Quand Scotia, banque canadienne, harcèle les Marocains

12 mars 2004 - 11h34 - Monde - Ecrit par :

Des sergents recruteurs très particuliers hantent les couloirs de grands palaces casablancais. Leur mission, convaincre des Marocains et des Marocaines, jeunes et moins jeunes « d’assurer leur avenir et celui de leurs enfants » en finançant, à travers des opérations de fuite de devises et de capitaux, l’achat du statut de résident permanent et de citoyen au Canada.

Ces missions, qui se font dans une certaine discrétion, sont absolument illégales et scandaleuses, parce qu’elles incitent certains de nos concitoyens soit à réaliser leurs actifs pour émigrer au Canada, moyennant un « investissement » de 500 000 dollars US, soit, ce qui rend les choses plus faciles, à contracter auprès de banques canadiennes des « emprunts » rétribués à 6 % d’intérêt et bloqués durant cinq années pour un versement initial de 70 000 dollars.

Il y a quelques semaines de cela, un scandale nous venait du Canada, du Québec plus exactement, complaisamment repris par plusieurs titres de la place qui furent tout heureux "d’allumer" quelques personnalités locales. La presse de Montréal, mue par le seul souci de dénoncer des abus, épingla un ministre québécois coupable d’avoir accepté des largesses d’une grande entreprise publique nationale dont certains des salariés bénéficiaient indûment d’avantages sociaux au Canada et notamment de la gratuité de soins médicaux. Le ministre québécois démissionna certes, mais la baudruche se dégonfla quelque peu, l’enquête diligentée par les services canadiens compétents n’ayant pu prouver les accusations de journalistes quelque peu "isolationnistes" sans doute !
À l’opposé, il n’est un secret pour personne que ce grand et beau pays d’Amérique du Nord souffre d’un très large déficit démographique. Au Québec même et dans d’autres régions du Canada, divers programmes sont mis en œuvre pour inciter à une immigration pour préserver la majorité francophone de la " Belle Province ", ou, dans les parties anglophones, à réduire le gap démographique qui risque à terme de transformer ce pays au climat difficile en " blanc désert ".
Le Maroc, à plusieurs titres, est concerné par cette question dans la mesure où il y existe une population majoritairement francophone, jeune et active, passablement disposée à émigrer, comme le prouvent le dynamisme et le nombre de nos compatriotes installés à l’étranger, qu’il s’agisse de l’Europe occidentale, des pays du Golfe, de l’Amérique du Nord. Du fait d’un réel problème au niveau des opportunités de carrière, du chômage qui frappe les jeunes (diplômés ou non), mais aussi du sentiment de plus en plus répandu que l’ascenseur social est en panne depuis de nombreuses années, l’émigration, et singulièrement le départ pour le Canada, sont à la mode chez nous dans maints milieux.
Voilà pourquoi les demandes de visa d’immigrant sont déposées en grand nombre au siège de l’Ambassade du Canada à Rabat au point où il a été décidé tout récemment à Ottawa que désormais l’étude des candidatures marocaines ne se ferait plus à partir de l’ambassade parisienne, mais dans la capitale chérifienne même.
Mais, comme chacun sait, outre la complexité et la sévérité des procédures d’octroi d’un tel visa, le délai exigé par les services administratifs canadiens sont particulièrement longs et il faut compter, en moyenne, dix-huit mois d’attente avant d’obtenir le droit ou le refus d’émigrer au pays de Maria Chapdelaine. De même, il apparaît clairement que les élus ne sont guère nombreux dans la mesure où le Canada recherche des individus jeunes, en bonne santé, d’un niveau d’instruction élevé, immédiatement " utilisables " à leur arrivée en " terre promise ".
