Des détenus salafistes redécouvrent l’amour

16 février 2007 - 00h00 - Maroc - Ecrit par : L.A

Des prisonniers salafistes ont entamé des grèves de la faim pour amener le ministère de la Justice à leur permettre de se marier. Incarcérés à Casablanca, ils affirment craindre pour leur "stabilité" si la situation perdure.

Pour la première fois dans les annales des prisons marocaines, des détenus salafistes, condamnés dans le cadre des procès post-16 mai 2003, ont recouru à la grève de la faim pour « défendre leur droit au mariage ». Issam Chouider, Kamal Chetbi, Abdelhakim El Ghali, Mohamed Aâtour et Rédouane Alami ont observé, pour la deuxième fois, une grève de la faim les 12 et 13 février en protestation, affirment-ils dans un communiqué, contre le Parquet de Casablanca. Ce dernier, à les en croire, tarde à répondre à leurs demandes de permission de mariage en prison présentées aux autorités judiciaires depuis plus de huit mois. Soutenus par leurs co-prisonniers parmi les salafistes, les cinq détenus affirment qu’ils pourraient recourir à d’autres formes, plus radicales, de protestation. L’une des issues envisagées est une grève illimitée de la faim.

Selon l’association Annassir, ONG dédiée au soutien des détenus de la Salafiya Jihadiya, il n’y a pas de raison pour que les cinq détenus en question soient privés d’un droit dont jouissent leurs « frères » dans les autres établissements pénitentiaires du Royaume et notamment à Fès, Kénitra et Meknès où des mariages avaient été conclus par des adouls à l’intérieur des prisons avec l’aval du ministère de la Justice.
Selon la même association, près d’une vingtaine de mariages ont été conclus de la sorte dans les prisons marocaines depuis les attentats du 16 mai 2003 et les procès qui s’en sont suivis.

« Cela participe à la stabilité mentale des détenus, mais aussi à la stabilité de leurs familles malgré les conditions de détention et la séparation », argumente Abderrahim Mouhtade, président de Annassir qui affirme que la revendication desdits prisonniers « constitue un pas en avant ». « La majorité de cette catégorie de détenus étaitent contre les actes de mariage officiels. Aujourd’hui, ils reconnaissent implicitement les institutions et il faut les aider dans ce revirement positif », explique M. Mouhtade.

Mohamed Aâtour purge une peine de prison à perpétuité. Kamal Chetbi, extradé d’Espagne, a été condamné à 20 ans de prison, alors que Abdelhakim El Ghali, Issam Chouider et Rédouane Alami avaient écopé de dix ans de prison ferme pour leur implication dans des entreprises terroristes.

Ces derniers, selon des sources salafistes, ont conclu leurs mariages en dehors des murs de la prison par familles interposées. Le choix de l’épouse se fait généralement parmi les femmes proches d’un co-détenu salafiste alors que les familles respectives se chargent du reste des formalités. Qu’est-ce que cela coûte ? « Presque rien du tout », expliquent les mêmes sources, surtout que la dot est réduite au minimum.

Le Droit à l’intimité conjugale

La « khoulwa Chari’ya » (Droit à l’intimité conjugale) est octroyée dans les prisons marocaines aux époux qui justifient d’actes de mariage. Les détenus de la Salafiya Jihadiya en ont fait l’une de leurs principales revendications et n’ont cessé depuis de demander l’amélioration des « conditions d’accueil », mais aussi de disposer de plus de temps. Dans les prisons, selon des sources salafistes, les « frères » s’arrangent entre eux pour bien gérer la « khoulwa ». Le « moment d’intimité » intervient généralement une fois tous les 20 jours et la « détente » peut s’étaler sur une demie-journée. Dans certaines prisons, ce sont les détenus salafistes qui ont fini par se retrouver au centre des protestations des prisonniers de droit commun. Ces derniers accusent les premiers de trop accaparer les lieux. Et le temps.

Aujourd’hui le Maroc - Mohamed Boudarham

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Terrorisme - Famille - Insolite - Prison - Mariage

Ces articles devraient vous intéresser :

Au Maroc, le mariage des mineurs résiste au temps

Au Maroc, il y a encore du chemin à faire pour en finir avec le mariage des mineurs. Des voix s’élèvent pour appeler à la révision rapide et profonde du Code de la famille.

Maroc : le registre national des mariés bientôt disponible

Dans quelques jours, le ministère de la Justice marocain va procéder au lancement du registre national des mariés dans le but de mettre fin aux infractions constatées dans le domaine.

Maroc : risque d’augmentation des mariages de mineures après le séisme

Le séisme survenu dans la province d’Al Haouz vendredi 8 septembre pourrait entrainer une multiplication des mariages de mineures, craignent les femmes sinistrées dormant désormais avec leurs filles sous des tentes dans des camps.

Au Maroc, le mariage des mineures persiste malgré la loi

Le mariage des mineures prend des proportions alarmantes au Maroc. En 2021, 19 000 cas ont été enregistrés, contre 12 000 l’année précédente.

Terrorisme au Maroc : une lutte permanente depuis 2003

L’extrémisme islamiste au Maroc a été marqué par cinq moments forts, dont notamment les attentats de Casablanca en 2003 et 2007, le printemps arabe en 2011, et la création de l’État islamique (EI) en 2014. Pour lutter contre le phénomène, les autorités...

Le mariage des mineurs diminue au Maroc

Après une hausse en 2021, le nombre de mariage de mineurs a diminué l’année dernière. Cela représente certes une note positive, mais il y a encore du chemin à faire pour en finir avec cette pratique.

Une « formation prénuptiale » avant tout mariage au Maroc

Au Maroc, les personnes désireuses de se marier devront mener de nouvelles démarches avant de conclure le contrat de mariage.

Maroc : crise du célibat féminin

Au Maroc, le nombre de femmes célibataires ne cesse d’accroître, avec pour conséquence la chute du taux de natalité. Quelles en sont les causes ?

Maroc : une sortie en voiture vire au drame

Une sortie en famille qui finit en tragédie. Deux sœurs de 19 et 10 ans sont mortes noyées samedi dans le barrage de Smir près de la ville de M’diq, après que l’aînée, qui venait d’avoir son permis de conduire, a demandé à ses parents à faire un tour...

Décès de Malika El Aroud, « La Veuve noire du Jihad »

Malika El Aroud, condamnée pour terrorisme en 2008, est décédée à l’âge de 64 ans. Cette femme, qui avait la double nationalité belge et marocaine, avait été déchue de sa nationalité belge en 2017 pour avoir « gravement manqué à ses devoirs de...