« Ici là-bas » : film documentaire sur l’immigration marocaine en Belgique

11 février 2004 - 13h56 - Belgique - Ecrit par :

Nous nous sommes rendu compte que beaucoup d’enfants de travailleurs marocains ignorent les raisons qui ont amené ici leurs parents et ce que furent leurs conditions de vie, explique Aïcha Adahman, une des trois réalisatrices d’« Ici là-bas ». Ce film documentaire sera présenté dans le cadre d’Identités croisées, un ensemble d’animations lancées par le centre culturel et le centre régional d’intégration pour célébrer le quarantième anniversaire de l’immigration marocaine (1).

À la source : la création en 2000 par le Centre nerveux, la maison des jeunes d’Ottignies, d’une cellule de réflexion sur les difficultés d’appartenir à deux cultures. Quatre ans plus tard, cette réflexion, nourrie d’ateliers divers, de rencontres avec l’historienne Anne Morelli, le sociologue Felice Dassetto, Jean-Marie Paquay, l’ancien secrétaire général du MOC (Mouvement ouvrier chrétien)… a débouché sur un film de 45 minutes entièrement réalisé par une dizaine de jeunes, Belges et étrangers, tissé de témoignages.

Quatre anciens travailleurs des usines Henricot jettent un regard dans le rétroviseur. Dans mon village de la région d’Agadir, je voyais des compatriotes revenir de France au volant d’une voiture somptueuse, se souvient Ahmed Idmouch. Alors, quand j’ai appris que le bureau de placement recrutait pour la Belgique, je n’ai pas hésité. Lorsque le chef du personnel des usines Henricot, venu au Maroc, m’a fait signer le contrat, je n’ai pas parlé de salaire, pas vu non plus qu’il fût précisé dans le document que je gagnerais 54 F l’heure.

En 1964, quand à l’Onem, on m’a demandé si je préférais la mine, le bâtiment ou l’usine, j’ai choisi l’usine, enchaîne Abdeslam Adahman. Au Maroc, on nous disait que dans les usines d’Europe, il suffisait de pousser sur des boutons.

De cette période, les anciens travailleurs dressent un bilan nuancé. Partis pour un an ou deux pour faire fortune, ils se sont rendus à l’évidence : Difficile, en 1983, avec 14.000 F par mois, de se loger, de se nourrir et d’envoyer de l’argent à la famille élargie restée au pays, confie Abdeslam Adahman. Et pour tous, le retour se fait de plus en plus improbable : Au Maroc, on se sentait de plus en plus étrangers. À l’usine, au début des années 70, on était bien accueillis par les Belges ; des associations nous donnaient des cours à domicile, organisaient des excursions… se souvient Jelloul Elmahi. Puis, avec le déclin de l’usine, les mentalités ont changé. Aujourd’hui, ma douleur est éteinte, j’ai appris à me battre, j’ai été délégué syndical, j’ai créé une école des devoirs…

Doté d’un subside de la Commission européenne, d’un coup de pouce financier de la province et technique de l’atelier Graphoui, « Ici là-bas » a été réalisé entièrement par les jeunes. Nous nous sommes appropriés une technique inconnue, résume Aïcha Adahman. Comme nous l’avons fait pour l’histoire de nos parents.•

(1) Samedi 21 février à 17 h au centre culturel (41, avenue des Combattants). Entrée gratuite.

Par : CATHERINE MOREAU pour le journal le soir

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Belgique - Cinéma - Immigration

Ces articles devraient vous intéresser :

Tournages de films au Maroc : chiffre d’affaires record pour le CCM en 2022

Très sollicité pour les tournages étrangers, le Maroc devrait renouer avec les bénéfices cette année. De nombreuses productions annulées en raison de la crise sanitaire et des mesures restrictives, sont de retour, selon le centre cinématographique...

Le film « Zanka Contact » contraint de supprimer une chanson d’une pro-Polisario

Suite à l’interdiction de diffusion « au niveau national et international » du film Zanka Contact, les producteurs se sont pliés aux exigences de l’organe régulateur, annonçant la suppression de la musique à polémique.

Nicole Kidman dans l’adaptation du livre « Chanson douce » de Leïla Slimani

Un thriller basé sur le roman de l’écrivaine franco-marocaine Leïla Slimani, intitulé La nounou parfaite (chanson douce, titre original) devrait être produit par l’actrice et réalisatrice australo-américaine Nicole Kidman. HBO développera La nounou...

Tournages de films étrangers au Maroc : vers un record cette année

Le secteur cinématographique marocain reprend de plus belle depuis la levée des restrictions sanitaires. Selon le secrétaire général du Centre cinématographique marocain (CCM), Khalid Saidi, les tournages étrangers ont généré un chiffre d’affaires de 2...

Les Marocains parmi les plus expulsés d’Europe

Quelque 431 000 migrants, dont 31 000 Marocains, ont été expulsés du territoire de l’Union européenne (UE) en 2022, selon un récent rapport d’Eurostat intitulé « Migration et asile en Europe 2023 ».

Jamel Debbouze : « J’ai le même âge que mes enfants »

Quatre ans après son dernier rôle au cinéma, l’acteur marocain Jamel Debbouze est de retour dans une nouvelle comédie intitulée « Le nouveau jouet », un film inspiré du « Jouet », de Pierre Richard. Invité dans l’émission Matin Première de RTBF,...

Jamel Debbouze lance "Terminal", 25 ans après "H"

L’humoriste franco-marocain Jamel Debbouze retrouve son confrère Ramzy Bedia dans le cadre d’un nouveau projet pour Canal+. Le duo est connu pour son rôle dans la série à succès H (1998-2002).

Maroc : des prix bas pour aller au cinéma

Le ministre de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication du Maroc, Mohamed Mehdi Bensaid, a annoncé un ambitieux projet visant à ouvrir 150 nouvelles salles de cinéma à travers le pays. Il est également prévu de faire un gros effort sur les...

Buzz, fric et clashs : La (mauvaise) recette des artistes marocains

De plus en plus d’artistes marocains se tournent vers les réseaux sociaux, notamment Instagram et TikTok, pour interagir avec leur public et générer des revenus. Cette tendance suscite toutefois des critiques, certains pointant du doigt le recours à...

Malade, Aïcha Mahmah expulsée par une clinique

Grâce à l’intervention du ministère de la Culture, de la Jeunesse et de la Communication, l’actrice marocaine Aïcha Mahmah a été admise à l’hôpital mardi pour recevoir un traitement et subir une opération.