Investir au Maroc : le calvaire d’un MRE

9 août 2006 - 15h38 - Maroc - Ecrit par :

Rentrer au bercail et exploiter le savoir-faire acquis après de longues années de travail à l’étranger : le rêve de Bouchaïb Boukhadam, Marocain résidant en France, a néanmoins failli tourner au cauchemar. Récit.

Bouchaïb Boukhadam revient de loin. L’entreprise qu’il a créée au Maroc en 1998, la Société industrielle afro-européenne (SIAE), a failli couler en 2003. Mais comme ce qui ne tue pas rend plus fort, c’est avec une motivation renforcée et une énergie renouvelée que la SIAE s’apprête à boucler sa huitième année d’activité au Maroc. Ce que les visiteurs du Salon des Marocains résidant à l’étranger (SMRE) qui s’est tenu les 4 et 5 août au parc des expositions de l’OFEC à Casablanca ont pu constater, en visitant le stand de cette entreprise forcée de recommencer pour ainsi dire à zéro.

Après vingt ans de travail acharné en France, où il s’installe en 1973, âgé d’une vingtaine d’années et diplômé en chaudronnerie, Bouchaïb Boukhadam décide de rentrer au pays. Son expérience éprouvée, jusque sur les chantiers du centre de retraitement de combustible nucléaire de La Hague en passant par Eurodisney et le site des Jeux olympiques d’hiver d’Albertville, devrait lui permettre de s’imposer sans trop de peine sur le marché marocain. Fin 1999, en effet, deux premiers contrats sont conclus et honorés, l’un pour le compte de Richbond et l’autre avec l’ODEP. Un challenge réussi pour cette entreprise sans références locales, mais qui bénéficiera d’un coup de pouce bienvenu de la Fondation Hassan II.

C’est alors que la fatalité va s’abattre sur la SIAE, sous les traits d’un homme auquel M. Boukhadam aura la faiblesse d’accorder sa confiance. Cet homme, fonctionnaire d’un organisme public de contrôle agréé, il fait sa connaissance dans le cadre de ses premiers chantiers. Très vite, il est séduit par l’engagement et
le dévouement de cette nouvelle connaissance qui affiche tous les signes d’une énorme volonté de travail, d’une immense piété et d’une moralité sans faille. Au point de finir par le recruter et lui offrir une formation d’ingénieur en soudure dans un institut spécialisé français, agrémentée d’un salaire et d’indemnités de déplacement.

Largement de quoi légitimer, chez la famille Boukhadam, l’espoir qu’une fois de retour au Maroc, cet homme s’empressera de rentabiliser un tel investissement, sans parler de la reconnaissance qu’elle est en droit d’attendre de lui.

Nous sommes en juillet 2002. L’homme est de retour, son diplôme d’ingénieur en poche et se met aussitôt à prospecter. Mais les marchés qu’il décroche ne sont pas à la hauteur des attentes, d’autant que le nouveau collaborateur de la SIAE accumule les défaillances : marchés sous-estimés, gestion calamiteuse des chantiers, engagements irresponsables, la SIAE doit d’urgence redresser la situation et éponger les frais.
Commence alors, pour Bouchaïb Boukhadam, une véritable descente aux enfers. Tout son patrimoine y passe, ainsi que celui de son épouse et associée, décédée depuis.
Entre-temps, l’ingénieur responsable de la catastrophe a disparu en déménageant frauduleusement le contenu de son bureau. M. Boukhadam ne le reverra jamais plus, ils n’auront désormais de contact que par avocats interposés.
« C’est alors que nous avons alors découvert à quel point les avocats pouvaient être inefficaces dans ce pays où la justice a encore beaucoup à faire pour protéger réellement les investisseurs, qu’ils soient nationaux ou étrangers... »
Un premier avocat, chargé d’intenter une action pour abandon de poste, doit finalement se contenter de gérer le dossier de la plainte pour licenciement abusif que l’ingénieur a déposé entre-temps contre son bienfaiteur. Mais l’homme de loi traite le dossier par-dessus la jambe et la SIAE est condamnée à dédommager son ancien employé. Une procédure en appel, confiée à un deuxième avocat, est tout aussi mal suivie par ce dernier. L’affaire est aujourd’hui entre les mains d’un troisième avocat, dont la famille Boukhadam espère qu’il s’avèrera plus consciencieux...

Tandis que sur le terrain, un changement de stratégie a fini par porter ses fruits : la SIAE s’est rabattue sur de petits marchés, pendant un an, le temps de redresser sa situation financière. Jusqu’à ce contrat récemment signé avec l’ODEP, qui semble marquer la fin de ces trois années de misère pour cause de confiance mal placée. Samedi dernier, au SMRE, la SIAE recevait des organisateurs du salon la distinction du meilleur investisseur étranger, catégorie Industrie. Pour la plus grande fierté de la famille Boukhadam, très durement éprouvée mais bien décidée à conquérir d’autres trophées...

Driss Messaoudi - L’Economiste

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