Vers une exclusion des MRE du parlement en 2007

9 novembre 2006 - 19h28 - Maroc - Ecrit par :

Dans son dernier communiqué de presse , le CONGRESS avait rappelé son attachement à l’initiative Royale du 6 novembre 2005 qui a restauré sans équivoque la citoyenneté pleine et entière des marocaines et marocains résidant à l’étranger (CME).

Cette initiative a été réaffirmée dans le discours du Trône du 30 juillet 2006, dans lequel S.M. appelait de ses vœux les propositions allant dans le sens d’un débat sur les modalités pratiques de la mise en œuvre de ladite citoyenneté. Trois mois après, force est de constater que rien ou presque n’a été effectivement engagé dans le sens de ce projet ambitieux et légitime au regard des CME. Au jour d’aujourd’hui, l’attente des CME qui a trouvé le relais dans l’initiative Royale a été réduite à une « mesurette » qui vise à modifier à minima l’un des articles du code électoral (2).

1 - Au commencement, l’initiative Royale tendant à redonner son sens à la citoyenneté marocaine telle qu’elle était inscrite dans la constitution de 1958 !

Resté sans écho pendant près de 50 ans, la citoyenneté marocaine telle qu’elle était clairement inscrite dans la constitution de 1958 a été « ressuscitée » par le discours Royal du 6 novembre 2005. Cette initiative a été de loin, la plus importante et la plus significative, qu’ait connue la communauté marocaine de l’étranger. Ce signe inattendu, d’une résurgence des pratiques démocratiques du pays d’origine, a trouvé un relais favorable auprès des marocaines et des marocains de l’étranger, qui se sont pris à rêver à l’exercice de leur citoyenneté dans leur mère patrie, égale à celle qu’ils exercent dans leur pays d’adoption.

L’enthousiasme ainsi soulevé par cette initiative s’est traduit par des propositions émanant de tous les acteurs de la vie associative des CME. Le CONGRESS a participé activement à ce mouvement et a été le premier à avoir produit une « plateforme » de propositions, qui a été largement débattue dans le cadre de la table ronde organisée à Rabat, avec les représentants des partis politiques et de la société civile (3), en présence de la presse écrite et audiovisuelle.

Entre autres propositions fortes du CONGRESS, figurait dès le mois de février 2005, la création d’une instance représentative des marocaines et marocains de l’étranger (Conseil Supérieur de l’Emigration). La finalité de ce conseil était de définir les modalités effectives de la participation des citoyennes et citoyens marocains de l’étranger aux consultations politiques à venir, à commencer par celle de 2007 (4). Cela impliquait de facto la mise en place et l’activation de ce conseil avant lesdites élections.

Le discours Royal du 6 novembre 2005 a plus que répondu aux aspirations exprimées ainsi. En effet, il a non seulement appelé à la création de ladite instance, mais aussi, à fait état de la volonté de donner aux citoyens de l’étranger une représentation parlementaire.

Le CONGRESS a été agréablement surpris par le volontarisme de S.M. qui a ainsi voulu promouvoir ce que nous avions envisagé bien avant et en deux temps : la création d’une instance représentative des CME et la proposition par celle-ci des modalités pratiques de l’exercice effectif de la citoyenneté à compter de l’échéance politique de 2007.

Le CONGRESS conscient des difficultés de tous ordres qui pouvaient contrarier la mise en œuvre de la volonté Royale, a produit une nouvelle « plateforme » de propositions3.


2 – Au final, les CME de 2005 redeviennent les « z’magrias » d’avant

Les premiers signes tangibles de la remise en cause de l’initiative Royale sont apparus dès le mois de juin 2006. Un communiqué laconique du Ministère de l’Intérieur décrète la disparition pure et simple du droit des citoyens marocains de l’étranger de participer à la consultation politique de 2007. Il est argué par les voies officielles des difficultés tant légales que matérielles pour justifier ce qui n’est ni plus ni moins qu’un déni de droit, au surcroît conféré par la constitution.

