduite, sa foi et son Jihad.
Nous devons ainsi demeurer fidèles à ces principes nationaux et spirituels ainsi qu’à l’histoire nationale qui en est l’illustration et ce, en imprégnant les générations actuelles de leur signification et en illuminant leur conscience de leur souvenir, car cette histoire, avec ses épopées glorieuses, le Jihad persévérant et les sacrifices considérables qui l’ont jalonnée est susceptible d’être sous-estimée ou mise au compte du discours apologique creux, si elle n’est pas comprise dans sa logique propre ou placée hors de son contexte général, compte tenu des circonstances particulières nationales et internationales de l’époque.
Les prises de position des héros de la libération, avec à leur tête feu Sa Majesté Mohammed V , apparaissent ainsi dans leur dimension réelle telles que vécues par le Maroc période cruciale de son histoire.
De telles considérations nous imposent, comme je l’ai dit à maintes occasions, de faire de notre histoire nationale proche et lointaine, avec ses réalités et ses positions, ses héros et ses hauts faits, une histoire vivante, ravivant en nous les valeurs de courage et de dignité, la foi en notre identité nationale et en notre unité, en confortant notre disposition à consentir tous les sacrifices pour assurer leur pérennité. Une histoire qui nous vivifie par ses références, anime nos esprit par ses grandes significations et perpétue la symbiose entre le Trône et le peuple, telle qu’illustrée remarquablement par l’épopée de la libération conduite par notre père, feu Sa Majesté Mohammed V et par la continuation de l’œuvre d’édification et de construction dont Dieu nous a dévolu la responsabilité . Nous en assumons ainsi la conduite, fidèles en cela à notre héritage national et à notre démarche politique, grâce à laquelle nous avons réalisé notre libération et à la faveur de laquelle nous ne cessons de cumuler les acquis.
La génération qui a vécu les événements du Maroc au cours des années quarante, se souvient que notre pays pâtissait sous le joug du protectorat étranger et traversait alors une étape marquée par le poids de trois décennies de ce régime qui a imposé à notre véritable colonisation, le morcelant en plusieurs zones d’influence d’un colonialisme multinational qui exerçait une mainmise directe, après avoir éliminé toutes les formes de résistance armées qui refusait cette occupation . C’était la période marquée par la fin de la deuxième guerre mondiale qui a eu un impact énorme sur les relations internationales et l’histoire de l’humanité tout entière.
Mais le Maroc a su dans ces circonstances, exprimer avec force et clarté ses droits légitimes au recouvrement de sa liberté, de sa souveraineté et de son indépendance.
Notre père avait pris conscience, depuis le début de la décennie quarante, de la démarche à suivre dans la conduite de ce combat, en se conformant à une méthode à la fois politique et civilisationnelle, en expérimentant tous les moyens et procédés, afin d’exprimer les revendications du Maroc et son attachement à ses droits légitimes, que ce soit lors de la présentation du Manifeste de l’indépendance en 1944, ou au moment de sa visite en France en 1945. Cette revendication de la part du Roi et de son peuple pour le recouvrement de la souveraineté a fait l’effet de révélateur qui a ouvert subitement les yeux des colonisateurs sur la réalité de la foi du peuple marocain et de son Roi en la liberté et l’indépendance, alors même que pas plus de trois décennies ne se sont écoulées depuis la conclusion du traité du protectorat. Le voyage à Tanger de Mohammed V est ensuite intervenu, à la faveur duquel Sa Majesté a annoncé sans ambages la revendication du Maroc concernant la récupération de ses droits à la liberté et à l’indépendance, au moment où la France cherchait à inclure le Maroc sous la souveraineté française à travers son intégration à l’Union française prévue dans sa nouvelle Constitution de l’époque.
