2006 marquera-t-elle le retour de Abderrahim Tounsi, alis Abderraouf sur le petit écran ? Disparu depuis des lustres de notre paysage télévisuel, le voilà qui remet les pieds à l’étrier. Pour ce mois sacré, on le retrouvera, tour à tour dans « Ba Larbi », un téléfilm signé Leïla Triki, sur la TVM et dans "Bougouffa", le téléfilm de Abdallah Zerouali sur 2M. En cette année aussi, Abderraouf a renoué avec les planches en réalisant une tournée dans plusieurs villes du Royaume.
Né à Casablanca en 1939, Abderraouf avait intégré le mouvement de résistance en 1953. Il fut même emprisonné pendant une année. Aussitôt libéré, il débute dans le théâtre. Le personnage de Abderraouf naît en 1967. « C’est le costume qui a créé Abderraouf. En m’amusant à essayer plusieurs costumes, j’ai découvert que l’un m’inspirait en particulier un personnage idiot Je mime une voix qui, je pense, va bien avec le personnage. Cela m’a plu », explique-t-il. L’un des anciens camarades de classe de Abderraouf, véritable incarnation de la sottise, serait aussi derrière la naissance de ce personnage hilarant.
Il devient alors le personnage comique par excellence, une sorte de « Charlot national ». dans le langage courant, il est même synonyme de ridicule. Et même si les jeunes ne le connaissent pas du tout, l’expression est toujours d’actualité.
Mais si tout au long des années 60 et 70, le personnage a fait rire toute une génération de Marocains, son étoile s’est un peu ternie. La concurrence féroce de jeunes acteurs ambitieux aidant, l’humoriste a perdu, au fil des ans, de son aura. La première chaîne nationale, celle-là même qui avait contribué à sa consécration, a commencé à ne plus lui offrir d’espace ni de visibilité. C’est ainsi que « El aâti Allah », la dernière pièce enregistrée pour le compte de la TVM en 1986 , n’a jamais été diffusé. Sur 2M, sa dernière apparition date de 2001.
A l’apogée de sa carrière, Abderraouf avait donné des représentations un peu partout au Maroc, et même dans les régions les plus enclavées. Il produisait, alors, au cours de ces belles années plus de 170 spectacles par an.
Celui qui avait décidé d’abandonner son travail à la somaca pour se dédier corps et âme à la comédie n’a pas eu le parcours qu’il mérite. Se démenant toujours avec des difficultés matérielles, vivant avec environ 2000 dh par mois, il arrive à peine à joindre les deux bouts.
Mais dans cet océan de souffrances et d’oubli, des petites lueurs de bonheur apparaissent. Décoré du Wissamde Al Moukafaâ Al Watanaya en mars dernier, le comédien sent qu’il n’est pas tout à fait oublié. Des hommages organisés, dans différentes villes, rendent un peu le sourire au clown au destin morose. L’émission Nostalgia, diffusée dernièrement, rend aussi justice à l’humoriste. Et petite cerise sur le gâteau, il donne un nouveau tournant à sa carrière. Le personnage d’Abderraouf est remisé le temps d’incarner un petit rôle dans le long métrage de Abdellah Zerouali « Vengeance en silence », en cours de finalisation, le personnage principal du téléfilm « La bicyclette de Ba laârbi » de Leïla Triki et enfin une participation au téléfilm « Bougouffa ». La tournée "Imta Yji L’moudir" dans plusieurs villes consacre définitivement le retour sur les planches du comédien. A 70 ans passées, le clown triste n’est pas mort. Il renoue, avec passion, avec ses premières amours.
Khadija Alaoui - Libération
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