Pour les autres, les démunis, les moins instruits, les " vieux " (à partir de 45-50 ans), point d’espoir à moins de posséder les moyens financiers de s’acheter " la résidence et la citoyenneté permanentes au Canada ". Pour cela, il existe depuis 1986 un " Programme d’immigration des Investisseurs au Canada ", sorte de sésame officiel qui accorde donc le droit de séjour à condition de disposer d’actifs égaux à 500 000 dollars Us ou de bénéficier des " options de financement attrayantes pour les exigences d’investissement minimum du programme ". C’est ce qu’explique judicieusement une brochure incitative largement distribuée au Maroc par les "sergents recruteurs " d’une grande banque canadienne, la Banque Scotia, à travers sa filiale spécialisée dans cette "chasse aux capitaux " ScotiaMcLeod. (voir documents ci-contre). Des sergents recruteurs très particuliers donc hantent les couloirs de grands palaces casablancais. Leur mission, convaincre des Marocains et des Marocaines, jeunes et moins jeunes, "d’assurer leur avenir et celui de leurs enfants" en finançant, à travers des opérations de fuite de devises et de capitaux, l’achat du statut de résident permanent et de citoyen au Canada. Ces missions, qui se font dans une certaine discrétion, sont absolument illégales et scandaleuses, parce qu’elles incitent certains de nos concitoyens soit à réaliser leurs actifs pour émigrer au Canada, moyennant un "investissement" de 500 000 dollars US, soit, ce qui rend les choses plus faciles, à contracter auprès de banques canadiennes des "emprunts" rétribués à
6 % d’intérêt et bloqués durant cinq années pour un versement initial de 70 000 dollars. En invitant à des rencontres dans une suite d’hôtels des "candidats" soigneusement sélectionnés à partir de fichiers très précis (et dont on ignore l’origine), mais qui selon les représentants de ScotiaMCLeod, seraient des " contacts bancaires locaux", ces missionnaires très spéciaux développent toute une argumentation pour inciter à l’émigration au Canada.
Jouant sur les menaces qui pèseraient sur l’avenir du Maroc, sur la promesse d’un " futur radieux " pour la progéniture des éventuels candidats, ils proposent, tout simplement, un versement minimal de 70 000 dollars US sur un compte bloqué à la banque susnommée, laquelle somme, rétribuée à
6 % l’an, permettra à terme (cinq ans) de se considérer comme " immigrant investisseur au Canada " et de bénéficier, après l’approbation du dossier de candidature par les autorités publiques de ce pays, d’un droit de résidence permanent au pays de Robert Charlebois et de Céline Dion ! On précisera, au passage, que la procédure implique des " frais de dossiers administratifs (officiels donc) évalués à 15 000 dollars US, se répartissant en " frais gouvernementaux " d’environ 5000 $ US et en " frais légaux " d’environ 10 000$ US.
Ces aimables personnes qui, pour la filiale en question, sont assistées d’un ressortissant d’origine " arabe ", M. Khalid Jamal, n’incitent pas moins à la fuite des capitaux et à la fuite des cerveaux, au plus grand mépris de la législation marocaine sur les changes ! Leurs rendez-vous, comme le prouvent les documents que nous reproduisons, sont fixés dans une suite de l’hôtel Sheraton à Casablanca et les déplacements locaux de M. Cossette, agent recruteur en chef, ont lieu en moyenne deux fois par mois au Maroc.
Après donc l’installation permanente " d’avocats " canadiens spécialisés dans la présentation de dossier d’émigration en plusieurs villes du pays, leurs publicités (illégales) qui sont complaisamment reproduites dans les colonnes de certains journaux nationaux, voilà que des banquiers canadiens viennent directement " solliciter " nos concitoyens en les invitant à sortir illégalement des capitaux de leur pays.
Et s’il se trouve des candidats locaux disposés à cet " investissement d’avenir", il serait sans doute bienvenu que les autorités nationales réagissent en rappelant à ces démarcheurs de la pire espèce que le Maroc dispose d’une législation appropriée pour empêcher la sortie illégale de capitaux.
Nombre de banques de Toronto, de Vancouver ou de Montréal ont réalisé, depuis 1986, de juteux profits en disposant des fonds d’origines diverses. Des milliers de riches Chinois d’Hong Kong, effrayés par la perspective de la rétrocession de l’ancienne colonie britannique à la Chine Populaire en l’an 2000, furent " éligibles " à ce programme d’immigrant investisseur, au point où le Canada fut le seul pays d’Occident à connaître les méfaits du SRAS l’an dernier.
Le Maroc n’est pas Hong Kong et c’est sans ambages qu’il faudrait inviter les MM. Hugo Cossette, Valentin Savoy et autres Khalid Jamal à aller se faire voir ailleurs !

Fahd YATA pour la Nouvelle Tribune

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