Ainsi, le voyage à Tanger est intervenu dans un contexte historique particulier de l’action de lutte politique pour faire face à l’isolement et à la tutelle imposes par les autorités du protectorat au Maroc par rapport au monde extérieur, et à la politique de division des Marocains à l’intérieur. Il a signifié l’attachement à l’unité du territoire nationale, le refus d’accepter le morcellement de la souveraineté entre la zone sous protectorat espagnol ou la région au statut international, car l’objectif visé par notre père était de maintenir le contact avec toutes les catégories de son peuple uni, de pouvoir s’adresser à lui et de s’enquérir de sa situation, outre le fait que le séjour du Roi dans la ville de Tanger- qui était alors une zone internationale - signifiait que la ville est partie intégrante du territoire du Royaume du Maroc .
Sa visite lui permettait également de s’adresser aux représentants des Etats associés à l’administration de la ville, de porter sa voie à l’opinion internationale et ce, à un moment où les questions se rapportant aux nations non indépendantes bénéficiaient de l’intérêt de la communauté internationale.
Des facteurs ont fait que les autorités du protectorat français n’ont accepté le voyage du Roi à Tanger qu’après des négociations et des contacts diplomatiques, n’hésitant pas à multiplier les obstacles pour amener le Roi à y renoncer ou infléchir sa volonté, comme le montrent l’horrible massacre perpétré par le colonisateur dans la ville de Casablanca, deux jours avant ce voyage. Le plan des autorités du protectorat visait alors à empêcher la rencontre du Roi avec son peuple, à dresser autour de lui une barrière hermétique, consciente en cela de la force que constitue la symbiose entre le Trône et le peuple, et des résultats qui en découlent.
Feu Mohammed V, que Dieu ait son âme, a prononcé son discours historique dans les jardins de la délégation du Sultan , devant une foule nombreuse de ses sujets venus de toutes les parties du Royaume, outre les habitants de Tanger , les fonctionnaires du Makhzen , les ambassadeurs des pays étrangers, les autorités du protectorat. Ce fut une journée mémorable qui a ravivé les sentiments du peuple marocain et renouvelé sa symbiose avec son Trône . Le discours de sa Majesté était entrecoupé d’applaudissements et de vivats à la gloire du Roi, un épanchement émouvant qui venait du fond des cœurs et emplissait l’espace de la rencontre, laissant des échos qui ont dépassé les frontières du Maroc.
Suivant les orientations de Sa Majesté, notre auguste père , que Dieu ait son âme, nous avons prononcé, lors des journées qu’a duré ce voyage à Tanger, plusieurs discours dans lesquels nous avons clarifié la portée lointaine et les objectifs tracés dans le programme Royal de réforme au Maroc, selon les exigences de l’époque, en vue de diffuser l’enseignement, favoriser la prise de conscience de la nécessité de l’unification des rangs entre toutes les composantes du peuple marocain et ses catégories sociales, afin que tous se mobilisent avec vigilance derrière Sa Majesté, dans l’œuvre d’édification d’un Etat moderne, utilisant à bon escient les sciences et les modes d’organisation contemporains, les acquis du progrès dans le cadre de présentation d’un programme Royal de réforme marocaine.
J’avais dit alors dans un discours que J’avais prononcé dans la Maison de l’unité arabe et à l’Institut Moulay Mehdi : « Dieu a choisi pour le Maroc, à l’aube de sa renaissance et au début de son sursaut, un Roi cumulant les qualités du profond croyant, du Musulman persévérant, du Marocain intègre dans lequel se sont accomplies les vertus du père bienveillant, du politicien aguerri et du réformateur averti, un Roi qui a puisé dans notre patrimoine intellectuel tous les éléments à l’origine de notre essor citadin et de la prospérité de notre civilisation . Il a emprunté à la science moderne, tout ce qui habilite la nation marocaine à occuper sa position de choix parmi les nations .Chaque fois qu’il allait à la rencontre d’une communauté, il faisait répandre l’enthousiasme dans les cœurs, changeait sa vision de la vie et dissipait l’obscurité de la soumission et de l’indolence… Aujourd’hui, après une longue attente et un désir ardemment ressenti , est venu le tour de Tanger, cette charmante ville marocaine qui , en dépit de toutes les vicissitudes et des événements qu’elle a connus, a toujours été soucieuse de préserver son cachet marocain et sa position privilégiée. Si sa Majesté, le souverain du Maroc, y effectue aujourd’hui une visite, cela est bien le signe de la considération pour l’attachement que témoignent ses habitants au glorieux Trône Alaouite et un geste d’encouragement à ses hommes fidèles qui se sont attelés avec sérieux, à la promotion de la science et à la réhabilitation des centres du savoir dont les sources ont failli tarir, habilitant ainsi leur ville à prendre sa part du programme de réformes global que Sa Majesté a élaboré pour permettre au peuple marocain de se relever de son faux pas et de favoriser son éveil. Il s’agit d’un programme dont les maîtres-mots sont au nombre de six, à savoir : « Islam et arabité, science et action, unité et entraide ».
