Divorcer ? Pourquoi pas !

2 août 2007 - 02h54 - Maroc - Ecrit par : L.A

Elles sont de plus en plus de femmes à préférer le divorce à un mariage tronqué. Quitte à supporter le regard peu amène que porte sur elles la société. L’histoire d’amour de Dalila et Saïd a commencé devant la porte du lycée, pour durer quelques belles années et se concrétiser par un mariage.

L’avenir s’annonçait sans nuage aux yeux de Dalila, malgré les petites disputes que connaissent toutes les relations naissantes. Mais il arrive que même l’amour s’use, et, pour paraphraser Brel, “qu’il craque en deux parce qu’on l’a trop plié”.

Au bout de six mois, Saïd n’avait déjà plus rien de l’amoureux transi qui venait l’attendre devant la porte du lycée. “C’était un autre homme, pas celui que j’avais aimé”. Les deux tourtereaux décident de prolonger leur mariage, malgré son inconsistance et les divergences devenues de plus en plus fréquentes. “Au bout de deux ans, raconte Dalila, j’étais convaincue que notre relation était un échec. Mais j’ai décidé de la prolonger, pour sauver, vaille que vaille, ce qui pouvait encore l’être”. L’une des raisons probables à cette transformation était que Saïd ne pouvait concevoir et cela, il ne pouvait l’accepter.

Dalila a tout essayé, en vain, pour le pousser vers le médecin, qui a préconisé une opération chirurgicale… que Saïd refusa, de crainte que le bistouri ne fasse des “dégâts collatéraux” sur sa virilité. Pour ne rien arranger, les tempéraments des deux époux étaient à l’opposé l’un de l’autre. Pendant que Saïd était introverti et plutôt casanier, Dalila aimait plus que tout les sorties et les voyages. “Je me mentais à moi-même en pensant que le mariage pouvait arranger les choses. Je voulais tellement que nous vivions les meilleures expériences possibles”, ajoute Dalila, mélancolique. Elle reconnaît aujourd’hui son erreur : avoir pensé que le mariage pouvait changer une personne. “Saïd ne m’avait jamais demandé, avant notre mariage, de passer une nuit avec moi. J’attribuais cela au respect que doit un fiancé à sa promise, mais je suis convaincue aujourd’hui que c’était une erreur, encore une, de ne pas se connaître sur le plan sexuel avant de convoler en justes noces”. Et ce qui devait arriver arriva. Au bout de quatre ans d’un mariage, qu’elle décrit comme un calvaire, Dalila décide de quitter son mari pour retourner chez ses parents. “J’avais préféré la tristesse des mois post-divorce à la souffrance de toute une vie, explique-t-elle. J’étais agréablement surprise quand je me suis rendu compte que quelques jours après, je riais aux éclats, j’étais de nouveau heureuse. J’étais enfin redevenue moi-même. C’est étrange, mais je me sens plus équilibrée divorcée que mariée”.

Mariage sans amour

L’histoire d’Ahlam est différente. Son destin allait croiser celui d’un collègue de travail, qui l’a demandée en mariage après quatre mois d’une relation où l’amour n’avait pas son mot à dire. Ce trop de précipitation a accéléré son mariage, mais aussi son retour chez ses parents, avec un enfant de deux ans à charge. “Je ne regrette rien car nous n’étions pas heureux. Tout de suite après le tribunal, je me suis dirigée vers mon bureau. La vie continue”, raconte Ahlam, reconnaissant qu’il ne fut pas facile de “réapprendre à vivre chez les parents”.

Les exemples de Dalila et Ahlam sont loin d’être des exceptions. Les chiffres officiels sont là pour étayer cette nouvelle donne sociale. Dans une allocution consacrée à la Moudawana, un an après son entrée en vigueur, le ministre de la Justice, Mohammed Bouzoubaâ, a déclaré que les demandes de divorce introduites par les maris ont reculé de 42,7%, alors que celles provenant des femmes ont cru de 58,57%. Preuve irréfutable qu’elles sont plus nombreuses à vouloir s’émanciper de la tutelle d’un mari trop autoritaire ou d’une vie qu’elles ne veulent plus tolérer, sans pour autant considérer leur situation comme une catastrophe.

Et la société dans tout ça ? Accepte-t-elle plus facilement une femme divorcée ? Pas si sûr. Ahlam reconnaît que son père a été compréhensif, contrairement à sa mère, qui a vécu son divorce comme un échec personnel. Le regard de l’entourage est encore plus réprobateur. Ahlam, Dalila et d’autres encore tentent de faire avec, au sein d’une société peu encline à la compréhension envers des femmes dont le seul délit est d’avoir refusé de poursuivre une expérience conjugale condamnée. “Quoi que tu fasses, les gens auront toujours le mot de trop. La célibataire est une vieille fille, la divorcée n’a pas su garder son mari, etc. Mais au final, ce qui compte, c’est de vivre sa vie comme on l’entend et non comme le veulent les autres”, se console Ahlam.

