Face au refus de nombreux propriétaires de cafés et restaurants de payer les droits d’auteur pour l’exploitation d’œuvres littéraires et artistiques, l’association professionnelle entend saisir la justice.
Nyon, juillet 2007. La "hayha music" enflamme le dôme du Paléo Festival. Le défi est de toute beauté : faire danser harmonieusement une mosaïque bariolée de punks-à-chiens, métalleux-urbains, émigrés nostalgiques et autres wannabees guévaristes en manque de folklore.
Fouettée par deux trois riffs, délayée de percussion, agrémentée de persiflage et d’autodérision, la mayonnaise Hoba Hoba prend, et se déguste le corps balançant. Sans trop forcer, le public suisse est conquis. Dans les coulisses pourtant, l’épuisement est au rendez-vous. Le groupe n’a pas lésiné sur les moyens pour promouvoir "Trabando", son dernier opus.
Comme pour célébrer cette fin de tournée, le percussionniste avoue rêver de vacances et de flâneries casablancaises, avant d’être coupé par le chanteur, qui confie au passage la préparation d’une nouvelle livraison prévue pour début 2008. "Nous n’avons pas de contraintes marketing. On en profite pour produire autant que l’on peut. Dès septembre, on sera en studio", annonce Réda Allali.
Un message mordant, qui passe en revue les blocages de la société marocaine
Et quel retour, il n’y a qu’à se servir ! Les dix titres d’"Al Gouddam" se piochent gratuitement sur la Toile. Loin des atermoiements obligés des premières heures, le son de Hoba Hoba est plus énergique, résolument rock. Au fil des pistes, qui bouillonnent d’influences diverses, le groupe se permet de franchir les frontières et d’atterrir en territoire punk, avant d’être rappelé à l’ordre par les claquements cuivrés des krakeb gnawa, ou par les crissements de Abdelaziz Stati, le maestro en chef de la kamanja.
Mais la fusion n’est que le fond enjoué duquel se détache un message mordant, qui passe la société marocaine au crible du plus fin sarcasme. Avec "Trabando", Hoba Hoba Spirit entendait démolir les réflexes conservateurs mâtinés d’absurdité qui minent la société marocaine. Jouer les vierges effarouchées devant l’invasion culturelle "étrangère", ou mettre en garde contre la perte d’une "marocanité" fantasmée étaient devenus des réflexes par trop fréquents dans le Royaume.
Le groupe en veut pour preuve la rhétorique islamiste dispensant, au gré des sorties médiatiques, le droit -ou non- de se déclarer "marocain", ou encore le procès de quatorze fans de rock, accusés de porter un message satanique contraire à la culture marocaine.
"Radio Hoba" fait de Tanger la capitale du monde
La rengaine conservatrice n’avait d’ailleurs pas épargné Hoba. A une heure de grande écoute, un responsable syndical, peu réjoui par la musique fusion, réduisait le groupe à un produit de contrebande, s’interrogeant, dans la foulée, sur l’utilité des frontières marocaines… A tout ce joli monde qui fait vertu du recul, Hoba demande d’"aller de l’avant" : "Al Gouddam" en dialecte marocain. Les titres qu’il égrène y invitent tous.
Avec "Spoutnik", le constat d’un Maroc qui navigue à vue se précise. On pourrait être tenté de se lasser de l’éternel constat d’inertie du pays, dressé au fil des livraisons par Hoba Hoba. Mais les arguments sont là. A l’ombre des riads rénovés et de l’autocongratulation jubilatoire, les lignes de fuite ont été tracées, faisant état des véritables mouvements du Maroc "futile".
Ainsi, sur un air orageux, électrifié par les barbelés euros-méditerranéens, "Radio Hoba", autre titre du groupe, fait de Tanger la capitale du monde, où se niche toute une population prête à batailler avec le large pour s’évader. Délaissée sur son propre territoire, foudroyée par la frénésie sécuritaire du voisin européen, cette jeunesse campe dans les interstices, essuyant quotidiennement coups de matraque et refoulements à la frontière.
Moins amer, plus sucré, le désir de liberté se chantonne aussi à la californienne. "Rabi’a", narre avec légèreté une fuite à la sauce barbecue d’un trentenaire qui quitte Casablanca au volant de sa R-12, soufflé par Bruce Springsteen. Fuite en avant quasi publicitaire du cadre moyen, imaginons-nous, motivé par l’appel du désert, laissant sur son sillage une société méthodiquement façonnée par les besoins de la tradition, dépeinte au vitriol dans "Hyati".
"Aller de l’avant", c’est également militer en faveur du dialecte marocain. Cette langue avec laquelle on rit, admoneste, discute, insulte, ou tombe amoureux, a été réduite avec mépris à "une langue de la rue", déplore inlassablement Allali. Cette fois, la frontière est linguistique, nous donnant le choix restreint d’exprimer la vie honteusement, en darija (dialecte), ou de se faire adouber dans une langue morte, étrangère au peuple.
"Al Gouddam" est le rêve d’un Maroc sans oeillères. Identité, langue, grandeur passée ne sont que les leitmotivs d’un immobilisme rémanent, désavoué avec force par 60% de la population marocaine lors du dernier scrutin législatif. A l’instar de leur musique, les Casablancais aspirent à un Maroc aux frontières perméables, conscient de ses mouvements internes, de ses influences et de ses évolutions. D’un Maroc où la réalité doit cesser d’être une marginalité.
Source : Rue89 - Sélim Smaoui
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