Transferts des MRE : Le détail des placements

27 février 2008 - 02h35 - Economie - Ecrit par : L.A

Est-ce qu’un vent nouveau soufflerait sur les transferts traçables des MRE ? A peu de choses près, c’est à cette question que les experts du Centre marocain de conjoncture (CMC) se sont attelés à répondre. Dans sa lettre mensuelle de janvier qui vient de paraître, le CMC traite de l’investissement des MRE. Il y répertorie les petits investissements, n’excédant pas 500.000 DH et peu créateurs d’emplois, moins de 10. Le mérite des enquêteurs, c’est de zoomer sur les nouvelles niches. Ils parlent « de mutation importante » dans l’acte même d’investir des MRE. Dans quel secteur investissent-ils ?

Ils vont de plus en plus vers « les services, laissant de côté les secteurs traditionnels tels que l’agriculture et l’industrie jugés peu rentables ». Dans cette dernière niche, différentes études montrent que le faible niveau de l’investissement s’explique, entre autres, par les coûts de démarrage élevés. « Des coûts souvent au-dessus de la capacité de financement de la majorité des MRE ».

« Beurgeoisie », une nouvelle génération

Un autre constat, et pas des moindres. Bien que le commerce continue à occuper une place privilégiée dans l’investissement des MRE, sa progression a été bien moindre que les placements dans le tourisme, qui a enregistré une croissance de 138% entre 1998 et 2005. On est en plein dans ce que les experts du CMC appellent la « tertiarisation ». Laquelle s’explique, selon eux, essentiellement par le coût financier que représente par exemple l’ouverture d’un petit commerce. En effet, au cours de ces dix dernières années, ce sont d’autres secteurs du tertiaire, notamment le tourisme qui a drainé une grande partie des nouveaux investissements. Une évolution que l’étude de la fondation Hassan II, consacrée à la question, explique par « l’émergence d’une nouvelle génération de MRE ».

Un concept savamment enveloppé par le CMC dans le néologisme de « beurgeoisie ». Une génération mieux éduquée, plus aisée et dotée d’une fibre plus entrepreneuriale que la précédente.

Ces nouveaux entrepreneurs investissent dans des secteurs comme les technologies de l’information (TI) ; également dans les transports et la Bourse. Ce qui n’étonne guère les enquêteurs du Centre, qui, à coups de constats, arrivent à démêler l’écheveau. « Alors que la grande majorité des MRE investit toujours dans l’immobilier et/ou les petits commerces, cette minorité émergente est à l’affût du profit ». Une minorité qui, selon eux, ne peut être considérée comme des migrants stricto sensu, car ayant vécu toute leur vie à l’extérieur du Maroc.

Des signes qui ne trompent pas. « Il est, dans ces conditions, raisonnable de penser que leurs investissements vont croître avec les opportunités offertes par les accords de libre-échange avec les Etats-Unis et d’association avec l’Union européenne », prédisent les experts. Ce qui les amène à conclure que la tendance actuelle est à la diversification et à la « tertiarisation » de l’investissement MRE.

Un capital faible et des compétences peu importantes

Malgré l’évolution des montants investis et les tendances positives en matière d’investissement, les transferts de MRE peinent à impacter de façon nette le développement économique.

Une récente étude de l’Observatoire des MRE de la fondation Hassan II confirme aussi la prépondérance des petits projets. Près de 40% d’entre eux ont coûté moins de 500.000 DH. Les grands, ceux dont l’investissement est supérieur à 5 millions de DH, ne représentant que 14%. Les plus gros investissements vont essentiellement à l’industrie, alors que les petits projets se cantonnent majoritairement dans le secteur agricole et commercial. Aucun chiffre précis ne permet d’en déterminer les proportions. Mais, selon le CMC, dans les 2/3 des cas, l’investissement est entièrement autofinancé, le 1/3 restant se réalisant grâce au crédit. Considérant uniquement les migrants de retour, plus de 86% des investissements sont autofinancés.

Selon les enquêteurs, la raison de ces disparités tient à ce que le profit n’est pas nécessairement au cœur de la décision d’investissement chez les MRE. Ce qui se traduit par le fait que « les secteurs favoris de ces derniers sont ceux qui nécessitent un capital initial relativement faible et des compétences peu importantes ». Voilà qui donne un début d’explication à la faiblesse de l’investissement traditionnel tourné vers le secteur agricole et surtout les (petits) services.

