Le ministère de l’Éducation nationale, du Préscolaire et des Sports vient d’annoncer son plan de généralisation de l’enseignement de la langue amazighe dans tous les établissements du primaire d’ici à l’année 2029-2030.
Pour son cinquième anniversaire, l’Institut Royal pour la culture amazigh (IRCAM) a choisi la célébration festive. Comme pour signifier que, malgré les problèmes, les lacunes, les promesses non tenues et les engagements non respectés par les uns et les autres, rien n’empêche de célébrer l’amazighité dans sa dimension artistique et créatrice. Car c’est justement là, dans le champ de l’art, que l’amazighité s’exprime le mieux, en tout cas le plus librement.
Cinq ans donc après le célébrissime discours royal d’Ajdir, texte fondateur pour l’IRCAM, le recteur de l’Institut, Ahmed Boukouss, a convié à un bilan d’étape. L’amazigh revient de loin. Mais la reconnaissance d’une identité suffit-elle à taire l’immensité de ce qui reste encore à faire pour que la présence amazighe ne relève plus du gadget institutionnel ? « Cette reconnaissance a eu un effet considérable sur la conscience collective des Marocains qui commencent à se réconcilier avec l’autre part d’eux-mêmes. Sur le plan culturel et linguistique, la culture et la langue amazighes commencent à avoir droit de cité dans le système éducatif et dans le paysage médiatique marocains alors qu’elles y étaient exclues par une idéologie exclusive. Sur le plan psychologique, les Marocains, notamment de souche amazighe, se réapproprient leur identité individuelle et collective alors que naguère ils subissaient les affres du déni d’existence », expliquait il y a quelques jours Ahmed Boukouss à un quotidien de la place.
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Après cinq ans de reconnaissance de l’amazighité dans l’identité et la culture nationales, le bilan est en demi-teinte, entre acquis et lacunes. La codification de l’alphabet Tifinagh, homologué à l’échelle internationale, est vécue, à raison, comme une victoire sur ce que le recteur de l’IRCAM appelle l’idéologie exclusive, voire dominante. Dans les écoles, l’enseignement de la langue amazighe se fait peu à peu réalité, passé les difficultés et le déphasage des débuts. En 2006, 264 inspecteurs et 2122 enseignants du primaire de la langue amazighe ont été formés. Des manuels pédagogiques et didactiques ont été produits comme le manuel de l’élève et le guide du maître pour les quatre premiers niveaux de l’enseignement primaire.
C’est dans l’audiovisuel que le bât blesse. Si en matière d’enseignement et de production d’ouvrages, le contrat est en train d’être rempli, il n’en est pas de même à la télévision où l’amazighité ne jouit que de la portion congrue. « On a le sentiment qu’il y a volonté de circonscrire l’amazighité dans la dimension culturelle et surtout pas ailleurs », fait observer un activiste de la cause amazighe. Une convention avait pourtant été signée avec la SNRT. Un an après, force est de constater que le cahier des charges des deux télévisions nationales ne respecte pas les engagements en matière de réalisation de programmes culturels quotidiens et hebdomadaires, la diffusion de films et de pièces de théâtre en plus du journal télévisé de 2M qui continue d’ignorer les téléspectateurs amazighophones. Il y a quelques jours, le comité pour la défense de l’amazigh à la télévision faisait une sortie médiatique remarquée pour dénoncer l’exclusion de l’amazigh du petit écran et le non respect des engagements pris par le ministère de la Communication. « Des obstacles sont dressése manière volontaire par des mentalités rétrogrades qui sont le produit d’une certaine formation politique, éducative et idéologique », soutient M. Assid, membre actif et virulent de ce comité.
C’est donc la télévision qui catalyse tous les griefs des Imazighen et le recteur de l’IRCAM s’empresse de lever toute équivoque sur les quotas comme solution. Pour A. Boukouss, il s’agit de faire en sorte que la télévision nationale, service public par vocation, reflète la diversité culturelle et linguistique de la société marocaine. « Cela exige que soit accordée une place honorable à la production en langues nationales, entre 60 et 70% dont 30% reviendraient à la production amazighe », martèle-t-il.
Mardi soir, l’IRCAM conviait à une soirée artistique à l’occasion du cinquième anniversaire du discours d’Ajdir. L’instant est à la fête. Même si un goût d’inachevé persiste. « Nous pourrions faire beaucoup mieux et beaucoup plus si l’IRCAM évoluait dans un environnement politique, juridique et institutionnel favorable », reconnaissait mardi sur les colonnes d’un journal Ahmed Boukouss.
Narjis Rerhaye - Libération
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