Le Nouvel An Amazigh sera désormais un jour férié officiel au Maroc, selon une décision qui vient d’être prise par le roi Mohammed VI.
En ces temps agités où l’amazighité fait figure de cheval de bataille brandi bien tardivement par des partis de la mouvance populaire et alors que des activistes imazighen sonnent le tocsin de la mobilisation pour la libération des détenus de Boumaln Dades, la question amazighe est arrivée jusqu’au Conseil des droits de l’Homme qui tient session à Genève.
On le sait, c’est hier mardi que le Conseil des droits de l’Homme, instance onusienne installée à Genève devait entendre le rapport officiel marocain sur la situation des droits de l’Homme dans le Royaume. Des rapports parallèles élaborés par les associations de défense des droits humains ont été adressés au Conseil pour faire le point sur les avancées et reculs observés en la matière en terre marocaine.
C’est ainsi que le Réseau amazigh pour la citoyenneté a élaboré un rapport parallèle adressé au Conseil des droits de l’Homme pour sa première session de l’Examen périodique universel. En une quinzaine de pages, le Réseau que préside l’avocat et activiste amazigh Ahmed Arrehmouch fait le bilan de la situation des droits linguistiques et culturels amazighs au Maroc.
Le constat tombe sans appel : les textes juridiques fondamentaux consacrent la ségrégation dont les Imazighen estiment être les victimes. Selon le Réseau, des textes comme la Constitution ou encore le Dahir de la marocanisation, l’unification et l’arabisation consacrent « la discrimination et le racisme contre le principe de la diversité et le droit à la différence et à la pluralité que connaît le Maroc. Ces textes constituent une entrave à la participation des Imazighen et à l’intégration de l’amazighité au sein des institutions soit sous forme d’interdiction, soit par la confusion et le flou qui entachent la plupart des lois marocaines ». Les auteurs du rapport parallèle en sont convaincus : la non présence de l’amazigh dans les espaces publics est le résultat logique de textes instituant l’arabisation et gommant l’identité amazighe et qui sont autant de mesures répressives. Au Maroc, en l’an de grâce 2008, des prénoms amazighs continuent d’être interdits et des enfants privés d’identité -le cas d’Illy, victime d’un juge de Larache, est à cet effet emblématique. Des personnes sont empêchées de s’exprimer en amazigh, leur langue maternelle et la seule qu’elles maîtrisent, à l’intérieur des prétoires de tribunaux, au motif que l’arabe est la langue officielle du pays. Enfin, le tifinagh n’est pas prêt d’investir les correspondances officielles. L’alphabet amazigh semble avoir été établi au titre de curiosité linguistico-anthropologique.
« Tant que l’Etat refuse de reconnaître la langue amazighe en l’inscrivant au titre de langue officielle dans la constitution, le peuple amazigh continuera de souffrir de cet acte discriminatoire, prohibé du reste sur le plan international. Résultat : l’égalité consacrée par le texte fondamental n’est qu’un leurre puisque nous assistons à la domination d’une classe linguistique et culturelle, les arabophones, sur une autre, celle des amazighophones », soutient un membre du Réseau amazigh pour la citoyenneté.
Pas d’écoles portant le nom de symboles de l’amazighité
Le rapport parallèle sur les droits linguistiques et culturels amazighs au Maroc pointe l’échec de l’enseignement de la langue amazighe dans les écoles primaires du pays : seules 120 écoles réparties à travers quelques régions sont concernées.
Pire encore, les manuels scolaires comprennent toujours des textes consacrant la marginalisation de la langue, la culture et civilisation amazighes. « Ce que l’on peut vérifier si on se réfère à la circulaire du ministère de l’Education nationale adressée aux directeurs des académies régionales relatives à la liste des noms des établissements scolaires, excluant ceux de grandes personnalités et autres symboles de l’Histoire amazighe », peut-on lire dans le document adressé au Conseil des droits de l’Homme.
L’Institut Royal pour la culture amazighe, IRCAM, que préside A. Boukous, ne trouve pas grâce aux yeux des activistesdu Réseau amazigh pour la citoyenneté. « C’est une instance consultative auprès du Roi qui ne remplit pas les critères universellement reconnus en matière d’institutions chargées de la protection et la promotion des droits linguistiques et culturels amazighs en particulier ». La revendication est clairement affichée : il s’agit de réviser le dahir instituant l’IRCAM ou de créer des établissements gouvernementaux de qualité « ayant pour objectif la contribution à la protection nécessaire des Imazighen et la garantie de l’égalité et l’exercice des libertés fondamentales ».
De la réforme de la Constitution pour consacrer la reconnaissance officielle des droits linguistiques et culturels amazighs en passant par le respect des libertés publiques de ceux et celles de Tamazgha, l’introduction de la langue amazighe dans les administrations et l’appareil judiciaire et l’abrogation des articles du code de procédure pénale interdisant l’usage de la langue amazighe devant les tribunaux ou encore l’annulation de toutes les restrictions faites à la liste autorisée des prénoms amazighs, les revendications du Réseau amazigh pour la citoyenneté participent au respect des droits humains du peuple amazigh. Des Amazighs qui font un rêve, celui de leurs droits reconnus, de leur patrimoine culturel réhabilité et de libertés fondamentales consacrées.
Source : Libération - Narjis Rerhaye
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