Qui tire profit des investissements ?

Ce sont les régions à forte émigration (Taza, Al Hoceïma, Taounate, l’Oriental, le Souss et Tadla-Azilal), où les dépôts bancaires composés des transferts vont de 38 à 66%. A noter que, pour dans les régions les plus dynamiques économiquement, Casablanca et Rabat en l’occurrence, ce taux avoisine les 12%, relève l’Observatoire des MRE de la fondation Hassan II. La bancarisation nationale est de 25%, soit environ 7,5 millions de Marocains.

Les enquêteurs du CMC relèvent une nuance quant à la destination des transferts. « Les régions à fort taux d’émigration, et donc à fort taux de transferts, ne sont pas nécessairement les régions les plus attractives ». Il en va ainsi de l’Oriental.

A l’opposé, le gros des investissements va aux régions les plus dynamiques et les moins touchées par l’émigration, Casablanca, Rabat, Marrakech. Ce qui signifie que « les ressources financières des régions les plus faibles économiquement sont orientées vers les régions les plus fortes économiquement », constatent-ils. Voilà qui ressort la question du sous-équipement de certaines régions.

Source : L’Economiste - B. T.

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Investissement - Transferts des MRE - Enquête - Centre marocain de conjoncture (CMC) - MRE

Ces articles devraient vous intéresser :

Un milliardaire marocain a de grandes ambitions en Afrique

Le milliardaire américain d’origine marocaine Marc Lasry, président directeur général d’Avenue Capital Group, investit depuis une dizaine d’années dans le domaine du sport. Après avoir été copropriétaire de l’équipe de basketball des Milwaukee Bucks de...

Ramadan 2024 en France : Le Maroc perd la main sur l’encadrement religieux des MRE

À l’approche du mois de Ramadan, des voix s’élèvent pour réclamer une formation religieuse adaptée aux Marocains résidant à l’étranger, notamment en France.

Tourisme au Maroc : une baisse de recettes qui inquiète

Alors que les arrivées pourraient atteindre 15,5 millions de voyageurs en 2024, soit un million de plus qu’en 2023, les recettes touristiques devraient poursuivre leur tendance à la baisse notée depuis 8 mois pour s’établir à 100 milliards de dirhams...

Aide au logement : succès auprès des MRE

Le programme d’aide directe au logement « Daam Sakane », lancé le 2 janvier 2024, est un succès, notamment auprès des MRE, assure Mustapha Baitas, porte-parole du gouvernement, lors du point de presse hebdomadaire à l’issue du conseil de gouvernement.

Les Marocains du monde, des compétences « sous-exploitées » par le Maroc

Les Marocains résidant à l’étranger (MRE) contribuent faiblement au développement du Maroc. Pourtant, leurs compétences sont nécessaires pour relever les défis économiques et socioculturels du royaume.

Maroc : les envois de fonds des MRE en forte hausse

Un peu plus de 45 milliards de dirhams ont été envoyés au Maroc par les Marocains résidant à l’étranger à fin mai dernier, selon les chiffres dévoilés par l’Office des Changes.

Le dilemme des MRE : vendre leurs biens ou se soumettre à l’échange fiscal

Des Marocains résidant à l’étranger (MRE) appellent à la suspension de l’accord multilatéral sur les échanges de renseignement automatiques des comptes financiers.

Données bancaires des MRE : le gouvernement rassure

Alors que la question de l’échange automatique des données sur leurs comptes bancaires, actions et biens détenus au Maroc avec l’OCDE refait surface, Nadia Fettah, ministre de l’Économie et des Finances, a tenu à rassurer les Marocains résidant...

Ramadan 2023 : le Maroc va envoyer 400 prédicateurs à l’étranger, surtout en Europe

Interpelé sur « l’encadrement religieux des MRE », le ministre des Habous et des Affaires islamiques, Ahmed Toufiq, a déclaré que le gouvernement a pris ses dispositions pour que durant le mois de ramadan, cette opération ait finalement lieu après...

Appel à mettre fin à l’échange d’informations fiscales des MRE

L’Organisation démocratique du travail (OMT) a vivement critiqué la politique gouvernementale à l’égard des Marocains résidant à l’étranger, pointant du doigt une approche jugée superficielle et occasionnelle, particulièrement lors de l’accueil des MRE...