Il y aura bientôt dix ans, représentant mon vénéré père sa Majesté le Roi Hassan II- que Dieu ait son âme - au « sommet de la terre », réuni a rio, j’avais déclare que faire le choix d’une écologie humaniste, c’était faire le choix d’une démarche qui mette l’homme au centre de tout projet, en lui laissant la responsabilité de son destin, en lui rappelant ses droits mais aussi ses obligations et ses devoirs.
M’adressant a vous en cette matinée de novembre a Marrakech, au cœur de l’espace spirituel, historique et culturel du royaume du Maroc, ma référence d’alors a cette éthique collective qui fait de nous des citoyens, solidaires d’une même terre, d’une même humanité, est plus que jamais d’actualité, dans cette conjoncture internationale délicate.
Votre présence ici, traduit votre confiance et votre adhésion aux valeurs fondatrices irréfragables de ce pays arabo-musulman, ancre dans son patrimoine africain, attache, tout au long de son histoire plus que millénaire, aux vertus de la liberté, de la paix, de la dignité, de l’équité, de la tolérance, et de la solidarité, cultivant et protégeant le message d’un Islam de progrès et d’ouverture, œuvrant a l’édification de ce cote-ci de la méditerranée, d’un espace démocratique qui s’affine régulièrement et ou les droits de l’homme sont aussi ceux d’une logique économique qui s’efforce de transformer la richesse créée en revenus plus équitablement partages, en parfaite harmonie avec les impératifs de préservation de l’environnement.
Votre réunion au Maroc constitue aussi un message d’espoir et de raison. Vous êtes ici, nous sommes ensemble, pour dire au reste du monde que la haine et le rejet de l’autre, la confrontation et les perversions du terrorisme et de l’extrémisme, ne peuvent pas et ne doivent pas s’inscrire dans une vision réductrice et caricaturale qui, cédant a l’émotion du moment et au confort de l’ignorance et de l’amalgame, diviserait le monde, en mettant les bons d’un seul cote. Prenant conscience des dangers d’une telle dérive, vous cherchez, à travers la conférence de Marrakech, et au-delà de la diversité de vos états et de vos civilisations respectives, à transmettre le message d’espoir qui est le votre. C’est déjà un premier acquis de cette conférence qui est une étape historique dans l’aboutissement de la convention sur les changements climatiques et qui consacre, après trente ans d’efforts et de débats, le bien-fondé du plan d’action adopte à Stockholm en 1972.
Excellences,
Mesdames et Messieurs,
Vous avez débattu depuis le début de votre conférence, de nombreuses questions toutes aussi importantes les unes que les autres.
Vous avez parle du climat, bien sur, mais aussi de l’économie et du développement, de l’eau et des océans, de l’éducation et de la sante et de bien d’autres choses encore.
Vous avez manie des chiffres, anticipe des évolutions et développe des modèles.
Vous avez relu des pages de notre histoire et interroge l’avenir de la planète.
Dans le contexte de mondialisation et de globalisation qui caractérise aussi bien l’économie et la communication que le climat, ces interrogations n’accordent pas toujours l’attention qu’il faut au dialogue entre les civilisations, a l’interaction entre les cultures et a leur impact déterminant pour l’émergence d’une conscience collective universelle, prenant la mesure des dangers qui guettent le sort de l’humanité.
Aux éminents scientifiques, que vous êtes, aux grands décideurs politiques qui nous ont rejoints, aux journalistes, historiens de notre présent, aux hommes et aux femmes de bonne volonté, responsables d’ONG, a vous tous, Mesdames et Messieurs, qui êtes réunis dans cette auguste assemblée, je voudrais dire quelques mots sur la solidarité, la responsabilité et l’engagement.
Lorsque la volonté de Dieu a voulu que je succède a mon vénéré père, que Dieu l’ait en sa sainte miséricorde, je me suis efforce de donner toute sa consistance au concept de solidarité, car celle-ci est, pour moi, indissociable de l’exercice de la responsabilité.
La solidarité n’est pas seulement compassion mais essentiellement conscience,
Conscience de la globalité des destins, qu’ils soient individuels dans un groupe, régionaux dans un pays ou nationaux dans la terre entière,
Conscience que la solidarité entre les générations procède de la foi en Dieu et en le devenir de l’humanité,
Conscience que les murailles les plus hautes, les boucliers les plus solides et les certitudes les plus fortes ne peuvent faire taire la voix des déshérites, ni le cri des opprimes,
Conscience qu’il ne peut y avoir sur la terre, ici, des havres de paix et de quiétude et ailleurs des foyers de guerre et de famine,
Conscience que personne ne peut vivre en paix, dans la quiétude et la prospérité, alors que le voisin d’en face subit les affres de l’injustice, de l’oppression et de la misère.
Convaincu que de la conscience nait la responsabilité, je vous invite a cette interrogation collective :
Faudra-t-il toujours attendre que des drames effroyables surviennent pour prendre conscience et se sentir responsable de la sauvegarde du patrimoine commun de l’humanité, qu’est la terre, et pour que l’intérêt mercantile cède la place a la voix de l’écologie humaniste ?