De façon moins officielle, certains ont fait état de sondages et rapports effectués par des institutions étrangères laissant entendre que la participation des CME profiterait de façon massive aux partis dits « radicaux ». Si telle est la raison réelle de l’exclusion des CME, on ne manquera de noter la constance de certains à user des mêmes artifices pour retarder l’avènement d’une véritable démocratie. Hier, d’aucuns craignaient l’arrivée de la « gauche », ce qui a valu aux CME de voir leur citoyenneté déniée. Aujourd’hui, bis repetita au motif de voir les « partis dits radicaux » en profiter, les CME seront les seuls à payer le prix d’une telle crainte. La gauche est arrivée au pouvoir et les CME n’ont toujours pas recouvrés leur citoyenneté. Les « partis dits radicaux » siègent au parlement et les CME siègent encore sur leurs droits ! Et en 2012, que risque-t-on ? Le manque de réalisme et de préparation des responsables en charge de la question ? Plus sérieusement, il conviendrait de mettre les citoyens marocains de l’intérieur à égalité de droit avec leurs compatriotes vivant à l’étranger en suspendant purement et simplement la consultation politique prévue en 2007, puisqu’il semble que le sondage de l’institution étrangère prévoit une issue politique nouvelle. Ainsi, tous les marocains, de l’intérieur et de l’extérieur, seraient égaux devant la citoyenneté, qu’ils ne peuvent exercer.

Certains acteurs associatifs de la communauté marocaine de l’étranger se sont mobilisés pour rejeter en bloc de telles dispositions et solliciter l’intervention de la Haute autorité royale (5).

Le discours du Trône du 30 juillet 2006 était attendu, comme l’occasion de voir lever toutes les ambiguïtés et contradictions que certains se sont efforcés d’entretenir. Les termes de ce discours ont été clairs quant à la confirmation de la création de l’instance représentative des CME et, concernant la représentation parlementaire de 2007, les propos semblaient s’inscrire dans la continuité de l’initiative ouverte par le discours de novembre 2005.

Le CONGRESS avait alors appelé à l’ouverture immédiate d’un débat, le plus large possible, sur les modalités concrètes de la mise en œuvre de ce projet. Après trois mois de silence radio, apparaît une proposition de modification du code électoral conditionnant l’exercice du droit constitutionnel reconnu à toute marocaine et à tout marocain d’être éligible et d’élire. Non seulement, cette proposition peut apparaître pour certains comme une tentative dilatoire et maladroite de vider de son substra l’initiative Royale. Mais aussi et surtout, elle ne répond ni sur le principe ni dans la pratique, aux attentes des CME.

Plus concrètement, cette « mesurette », en rien nouvelle pour l’écrasante majorité des CME, prétend octroyer les mêmes droits à celles et ceux qui, nés à l’étrangers, ne pouvaient jusqu’à alors exercer sur le territoire national leur citoyenneté au même titre que leurs parents. Elle leurs impose également dans le cas où ils souhaiteraient briguer le suffrage universel, de le faire en un lieu : de naissance, de résidence, d’origine etc., du territoire national.

Désormais, tous les CME nés à l’étranger sont à égalité de droits avec le reste de la communauté à l’étranger, droits qu’ils ne pourront concrètement exercer comme le reste de la communauté. Outre qu’il y a là l’introduction d’une condition de territorialité qui nécessairement limite l’exercice d’un droit constitutionnel, ce projet de loi élude plus qu’il ne résout le problème fondamental posé et l’exercice effectif de ce droit.

Comment peut-on soutenir sérieusement un tel raisonnement, sachant que pour être candidat, il faudra assurément disposer de moyens financiers personnels conséquents, d’un ancrage sur le territoire national, par définition insuffisant lorsque l’on réside à l’étranger. Par ailleurs, un représentant élu a pour vocation, entre autres, de porter les demandes et revendications des électeurs de sa circonscription. Ceci impose, normalement d’y vivre et donc de bien la connaître. Or, ces CME résident en dehors du territoire national et connaissent naturellement mieux les revendications des compatriotes avec lesquels ils ont vécu dans le pays d’adoption depuis longtemps pour certains.

