Islam : La conquête du pouvoir

19 avril 2003 - 15h22 - France - Ecrit par :

La victoire revient à la FNMF, liée au Maroc, mais c’est l’UOIF, proche des Frères musulmans, qui devient le pivot de l’islam en France.

C’est une organisation qui dérange. Mais dorénavant il va falloir faire avec... Les élections au premier Conseil français du culte musulman (CFCM) n’ont pas seulement été marquées par une forte participation (plus de 87 % !), la victoire de la Fédération nationale des musulmans de France (FNMF), d’obédience marocaine, et la défaite de la Mosquée de Paris, elles ont aussi confirmé l’ancrage - et l’habileté politique - de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF). En septembre 1994, le préfet de Seine-Saint-Denis, Jean-Pierre Duport, s’alarmait du « prosélytisme islamique », dans les banlieues, de cette organisation. Près de dix ans plus tard, avec 14 membres (sur 41) au conseil d’administration du CFCM et un siège de vice-président, elle est le pivot de l’islam de France. Signe des temps, Nicolas Sarkozy est annoncé à son meeting du Bourget, le 19 avril.

Sise à La Courneuve, soutenue financièrement par l’Arabie saoudite et les pays du Golfe - via la Ligue islamique mondiale - l’UOIF est la branche française de l’Union des organisations islamiques d’Europe. « Elle s’inscrit dans le courant des Frères musulmans, et avant eux dans celui de la Salafiyya, explique Samir Amghar, sociologue à l’EHESS, auteur d’une thèse sur l’UOIF. Il s’agissait, à la fin du XIXe siècle, de moderniser l’islam en renouant avec les textes initiaux, pour promouvoir un modèle alternatif à celui prôné par l’Occident. » L’UOIF défend un islam fondamentaliste. « Non, corrige Lhaj Thami Breze, son président, nous sommes fondementalistes : nous nous référons aux fondements de l’islam, mais sans faire des textes une lecture littéraliste. »

En pratique ? « Ce sont des musulmans orthodoxes, explique Franck Fregosi, spécialiste de l’islam au CNRS, très rigoristes sur le respect des prescriptions : il faut manger de la viande hallal, la femme doit avoir une tenue conforme à "l’éthique islamique du comportement". Un musulman n’est pas seulement quelqu’un qui prie, il doit être engagé dans la société. »

De la question du voile, dont elle s’est emparée en 1989, l’UOIF a fait un enjeu de société. Elle engage systématiquement des recours contre les tribunaux quand des jeunes filles voilées sont exclues des établissements scolaires. « Cette question a offert à l’UOIF une visibilité sociale et médiatique, explique Samir Amghar. Elle lui a permis d’occuper un créneau laissé vacant par les associations laïques, en apparaissant comme défenseur de l’ensemble des musulmans, qui ne sont, pourtant, que 10 % à pratiquer. »

Car les responsables de l’UOIF voient au-delà du champ religieux. « Pour eux, note Samir Amghar, l’islam est un système complet, qui régit les rapports entre le croyant et Dieu, mais aussi entre les hommes, de manière politique, culturelle, sociale et civilisationnelle. Ils ont une vision intégraliste de l’islam. »

Méthodiquement, l’UOIF pousse ses pions. En 1988, elle lance son rassemblement du Bourget.

En 1992, elle crée dans la Nièvre, avec l’argent du Koweït et de l’Arabie saoudite, un Institut européen des sciences humaines incluant un centre de formation d’imams. « A l’époque, des dirigeants de l’UOIF sillonnaient la France pour ramener dans leurs filets des associations ou des personnalités », se souvient Abdelaziz Chaambi, porte-parole de l’Union des jeunes musulmans (UJM). Des sommes importantes - jusqu’à 700 000 francs sur deux ans, selon nos sources - étaient allouées à ce recrutement.

Un marchepied

Aujourd’hui, l’UOIF gère une trentaine de mosquées et quadrille le terrain à travers quelque 200 associations. Elle est derrière la Ligue française de la femme musulmane, des organismes humanitaires - le Secours islamique ou Avicenne - ou encore les Etudiants musulmans de France, seul syndicat confessionnel à se présenter à des élections à l’université (8 % des voix aux élections du CROUS en mars 2002, contre à peine 1,5 % deux ans auparavant).

Dans cette conquête du pouvoir, le CFCM est un marchepied essentiel. Pour peser dans les élections, l’UOIF a multiplié les alliances hétéroclites non seulement avec des Comoriens et des Africains, mais aussi avec les Turcs du Milli Görus ou les piétistes tablighi de Foi et pratique.

« Les dirigeants de l’UOIF sont avant tout des politiques désireux de représentativité, analyse Abdelaziz Chaambi. Leur stratégie est d’entrer dans la maison, de montrer qu’ils sont capables de gérer les dossiers et de remporter la mise aux prochaines élections, dans deux ans. » Et après... ?

http://www.lepoint.fr

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