Pour sa part, le Maroc ne se résigne pas à cette fatalité et assume dans toute la mesure de ses moyens, la totalité de ses responsabilités d’état.
En abritant cette conférence, le Maroc a voulu réaffirmer son adhésion pleine et entière aux principes de la solidarité internationale en matière de préservation de l’environnement, estimant que la solution aux questions du changement climatique en particulier et de l’environnement en général, engage toute la communauté internationale et fait appel a la solidarité entre les Peuples, les groupes d’intérêt et les régions.
Ainsi, conscient que l’entrée en vigueur du protocole de Kyoto constitue un pas important dans l’aboutissement du long processus de réaction aux changements climatiques, le royaume du Maroc, malgré son faible taux d’émission de gaz a effet de serre, a décidé de procéder a sa ratification, et invite les autres pays, notamment industriels, a faire de même pour que le protocole devienne opérationnel le plus tôt possible, car il y va de l’intérêt général de l’humanité tout entière.
Le Maroc qui fait face a des conditions climatiques difficiles liées a la sécheresse et a la désertification, est également confronte, a l’instar des autres pays en développement, a l’impact négatif sur l’environnement, de l’évolution rapide du contexte socio-économique qui a abouti a l’émergence de nouveaux modes de production et de consommation.
Décidé à relever ces défis, et imprégné de la notion de développement durable, le royaume du Maroc mène une action sur plusieurs fronts dans le cadre d’un plan d’action national, qui réserve à la dimension écologique une place de choix dans le processus de développement. Son action, qui s’inscrit dans un mouvement de solidarité régionale et internationale, est liée aux programmes méditerranéens visant l’entretien et l’exploitation durables du milieu marin et côtier. Parallèlement, le royaume œuvre pour que l’Afrique bénéficie de la priorité dans l’action internationale relative à la préservation de l’environnement.
En effet, pour participer efficacement a l’effort mondial de protection du climat, et mettre en œuvre les engagements de la convention sur les changements climatiques, et du sommet de rio, les pays africains et les pays en développement, d’une manière générale, ont grandement besoin d’un appui international résolu en termes de technologie écologiquement rationnelle, de savoir-faire, et de capacités humaines et institutionnelles.
L’effort nécessite, en outre, des ressources financières nouvelles et additionnelles, ainsi que la réduction du fardeau de leur dette extérieure, ce qui leur permettrait de consacrer des ressources plus conséquentes a des projets de développement durable et de lutte contre la pauvreté - qui demeure le principal facteur de dégradation de l’environnement au sud de la planète - en sus de l’aide publique au développement qu’il convient, par ailleurs, de porter au niveau convenu par la communauté internationale.
Excellences,
Mesdames et Messieurs,
Nous relevons, avec plaisir, que c’est au Maroc, un pays du sud - dont il a, par ailleurs, toujours défendu les justes causes - que le dossier de la protection de l’environnement, ouvert au cœur de l’Europe du nord, en Scandinavie, il y a trois décennies, trouve finalement son aboutissement, confirmant ainsi que s’il est une question, en forme d’inquiétude collective, qui fait de nous des citoyens solidaires d’une même terre, d’une même humanité, au-delà les drames et les dérives du moment, c’est bien celle de protection de notre environnement dont les atouts ou les fragilités, ne connaissent ni le nord ni le sud et ne s’arrêtent a aucune frontière.
C’est par conséquent d’une nouvelle approche de l’écologie que le monde a besoin, une approche fondée sur la concertation et la recherche de solutions de compromis entre toutes les parties prenantes, une approche qui fasse prévaloir la déclaration de rio selon laquelle la souveraineté de l’état s’arrête des lors qu’elle porte « atteinte a l’environnement d’autres états ou aux zones situées au-delà des limites de sa juridiction nationale ». Une approche qui tienne compte des intérêts stratégiques nationaux légitimes de tous les pays, garantissant l’équité et la transparence à même de nous inciter, chacun à son niveau, à faire des concessions pour gérer la planète en tant que patrimoine commun de l’humanité.
En ces temps troubles, en ces temps de doute, d’interrogations, mais aussi de mobilisation et de prise de conscience de la communauté des destins, j’implore le tout-puissant pour que de votre conférence bénie émane un message d’optimisme, de sagesse, de pondération et aussi d’espoir, message dont l’humanité a tant besoin aujourd’hui.
Je vous remercie, Excellences, Mesdames et Messieurs, des efforts généreux que vous avez déployés pour assurer le succès de cette conférence, saluant votre engagement constant en faveur des justes causes de l’environnement. En vous souhaitant plein succès dans vos travaux, je vous adresse mes vœux de bienvenue au Maroc qui a été, de tout temps, un lieu de rencontre et de brassage fécond des civilisations et des cultures, qui s’est toujours attache, dans un esprit de modération, de tolérance et d’ouverture sur l’autre, a faire œuvre utile et constructive, tout en luttant contre l’altération de notre planète. C’est la le dessein pour lequel Dieu le tout-puissant créa l’homme et l’investit de la mission dont il fit dépositaire.
Que la paix, la miséricorde et la bénédiction de Dieu soient sur vous. »
07/11/2001