La pénurie de médecins persiste au Maroc. Par ailleurs, la réduction de la durée de formation en médecine suscite actuellement une vive protestation de la part des étudiants.
Les établissements français au Maroc ont formé de grands noms de la sphère politico-culturelle marocaine et française. Autant de célébrités nourries de valeurs communes sur les mêmes bancs d’école.
Qu’ont en commun Dominique de Villepin, Elizabeth Guigou, Gad El Maleh, Bertrand Delanoë, Fouad Laroui, Dominique Strauss-Kahn, Driss Benhima, Yasmina Baddou, Younès Mâamar, Adil Douiri, Sapho, Taïeb Fassi-Fihri, Tarik Kabbaj, Karim Zaz ou encore Philippe Séguin ? Qu’est-ce qui réunit ces personnalités renommées du monde de l’art, de l’économie et de la politique des deux rives de la Méditerranée ?
Tous ont tout simplement usé leurs fonds de culotte sur les bancs de ce que l’on appelle communément la “mission française” ou, non sans une pointe d’exotisme, “lycées français du soleil”, du nom de l’ouvrage éponyme à succès d’Effy Tselikas et Lina Hayoun (2004, Editions Autrement).
Des enfants de hauts fonctionnaires de l’administration marocaine ou de l’armée française côtoyant des fils de médecins musulmans, d’hommes d’affaires israélites ou de cadres commerciaux ivoiriens de confession chrétienne... Descartes à Rabat, Lyautey à Casablanca, Paul Valéry à Meknès ou encore Victor Hugo à Marrakech, au-delà de tout cliché, les établissements français au Maroc étaient et demeurent probablement, depuis plusieurs décennies, la vive illustration des valeurs laïques républicaines. Le terreau singulier d’une mixité sociale, culturelle et religieuse que l’on retrouve rarement ailleurs, au Maroc comme en dehors des frontières du Royaume.
Aujourd’hui, les anciens élèves de la mission, célèbres ou anonymes, gardent tous, par générations entières, des souvenirs nostalgiques d’une scolarité atypique, à la fois joyeuse et studieuse, bichonnée et sévère. De fous rires en crises de larmes communes, de jeux à deux en travaux de groupe solidaires, de farces aux profs en boums du samedi et jusqu’aux examens de fin d’année… dans les salles de classe chauffées, dans les cours ensoleillées, sous les préaux en temps de pluie, derrière les pupitres des salles de colle, faisant fi de la différence de l’autre, se sont nouées et continuent à éclore bien des amitiés, des fraternités, des amourettes de bacs à sable, de collège ou de lycée.
Mais, derrière ces insouciantes apparences d’ambiance bon enfant, les établissements en question n’omettent pas leur dessein premier. En l’occurrence, prodiguer un enseignement de qualité et parfaitement cohérent avec les programmes pédagogiques en vigueur en France. Notamment aux enfants d’expatriés français (près de 25.000 ressortissants français résident au Maroc) désirant poursuivre un cursus classique suivant le modèle du service public hexagonal. Et à tous les petits et jeunes Marocains, de plus en plus nombreux et majoritaires, à rejoindre à distance les rangs de ce dernier.
« Contrairement à mes deux cadettes, scolarisées à la mission française de Rabat, j’avais inscrit mon fils aîné dans une école d’Etat marocaine. C’est vrai que les élèves des écoles publiques marocaines sont souvent plus doués en maths et en sciences, mais en dehors de cela, il n’y a aucune comparaison à faire entre les deux systèmes d’enseignement. Que ce soit en terme de rigueur, de suivi, d’ouverture ou de culture générale. Mes filles font preuve de plus d’esprit d’initiative, elles sont plus curieuses, moins timides, plus sûres d’elles que leur frère aîné. Elles éprouvent également moins de mal à aller vers les autres et s’expriment avec nettement plus d’aisance. Je pense que ces atouts personnels sont indispensables pour se faire une place au soleil de nos jours », témoigne Mohammed, 50 ans, père de famille.
Aujourd’hui, avec un taux de réussite au baccalauréat dépassant les 90%, contre un peu plus de 70% pour la moyenne nationale française, on ne peut pas dire que les lycées français d’ici, dont l’objectif initial était de former, dans les pays colonisés ou sous protectoratde l’époque, comme le Maroc, une intellegensia locale favorable à la France, ont failli à leur mission. Les établissements français au Maroc se sont même taillé, au fil des rentrées scolaires si l’on peut dire, une solide réputation de pépinières d’élite dans un pays au système éducatif public arabisé et pour le moins défaillant. Dans un pays aussi où l’hégémonie de la langue française, et tout ce que cet acquis linguistique suppose, n’est plus à démontrer. Dire que l’on a été « à la mission », dans un entretien d’embauche comme dans une soirée mondaine, confère toujours un certain prestige, celui d’avoir fait partie d’une certaine classe privilégiée qui ne dit pas son nom pour autant.
Preuve de ce succès, en dépit de la hausse des frais de scolarité et des restrictions budgétaires instaurées par la France à ces établissements, la demande des familles marocaines est telle que, depuis le début des années 90, un test d’entrée pour les candidats marocains désirant intégrer la mission française a été instauré, et ce, dès la maternelle.
Aujourd’hui, avec un effectif de 23.600 élèves (dans tous les niveaux d’enseignement), dont plus de 60% de nationalité marocaine, le réseau des établissements scolaires d’enseignement français au Maroc est considéré comme l’un des plus denses au monde. La plupart de ces établissements dépendent de l’Agence pour l’Enseignement français à l’étranger (Aefe), elle-même placée sous la tutelle du ministère des Affaires étrangères français.
Les lauréats maroco-musulmans de la mission française, que certains islamistes estiment étrangers dans leur propre pays et dépravés car pétris de valeurs judéo-chrétiennes, qualifient leurs détracteurs de simples envieux ou d’aigris. Ils se disent pour leur part fiers de pouvoir jongler avec une double culture, et pas moins marocains qu’un élève d’une école publique marocaine.
Internet aidant, des anciens élèves de lycées français au Maroc tentent de renouer des liens en fondant des associations ou en organisant des rencontres et des voyages communs.
Une manière pour eux de raviver leurs mémoires d’ado mais aussi, implicitement, de montrer leur reconnaissance à ces écoles humanistes qui ont bercé leur enfance et formé leur jeunesse. Et c’est probablement cette identité plurielle qui a contribué à distinguer du lot les noms illustres cités plus haut.
Peut-être bien que, après tout, les établissements français au Maroc sont l’un des derniers creusets d’une formidable cohabitation des cultures et des êtres, à l’heure où le monde entier vacille sur les ondes d’un prétendu choc des civilisations. Mission française, mission accomplie ?
Maroc-Hebdo - Mouna Izddine
Ces articles devraient vous intéresser :