Une opinion travaillée par l’islamisme et un régime allié aux Occidentaux

17 mai 2003 - 18h01 - Maroc - Ecrit par :

Le Maroc appartient à cette frange de pays arabes où un décalage existe entre l’opinion publique, travaillée par un retour à l’islam, et un régime qui privilégie l’alliance avec l’Occident. Les élections législatives de septembre 2002 ont montré la force des islamistes.

Le Parti de la justice et du développement (PJD), seul reconnu par le régime, a triplé le nombre de ses députés. Il est devenu la première formation de l’opposition.

Encore ces résultats officiels doivent-ils être pris avec précaution. Dès la clôture du scrutin, des rumeurs avaient circulé, faisant état de tractations entre le PJD et le pouvoir pour éviter un raz-de-marée des islamistes. Nombre d’analystes sont convaincus que le PJD représente aujourd’hui le premier parti politique au Maroc, loin devant les socialistes de l’USFP et les nationalistes de l’Istiqlal.

Cette poussée islamiste inattendue explique probablement la décision récente des autorités de reporter de juin à septembre les élections locales. Officiellement, il s’agit de mettre à profit le délai supplémentaire pour créer un "climat de participation populaire massive". L’explication est plutôt la crainte de voir tomber aux mains des islamistes des villes comme Casablanca, la capitale économique du pays, Rabat, Fès, Tanger - scénario noir qui fut celui de l’Algérie du début des années 1990. Heureuse coïncidence pour le Palais royal, des luttes de courants agitent aujourd’hui le PJD et menacent son unité.

La crainte d’une poussée islamiste est d’autant plus fondée que le PJD n’est pas l’unique force verte du royaume. Sous la houlette d’un ancien enseignant de français, le cheikh Yassine, une association islamiste existe (Justice et Bienfaisance) qui, depuis des décennies, laboure le terrain associatif. Aux yeux d’une partie des intellectuels marocains, Justice et Bienfaisance pèse davantage que le PJD. Entre les deux formations, les différences sont moins idéologiques que tactiques. Le PJD apparaît sur certains thèmes de société comme plus rigide que Justice et Bienfaisance. Mais tous défendent un modèle de société obéissant à la loi de l’islam. Des groupuscules imprégnés d’islam existent aussi mais leur travail est clandestin et on ignore leur poids réel. Ce sont eux que le régime combat avec le plus d’ardeur aujourd’hui.

Depuis plus d’une décennie, le Maroc a été épargné par les attentats terroristes. C’est le résultat du travail des services de renseignement. Il y un an, la DST marocaine avait démantelé une "cellule dormante" d’Al-Qaida, dirigée par trois Saoudiens, soupçonnée de préparer des attentats contre des navires de l’OTAN croisant dans le détroit de Gibraltar.

Des doutes sérieux avaient été émis à l’époque sur la véracité du projet. L’affaire est restée obscure et le procès qui a suivi n’a pas levé les doutes. Le projet d’attentat a néanmoins permis aux autorités de durcir considérablement la loi antiterroriste, au grand dam des organisations de défense des droits de l’Homme.

Face au "terrorisme international", le régime marocain n’a pas marchandé son appui aux Occidentaux, en particulier aux Etats-Unis. Récemment, un quotidien américain a révélé que Washington sous-traitait aux Marocains (ainsi qu’à d’autres Etats arabes amis) l’interrogatoire de terroristes tombés entre les mains des Américains. On n’est guère regardant sur les méthodes employées, dans le royaume, pour faire parler les suspects, expliquait l’article. L’information n’a jamais été démentie.

Parmi les prisonniers de Guantanamo figurent plusieurs Marocains. Et parmi les complices présumés des terroristes du 11 septembre 2001, on trouve le nom d’un Marocain, Abdelghani Mzoudi, incarcéré en Allemagne. Le parquet de Berlin vient de décider de le renvoyer devant les tribunaux pour "complicité de meurtres".

Jean-Pierre Tuquoi pour Lemonde.fr

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Religion - Partis politiques - Elections - Parti de la Justice et du Développement (PJD)

Ces articles devraient vous intéresser :

Le ramadan commence le lundi 11 mars 2024 en France

C’est officiel : le mois de Ramadan débutera lundi 11 mars 2024 en France, a annoncé le Conseil Français du Culte Musulman (CFCM). Cette date a été déterminée après observation scientifique et calcul astronomique.

Zakat Al Fitr : voici le montant à payer en France

Le Conseil Français du culte Musulman (CFCM) vient d’annoncer la date du début du ramadan en France, qui commence le 10 mars 2024. Il vient également de donner le montant de la Zakat Al Fitr que devront payer les musulmans en France.

Maroc : Voici la date de l’Aïd al-Adha 2024

Alors que l’Aïd El Fitr marquant la fin du mois de ramadan, a été fêté il y a un peu moins d’un mois, les Marocains sont fixés sur la date de l’Aïd al-Adha.

Ramadan et sport : oui, mais sous conditions

Le sport et le jeûne du Ramadan ne sont pas incompatibles. Bien au contraire, une activité physique modérée durant cette période peut s’avérer bénéfique pour la santé. Mais pour profiter pleinement de ses bienfaits et éviter les risques, il est...

La Youtubeuse marocaine "Mi Naima" au cœur d’un nouveau scandale

“Mi Naïma” fait à nouveau parler d’elle. La Youtubeuse marocaine, connue pour ses controverses, a récemment publié une vidéo dans laquelle on la voit lire certains versets du Coran de manière désinvolte. La vidéo a suscité la colère des internautes.

Nora Fatehi convertie au Christianisme ?

L’artiste marocaine Nora Fatehi a déclenché une vague de réactions sur Instagram après avoir publié un extrait vidéo la montrant portant un collier avec une croix.

Maroc : les démolitions sur les plages sont elles légales ?

Abdelouafi Laftit, ministre de l’Intérieur a été interpellé par Abdellah Bouanou, président du groupe parlementaire du Parti de la Justice et du Développement (PJD), sur le respect de la loi dans le processus de démolition de plusieurs résidences...

Le Maroc inaugure la première synagogue universitaire du monde arabe

L’Université polytechnique Mohammed VI (UM6P) a inauguré une synagogue universitaire, une première au Maroc et dans le monde arabe. Le lieu de culte, situé à côté de sa nouvelle mosquée, reflète la coexistence des religions au Maroc.

Maroc : les salaires des imams vont augmenter

Les imams au Maroc verront leur allocation augmenter de façon progressive pendant les quatre prochaines années. Le roi Mohammed VI en a donné l’instruction, selon le ministère des Habous et des Affaires islamiques

Ramadan 2023 : le Maroc envoie des imams en Europe

Afin d’assurer l’accompagnement et l’encadrement religieux des Marocains résidant à l’étranger (MRE), la Fondation Hassan II a annoncé l’envoi en Europe de 144 universitaires, prédicateurs et récitateurs du Coran durant tout le mois de Ramadan 2023.