Donc « les candidats nantis et à la recherche d’une circonscription virtuelle sont priés de se faire connaître ». Voilà en substance, le message qui est adressé aux CME au moment où l’on tente de nous faire croire à une moralisation de la vie politique intérieure.

Par ailleurs, il est pour le moins paradoxal que certains acteurs associatifs des CME qui jusqu’à là étaient mobilisés pour la défense du droit à l’exercice de la citoyenneté, brillent depuis le 30 juillet 2006 par leur mutisme, à moins qu’ils soient trop pris par les tractations qu’ils mènent dans les coulisses pour obtenir leur adoubement en tant que membre du CSME. Le CONGRESS, fidèle à sa position, continue de réclamer le respect absolu du droit conféré à tout marocain par voie constitutionnel, sans aucune condition de territorialité, respectant ainsi la volonté exprimée par S.M.

Nous sommes conscients que l’élection des représentants des CME ne peut être une fin en soi. Néanmoins, elle constitue une condition substantielle de leur représentation. Nous sommes également conscients des difficultés pratiques auxquelles se heurte un tel défi. Néanmoins, l’histoire de notre pays a montré à maintes reprises, que nous avons été capables d’en relever des biens plus difficiles, dès lors qu’ils constituaient un aspect majeur de notre identité, à l’instar de la « marche verte ».

3 – les CME seront-ils les prochaines victimes de la « grippe électorale » ?

A ce stade, la création du CSCME est acquise. Nombre de responsables semblent témoigner d’un refus formel ou créer les conditions d’une impossibilité d’une représentation des CME au parlement. Le CONGRESS persiste à croire qu’en l’état, il est encore possible de concrétiser l’esprit à l’origine de l’initiative Royale, si l’on se fonde sur les propositions faites en mai 20063. En effet, le CSCME peut être doté d’un corpus constitué d’élus CME et, à son tour, élire

en son sein, les personnes appelées à représenter les CME au moins dans l’une des 2 chambres. Cette démocratie « indirecte », qui nécessite un aménagement « transitoire » de la constitution, serait moins contestable que l’exclusion pure et simple de près de 3,2 millions de CME de toute voie au chapitre, même si cela est fait au moyen d’une modification « indirecte » et « indolore » des dispositions constitutionnelles.

Une coalition de 16 partis s’est vigoureusement opposée la fameuse disposition qui oblige le candidat de tout parti qui n’a pas réussi à avoir un minimum de 3% des voix lors des élections législatives de 2002 à recueillir un total de 1000 signatures dans huit régions du Royaume au moins, car Cette mesure exclut d’office 70% des partis marocains de la participation aux législatives de 2007. S’il est heureux qu’il se soit trouvé suffisamment de défenseurs de la démocratie pour permettre à ces partis de briguer les suffrages, il n’y aura assurément aucun représentant des CME pour défendre au parlement l’intérêt de la représentation de leurs compatriotes de l’étranger et ne pas accepter une « mesurette » que l’on tente de faire passer en l’absence des principaux intéressés au lieu et place du projet ambitieux dessiné par les discours Royaux successifs. Seule la représentation partisane a, actuellement, les moyens de conduire les actions opportunes afin de réorienter l’action et les débats dans le sens d’une représentation parlementaire légale et juste des CME. Nous les appelons à assumer leurs responsabilités au regard de leurs compatriotes tant de l’intérieur que de l’extérieur ainsi qu’au regard de l’histoire de notre pays, dans sa marche vers une démocratie pleine, entière et juste.

En l’état actuel des choses, il semblerait que la seule voie qu’il reste de façon effective aux CME de représenter ou de se voir représentés au parlement, soit d’en appeler à l’organisation la mobilisation des autorités pour l’organisation « d’un pèlerinage électoral exceptionnel » semblable à « un méga-moussem » ou alors à espérer gagner au loto d’ici là ou, en dernier ressort à attendre 2012 et encore ? Sauf, si une découverte médicale de dernière minute permette enfin de se vacciner contre « la grippe électorale ».

A Paris le 3 novembre 2006
Mohamed MOUSSAOUI
Président du CONGRESS (Congrès mondial des citoyens d’origine marocaine)

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