Abdelkader Boushaba, fondateur de la Grande Mosquée de Liège, battra le pavé pour le CDH. "Catholiques, musulmans : nos valeurs sont proches".
Il s’assied devant son Perrier, se relève prestement à l’approche du photographe et insiste pour se faire tirer le portrait devant la gare de Liège Guillemins. "Je suis arrivé dans cette gare un jour de 1964 sans le moindre argent en poche, raconte Abdelkader Boushaba. C’est ici, dans cette gare, que mon histoire belge a commencé".
Le jeune Boushaba débarque alors d’Oujda, grosse ville au Nord du Maroc, pour travailler dans les mines belges. Quarante-deux ans ont passé, Abdelkader Bouchaba est devenu prospère commerçant de viande "hallal" et le voilà, moustache épaisse et lunettes argentées, 9e sur la liste CDH à Liège en vue des élections du 10 juin. Il n’a toujours pas touché à son Perrier.
Neuvième ? On vous entend ricaner : Abdelkader Boushaba ne serait-il que l’énième attrape-voix destiné, cette fois-ci, à capter le vote de la communauté musulmane de Liège ? C’est que le pedigree du candidat Boushaba devrait lui assurer un joli score au lendemain des élections : président-fondateur de la grande Mosquée de Liège depuis 1981, Abdelkader Boushaba est connu comme le loup blanc dans la communauté musulmane liégeoise. Quelque 1 000 fidèles assistent à la prière du vendredi dans cette mosquée : "un succès énorme", s’emballe M. Boushaba.
Après quelques hésitations, à 62 ans, voilà donc qu’il s’est décidé à lâcher les rênes de la Mosquée pour entrer dans l’arène politique : "C’était obligatoire, souffle-t-il. La Mosquée, c’est apolitique. Je ne pouvais pas faire les deux en même temps". Là, il esquisse un mouvement vers le Perrier. Puis se ravise.
Son beau-fils, qui a endossé la vareuse de "directeur de campagne" pour l’occasion, assure avoir reçu pour son beau-père "des propositions concrètes de la part du PS". Mais, chez les Boushaba, on a le sens de la famille : "Deux de mes dix enfants sont déjà sur les listes du CDH, tranche Abdelkader, il était normal que je penche de leur côté". Et puis, l’homme se targue d’une solide amitié avec Melchior Wathelet (le père) et avec Marie-Dominique Simonet : deux des barons humanistes du coin. "La famille, le respect des plus âgés, ce sont des thèmes qui comptent au CDH, place Abdelkader Boushaba. Catholiques et musulmans, nos valeurs ne sont pas aussi éloignées".
Le sexagénaire ajoute vouloir se battre pour l’emploi des jeunes et les pensions des indépendants. Et la régularisation des sans-papiers présents sur le territoire belge. "Il faut arrêter l’immigration, fermer les frontières et s’occuper d’abord correctement de toutes les personnes dans le besoin qui sont chez nous", note ce Belge d’origine marocaine.
"Les Boushaba, c’est l’exemple de la famille marocaine intégrée", plaide le "directeur de campagne". "Mon beau-père, , c’est comme un Liégeois de souche. Mais sans l’accent". Pas de demi-mesure, les Boushaba s’engageront "à fond dans la campagne" : réunion de campagne tous les lundis matins à 8h30, "on colle des affiches, on ira sur la Batte aussi, s’enflamme le beau-fils. On a même fait imprimer des t-shirts. Tous les jours, il me téléphone pour voir si j’applique bien ses consignes".
Depuis peu, Abdelkader Boushaba a du temps libre : il vient de passer le relais à ses enfants qui gèrent à présent les commerces familiaux. Judoka (ceinture noire depuis 1969), l’ex-président de la Mosquée est (aussi) champion de tir. Son beau-fils fait l’article : "20 ans qu’il est membre du club de tir et, récemment, on l’a félicité : on lui a dit "M. Boushaba, avec vous au moins on n’a jamais de problème. Vous ne vous trimballez pas avec votre arme partout". Vous savez, justifie le beau-fils, c’est vrai qu’on croise un peu de tout à Liège". Ils se lèvent et partent d’un pas synchrone. Sur la table, le Perrier est toujours plein.
La Libre Belgique
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