Comment on devient kamikaze au Maroc

23 mars 2007 - 00h00 - Maroc - Ecrit par : L.A

Partant du fait que l’on ne naît pas « kamikaze », mais qu’on le devient, nous avons interrogé le Chercheur et auteur en Sciences Sociales, le Dr Guessous Chakib, pour tenter de mieux comprendre ce phénomène sociétal qui représente un danger pour les populations

Ce qui vient de se produire à Sidi Moumen nous concerne tous ?

Nous avons tous un rôle à jouer. En tant que citoyens Marocains et citoyens du monde, nous devons être interpellés au plus haut point car ce qui vient de se passer représente un danger pour l’ensemble des populations et fragilise la cohésion nationale et internationale. Si l’acte est indéniablement condamnable, et j’ai une entière confiance en nos services de police et de sécurité nationale pour faire toute la lumière sur cette affaire, il n’en reste pas moins qu’une lecture s’impose à nous.

Manifestement, les raisons qui ont conduit ces jeunes à passer à l’acte proviennent d’un désespoir profond. Ce n’est pas le paradis, seul, qui suffit, à convaincre une personne de s’exploser. Pour franchir l’infranchissable, il ne faut rien avoir à perdre, et les individus en question n’avaient plus rien à perdre.

Est-ce dû à l’échec de notre société, de nos politiques publiques,… ?

Malgré les efforts louables consentis par l’Etat depuis l’Indépendance du pays, force est de constater que le résultat n’est pas à la hauteur des attentes et des besoins de la population. L’absence de généralisation de l’enseignement, une pression de l’exode rural toujours aussi forte sur les villes et en particulier à Casablanca, un milieu rural dépourvu de structures sociales et d’infrastructures,… Autant de facteurs développeurs qui ne permettent pas à nos environnements de vivre en harmonie et de répondre favorablement aux besoins des populations. En outre, l’exode rural, c’est avant tout un déchirement social qui entraîne des hommes à rejoindre des espaces collectifs dans lesquels ils attendent tout.

Cependant, ce n’est pas une excuse pour se transformer en monstre, prêt à assassiner autrui ?

Bien entendu. Néanmoins, nous devons faire l’effort de comprendre ces comportements. Je prendrai l’exemple du jeune à qui nous avons cassé l’esprit d’initiative, de critique, de créativité, qui s’exprime en arabe dialectal dans son foyer, en arabe classique à l’école et qui doit savoir s’exprimer convenablement en français pour communiquer avec son environnement et avoir une chance pour décrocher un emploi. C’est un véritable parcours du combattant ! Quant on est intellectuellement structuré, il est possible de faire face à toutes formes de difficultés. A contrario de celui qui ne jouit pas d’une structure identitaire et intellectuelle.

On dénonce un endoctrinement néfaste et nuisible auprès de ces populations fragilisées. Doit-on proposer une doctrine alternative ?

L’accès démocratique des NTIC, comme les micro-ordinateurs, qui permet à tout a chacun de se connecter à des sites prônant la haine et la violence, ne facilite pas les choses. Dans le même registre, je citerai certaines chaînes de télévision qui ont plus de succès que nos chaînes nationales. Cette réalité ne peut être combattue car nous sommes dans un monde ouvert où toute personne peut dialoguer, échanger, s’informer, à sa guise.
Par contre, nous pouvons stopper un prêche qui fait l’apologie de la violence, déclarer la guerre aux CD piratés malgré leur apport économique,…

“Personne ne meurt de faim au Maroc” !

Interrogé sur le niveau de vie des populations les plus défavorisées,
M. Chakib Guessous déclare “qu’au Maroc, personne ne meurt de faim. Néanmoins, beaucoup de personnes ne mangent pas à leur faim et vivent dans des conditions difficiles, voire inhumaines pour certains”. Il ajoute que l’environnement des individus impliqués dans l’attentat du cyber café ne doit pas être qualifié de précaire car la précarité, c’est l’instabilité. Alors que dans leur cas, ils sont installés dans la misère, “parfois ils y sont nés”. De plus, le Dr Guessous évoque le déséquilibre socioéconomique qui se traduit par “une injustice sociale qui est très difficile à vivre pour les démunis”.

La Nouvelle Tribune - Rachid Hallaouy

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