Cependant, l’année 2001 marquera une rupture. Les transferts gagneront plus de 25% et le rythme restera soutenu l’année suivante avec une croissance de 15%. A la surprise générale, la tendance est maintenue en 2003. A fin mai, le pays a drainé 12,5 milliards de DH au titre des transferts MRE, soit une croissance de 5,7% en année glissante. Au terme du premier trimestre, la hausse était encore de 16%. Après l’essoufflement des années 90, ces flux ont de fortes chances de rester sur cette lancée et pour quelques années encore.
Selon l’analyse de Laïdi El Wardi, directeur de la division Marketing à la BCP, hormis le renchérissement de l’euro, aucun fait économique n’explique le maintien de ce trend.
A l’exception de cet emballement, la structure des transferts est restée relativement similaire. Ainsi, 70% des transferts sont réalisés via les réseaux bancaires et postaux et 30% proviennent du change manuel. Néanmoins, ce dernier progresse plus rapidement, gagnant plus de 10,4% à fin mai en année glissante contre 4,8% seulement pour les virements bancaires et 2,9% pour les mandats postaux.
Ce phénomène est dû à 2 facteurs : l’immigration clandestine et l’absence d’informations détaillées sur l’origine des opérations de change. « L’évolution de ces deux facteurs laisse penser que la part du change aura tendance à diminuer par rapport aux virements, du fait d’une part, des efforts importants consentis par les banques marocaines en matière de renforcement de leurs implantations commerciales dans les pays d’accueil et d’autre part, de l’extension des canaux de transferts dont le cash to cash notamment », explique Laïdi El Wardi. Depuis le lancement de l’opération MRE, la Banque Centrale Populaire, qui détient plus de 35% des transferts (non compris les allocations familiales et les transferts sociaux) et plus de 60% des dépôts MRE, affirme développer des canaux de plus en plus performants à la fois en termes de délais et de coûts. « Nous cherchons en permanence à les adapter aux évolutions des réglementations des pays d’accueil qui ne cessent de se durcir d’année en année », souligne le directeur Marketing.
Les canaux cash to cash comblent le déficit en matière d’implantations des banques et grignotent des parts de marché sur le change manuel. La riposte des banques ne se fera pas attendre. Elles marqueront leur retour sur ce créneau en contractant des partenariats avec les leaders du paiement cash to cash. C’est le cas de la BCP et récemment du Crédit du Maroc avec Moneygram et de Wafabank avec Western Union. Pour tenir tête, elles misent sur la commercialisation du transfert en compte qui est effectué dans un délai de 4 jours, moyennant une commission forfaitaire relativement modeste de 6 à 10 euros. L’objectif ainsi visé est de transformer des ressources liquides en ressources stables canalisées par le système bancaire. « Les banques marocaines facturent un forfait très modeste, contrairement à leurs consoeurs européennes afin de capter ces flux, de les canaliser dans le circuit bancaire et de les transformer en dépôts stables », précise Laïdi El Wardi.
D’après une étude de la BCP, il existe une corrélation entre les transferts et les dépôts MRE. Le taux de transformation global se situerait entre 20 et 25%. Reste à déterminer les moyens de stabiliser ces flux à long terme.
Tout d’abord, il faut maintenir un lien fort avec la communauté par différents moyens. « L’expérience portugaise est à ce titre enrichissante pour le Maroc ». La diaspora en France a atteint un niveau d’intégration avancé. Pour autant, elle entretient un lien fort avec le pays d’origine et notamment les banques portugaises. Celles-ci ont réussi à consolider le lien, les flux de transferts et les investissements. « C’est le résultat d’un travail sur le terrain qui requiert des efforts financiers conséquents ».
Ensuite, il s’agit d’intéresser cette clientèle cible. L’un des moyens étant de faire fructifier son épargne par des produits attractifs et des rendements concurrentiels pour tenir tête aux produits bancaires des pays d’accueil. « Nous sommes en présence d’une population avertie. En témoigne l’importance des transferts à chaque dévaluation du dirham et des souscriptions à chaque opération de privatisation », précise le directeur Marketing de la BCP.
Toutefois, la marge de manoeuvre des banques demeure étroite car la corrélation entre les taux d’intérêt servis sur les produits d’épargne et les taux d’intérêt débiteurs perçus sur les crédits d’investissement atteint rapidement ses limites. En effet, les banques ne pourront pas servir indéfiniment des intérêts importants sur des ressources qui ne trouvent pas d’emplois en termes d’investissements viables.
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