Le voyage de Tanger était donc un jalon dans l’histoire de la renaissance politique du Maroc, sa marche militante pour recouvrer son indépendance et sa liberté et consacrer son identité. Cette lutte menée par Sa Majesté notre auguste père, avec sagesse et clairvoyance, suivant une ligne de conduite civilisée, conforme aux traditions du Maroc, et aspirant avec foi à un avenir radieux .
A peine quelques années se sont écoulées que le Maroc a pu réaliser les aspirations de Mohammed V à l’indépendance et à la libération du joug de la tutelle et du protectorat, pour la reprise de la marche de la construction et de l’édification, dans le cadre des valeurs, des principes et des orientations que Sa Majesté notre auguste père avait tracés pour ce pays paisible.
Ce que les générations actuelles et futures doivent retenir de ce voyage historique à Tanger dans le cadre du combat et de la lutte pour le recouvrement de l’indépendance du Maroc, c’est que la mobilisation du peuple marocain autour de son Roi et son attachement au Trône ont été la source de sa force et de sa victoire . Cette symbiose a permis en fin de compte le déclenchement de la Révolution du Roi et du Peuple pour la libération du joug du colonialisme et la réalisation des objectifs escomptés.
La continuité de cette communion entre le peuple et le Roi après l’indépendance du Royaume a permis également de dépasser toutes les crises et de surmonter toutes les difficultés et les entraves qui marquent l’histoire de toute nation. C’est grâce à cette communion que nous avons réalisé des acquis tels le parachèvement de l’intégrité territoriale, la consolidation des institutions démocratiques et que le taux de la croissance démographique rapide a été accompagné par la création des institutions, la démocratisation de la vie politique et la réalisation du développement par la mise en place des infrastructures nécessaires et la planification pour des projets ambitieux.
Nous pouvons dire aujourd’hui, que nous avons réalisé pour ce paisible pays toutes les aspirations de notre auguste père et des générations militantes à une vie démocratique et sereine, à une stabilité permanente, à une renaissance globale dans tous les domaines et à une présence remarquable sur la scène internationale et au sein de la famille arabo-islamique. Nous continuons à consentir des efforts pour garantir des lendemains meilleurs et un avenir prospère et nous sommes en droits de nous enorgueillir des réalisations accomplies par le Maroc et de la planification judicieuse pour entamer le siècle prochain avec un Maroc serein, capable de relever tous les défis et persévérant sur la voie de la renaissance globale.
C’est par cette conduite uniquement que nous resterons fidèles à l’âme de feu Mohammed V et de tous les martyrs qui ont consenti tous les sacrifices pour la liberté et la dignité de ce pays . Notre satisfaction sera d’autant plus grande que nous aurons réalisé les aspirations du guide de la libération et du père de la renaissance du Maroc.
Nous implorons Dieu d’accueillir feu Mohammed V parmi les Prophètes, les Chouhada et les vertueux et de renforcer les liens de communion entre le peuple marocain fidèle et son Trône qui veille constamment sur son unité, sa souveraineté et sa pérennité afin que se perpétuent nos valeurs et les fondements de notre identité pour un Maroc fort, authentique et souverain."
09/04/1997
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