La fille qui ne joue plus : les violeurs presque impunis au Maroc

8 avril 2023 - 18h20 - Maroc - Ecrit par : P. A

Une fille marocaine de 11 ans, violée à plusieurs reprises par trois hommes il y a deux ans, est tombée enceinte après cette agression et a accouché. Son père a porté plainte et les auteurs de ce crime ont été arrêtés et condamnés récemment à des peines d’un an et demi à deux ans de prison. Des peines insignifiantes qui ont suscité l’indignation dans le royaume.

Karim A. (36 ans), son neveu Youssef Z. (22 ans) et Abdelouahed B. (29 ans) sont les trois prévenus qui ont été condamnés pour l’agression sexuelle sur la mineure âgée de 11 ans au moment des faits. Pourtant, selon le Code pénal marocain, le crime de viol est puni d’une peine de cinq à dix ans de prison, de 10 à 20 ans de prison si la victime est mineure et jusqu’à 30 ans si elle perd sa virginité. Sanae se retrouve dans le dernier cas et ses agresseurs devraient écoper de 30 ans de prison, mais le tribunal de Rabat a trouvé trois circonstances atténuantes et réduit la peine des accusés, rapporte EFE.

La mineure, qui a donné naissance à un garçon il y a un an, vit avec ses parents et sa grand-mère dans une région à l’est de Rabat. La famille cultive des hectares de pommes de terre, de citrouilles et de céréales. « Quarante jours après la mort de mon père, je suis allé au marché et un homme m’a raconté l’histoire. J’ai eu le vertige, je ne savais pas quoi dire », confie Mohamed, le père de la fillette. Karim et Youssef, oncle et neveu, habitent à 30 mètres de la maison de la mineure et l’ont vu grandir, poursuit Mohamed. Le troisième agresseur, lui, habite à 400 mètres de là.

À lire : Maroc : nouveau rebondissement dans l’affaire dite viol de la fillette de 11 ans

Depuis deux ans, la mineure n’est plus la même. « Elle ne sait pas si elle est une fille ou une adulte. Elle ne veut pas jouer avec ses frères. Et ça s’est aggravé depuis la condamnation, qui va être réexaminée par la cour d’appel à Rabat », souligné Mohamed qui compte aller jusqu’au bout pour obtenir justice pour le viol de sa fille. Le ministre de la Justice, Abdelatif Ouahbi, a promis des peines plus sévères concernant le cas de la fillette. Mais le problème est plus profond, souligne Loubna Rais, membre du groupe féministe Masakatch (Je ne me tais pas en français).

La militante dénonce une « culture du viol », une « banalisation » des violences subies par les femmes et les filles et une « minimisation » de leurs souffrances. « Si les sanctions étaient appliquées comme le prévoit la loi, ce serait déjà un exploit », plaide-t-elle. Selon une étude réalisée en 2020 par ce mouvement, sur 1 169 affaires devant 21 tribunaux de première instance du Maroc, 80 % des personnes reconnues coupables de viol écopent d’une peine de moins de cinq ans, de trois ans et un mois en moyenne.

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Droits et Justice - Enfant - Sexualité - Code pénal marocain - Violences et agressions

Aller plus loin

Maroc : la famille d’une adolescente violée dénonce les peines légères contre les auteurs

La famille de Fatima Zahra, une adolescente marocaine de 15 ans, originaire de Tata et victime d’un viol collectif, dénonce les peines insignifiantes d’un an de prison...

Maroc : nouveau rebondissement dans l’affaire dite viol de la fillette de 11 ans

Les trois accusés du viol d’une fillette de 11 ans condamnés à deux ans de prison ferme devront être bientôt jugées en appel. Le verdict rendu par le tribunal de Rabat est jugé...

Plusieurs « raqi » accusés de viol au Maroc

La justice marocaine est régulièrement saisie des cas de viol commis par des « raqi » sur leurs clientes. Plusieurs de ces charlatans se sont retrouvés en prison après que leurs...

Maroc : un parlementaire risque la prison pour viols sur mineure

Un député membre du Rassemblement national des indépendants (RNI) et président de commune a été auditionné et cité à comparaître le 22 février prochain pour une affaire...

Ces articles devraient vous intéresser :

Le Maroc confronté à la réalité des violences sexuelles

Les femmes marocaines continuent de subir en silence des violences sexuelles. Le sujet est presque tabou au Maroc, mais la parole se libère de plus en plus.

Enfants hors mariage : « la fête d’une nuit est à payer pendant 21 ans »

Comme pour les couples mariés, les enfants nés hors mariage au Maroc seront pris en charge par les parents. Une disposition est prévue dans le nouveau Code pénal pour reconnaitre leur droit, a annoncé le ministre de la Justice Abdellatif Ouhabi.

Le droit des femmes à l’héritage, une question encore taboue au Maroc

Le droit à l’égalité dans l’héritage reste une équation à résoudre dans le cadre de la réforme du Code de la famille au Maroc. Les modernistes et les conservateurs s’opposent sur la reconnaissance de ce droit aux femmes.

Affaire de viol : Achraf Hakimi devant le juge

L’international marocain du Paris Saint-Germain, Achraf Hakimi, a eu affaire à la justice ce vendredi matin, en lien avec une accusation de viol portée contre lui.

Maroc : révocation en vue des députés poursuivis par la justice

Les députés poursuivis par la justice pour détournement ou dilapidation de fonds au Maroc pourraient être déchus de leurs mandats. La Chambre des représentants s’apprête à voter des amendements dans ce sens.

Violences faites aux hommes : les Arabes brisent le silence

Dans les pays arabes, les hommes victimes de violences conjugales commencent à briser le silence. Au Maroc, on dénombre environ 24 000 cas et les chiffres sont sans doute sous-estimés.

Catalogne : un Algérien suspecté d’agression violente d’un Marocain arrêté

L’homme d’origine algérienne qui a violemment agressé un ressortissant marocain cette semaine dans le nord de l’Espagne a finalement été arrêté par la police. Un avis de recherche avait été émis le qualifiant d’individu « très dangereux ».

Maroc : l’État «  adopte  » les enfants devenus orphelins après le séisme

Le Maroc va procéder au recensement de tous les enfants devenus orphelins après le séisme du 8 septembre et leur accorder le statut de « pupille de la nation ».

La justice confirme l’amende de 2,5 milliards de dirhams contre Maroc Telecom

Le recours de Maroc Telecomcontre la liquidation de l’astreinte imposée par l’agence nationale de régulation des télécommunications (ANRT), a été rejeté par la cour d’appel de Rabat.

Affaire "Hamza Mon Bébé" : Dounia Batma présente de nouvelles preuves

La chanteuse marocaine Dounia Batma confie avoir présenté de nouveaux documents à la justice susceptibles de changer le verdict en sa faveur.