Le ministre de la Jeunesse, de la culture et de la communication, Mohamed Mehdi Bensaid, a assuré vendredi de la forte implication de son département dans le plan de reconstruction des sites historiques touchés par le séisme.
Nous sommes en 1920. Bien avant la guerre d’Indochine et la guerre d’Algérie, celle du Rif est bien la première guerre anticoloniale du XXe siècle.
En France, elle donne lieu aux premières manifestations de solidarité avec les peuples sous domination coloniale, organisées par le Parti communiste, et dont l’Humanité en ces années 1925-1926, se fait l’écho.
Le Rif, étroite bande côtière située du nord du Maroc méditerranéen, est, depuis 1912, sous domination espagnole, le reste du pays sous protectorat français.
Abdelkrim El Khattabi, né en 1882, à Ajdir dans la tribu berbère des Beni-Ouariaghi, après des études à l’université d’El Karaouine à Fès, s’installe à Melila où il est successivement cadi (juge musulman), instituteur, interprète (arabe, français et espagnol) et correspondant du Télégraphe du Rif, quand il se lance en politique. Il dénonce l’oppression coloniale et se met à rêver à l’indépendance du Maroc. Abdelkrim parcourt le Rif et sensibilise les populations : " Nous devons, disait-il, sauver notre prestige et éviter l’esclavage à notre pays. " Homme de culture et d’ouverture, celui qui qualifie l’Occident de " civilisation du fer " par opposition au Maroc rural et sous-développé, est tout sauf un fanatique. Il a un projet politique : faire du Rif une république moderne, développer l’économie et l’éducation, et la faire reconnaître par la Société des nations (SDN). Il pense faire accéder le Rif à l’indépendance en bonne entente avec les Espagnols. Mais ces derniers refusent.
La guerre devient inévitable quand les tribus berbères du Rif refusent l’autorité espagnole et demande à l’Espagne de quitter le Maroc. En 1920, les Espagnols envoient une armée de 100 000 hommes commandée par le général Sylvestre. Le 20 juillet 1921, l’armée espagnole subit un véritable désastre : 3 500 soldats tués, plus de 5 000 sont faits prisonniers, toute l’artillerie lourde espagnole et un véritable arsenal (fusils et munitions) tombent entre les mains des Rifains. Sylvestre se suicide. De victoire en victoire, Abdelkrim repousse les Espagnols sur les côtes. En 1922, il proclame la République du Rif. " Le Parti communiste français unanime félicite Abdelkrim pour ses succès ", titre l’Humanité du 11 septembre 1924.
La France, inquiète, prend des mesures, vole au secours de l’Espagne, dépêche une troupe de 400 000 hommes commandée par le maréchal Pétain. Abdelkrim, qui a lancé son armée de 75 000 hommes contre le Maroc français, est stoppé. Le rapport des forces est inégal. Abdelkrim fait face à 32 divisions franco-espagnoles. Pétain mène une guerre totale : les villages rifains sont rasés par l’aviation et l’artillerie, l’armée française ne fait pas de prisonniers. C’est le début de la fin.
En France, malgré la campagne, à contre-courant, menée par le PCF pour arrêter " immédiatement l’effusion de sang au Maroc ", relayée quotidiennement par l’Humanité qui, en outre, publie des lettres de soldats, puis l’appel - le premier du genre à l’époque - lancé par Henri Barbusse et signé par une centaine d’intellectuels dont André Breton, dans son édition du 2 juillet 1925, la guerre se poursuit. Abdelkrim est vaincu en 1926. La République du Rif aura vécu.
Celui dont les méthodes de guérilla ont inspiré Mao Tsé-Toung et Hô Chi Minh, est fait prisonnier et sera déporté à l’île de la Réunion. Mais la guerre du Rif a un tel retentissement que le nom d’Abdelkrim est devenu le symbole de la décolonisation. Quand il s’évade en 1947, il s’installe au Caire où il est l’un des fondateurs du Comité de libération du Maghreb. Abdelkrim exilé - il ne retournera plus au Maroc -, le Rif est secoué par des révoltes en 1958-1959 qui seront écrasées par les toutes nouvelles Forces armées royales (FAR) commandées par le général Oufkir. La répression sera sanglante : 8 000 morts. Sur le tard, avant son décès en 1963, il dira de cette période (1920-1925), avec quelque amertume : " Je suis venu trop tôt. "
Hassane Zerrouky
27 Décembre 2000 - HUMANITE
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