Même son de cloche auprès de Dalila : “Cacher l’évidence est stupide. Le divorce fait aussi partie de la vie. La société n’a pas à faire mon procès, car j’étais bien seule avec mes problèmes et mes nuits blanches à ruminer tout ce qui m’arrivait. Je leur dis aujourd’hui que je suis fière d’avoir osé franchir le pas et je ne m’en porte pas plus mal”.

Réapprendre à vivre

Le divorce, c’est aussi une étape délicate à gérer. Ahlam a désormais la charge d’un enfant, pour le bien duquel elle veille à garder de bonnes relations avec le père. “Même après son remariage, j’ai veillé à garder de bonnes relations avec son épouse et sa fille, pour l’équilibre de notre fils”. Car l’équilibre des enfants tient dans la réussite du divorce de leurs parents, à défaut de se nourrir de la réussite de leur mariage. Leur présenter la situation comme une catastrophe ne fait qu’alimenter leur haine envers le parent, désigné comme coupable. “Ce qui m’irrite le plus, c’est d’entendre certains dire qu’il est préférable de maintenir une relation au bord de la rupture pour le bien des enfants. Ce n’est pas leur rendre service, bien au contraire”, poursuit Ahlam.

Et aujourd’hui ? Eh bien, la vie continue, autant pour Ahlam que pour Dalila, qui se sont lancées dans de nouvelles relations, sauf qu’elles sont devenues plus exigeantes, un tantinet plus méfiantes et certainement plus indépendantes. “Je peux aujourd’hui refuser tout ce qui ne me convient pas, sans en éprouver la moindre gêne. Je ne vois aucune nécessité à retoucher ma personnalité pour lui plaire. L’essentiel est de bien définir les limites de ce que je peux accepter et jusqu’où je peux aller”, énonce Dalila. Ahlam, quant à elle, est restée une incorrigible romantique : “J’aimerais rencontrer quelqu’un qui puisse inspirer la sécurité et prodiguer la tendresse. Et surtout qu’il soit disposé à partager, aussi bien les moments difficiles que les instants agréables”. Est-ce trop demander, messieurs !

TelQuel - Sanaa Elaj

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Famille - Moudawana (Code de la famille) - Femme marocaine - Mariage

Ces articles devraient vous intéresser :

Le roi Mohammed VI ordonne de réformer le Code de la famille

Le roi Mohammed VI fait de la promotion des questions de la femme et de la famille sa priorité. Dans ce sens, il a adressé une correspondance au chef du gouvernement Aziz Akhannouch relative à la révision du Code de la famille.

Maroc : pas de congé menstruel pour les femmes fonctionnaires

La proposition de loi visant à instaurer un congé menstruel, d’une durée ne dépassant pas deux jours par mois, en faveur des femmes fonctionnaires n’a pas reçu l’assentiment du gouvernement.

Achraf Hakimi : « Ma mère était une femme de ménage. Mon père était un vendeur ambulant »

Le Maroc a remporté dimanche son match face à la Belgique (2-0) lors de la 2ᵉ journée du groupe F de la Coupe du monde. Achraf Hakimi a dédié la victoire à sa mère qu’il est allé embrasser dans les tribunes à la fin du match. L’image de la scène est...

Ramadan et grossesse : jeûner ou pas, la question se pose

Faut-il jeûner pendant le Ramadan quand on est enceinte ? Cette question taraude l’esprit de nombreuses femmes enceintes à l’approche du mois sacré. Témoignages et éclairages pour mieux appréhender cette question à la fois religieuse et médicale.

Maroc : la réforme du Code de la famille fait toujours jaser

La réforme du Code de la famille a du mal à passer au Maroc. Face aux conservateurs et chefs religieux, le gouvernement n’arrive pas encore à trouver la bonne formule pour mettre fin aux discriminations envers les femmes en matière de succession, à la...

Maroc : un « passeport » pour les nouveaux mariés

Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) appelle à la mise en place d’un « passeport » ou « guide » pour le mariage, dans lequel seront mentionnées les données personnelles des futurs mariés, ainsi que toutes les informations sur leurs...

Maroc : plus de mariages, moins de divorces

Le Haut-commissariat au plan (HCP) vient de livrer les dernières tendances sur l’évolution démographique, le mariage, le divorce et le taux de procréation par rapport à 2020, année de la survenue de la crise sanitaire du Covid-19.

Vers une révolution des droits des femmes au Maroc ?

Le gouvernement marocain s’apprête à modifier le Code de la famille ou Moudawana pour promouvoir une égalité entre l’homme et la femme et davantage garantir les droits des femmes et des enfants.

Le Maroc cherche à mettre fin au mariage des mineures

En réponse à une question orale à la Chambre des Conseillers, le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi a renouvelé ce lundi 28 novembre, son engagement à mettre un terme au mariage des mineures.

Les adouls marocains vont préparer les jeunes mariés à la vie sexuelle

L’Ordre National des Adouls au Maroc, l’Association marocaine de planification familiale (AMPF) et le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA) s’unissent pour préparer les jeunes marocains au mariage. Une convention dans ce cadre, a été...