Quelque 431 000 migrants, dont 31 000 Marocains, ont été expulsés du territoire de l’Union européenne (UE) en 2022, selon un récent rapport d’Eurostat intitulé « Migration et asile en Europe 2023 ».
« De l’espoir et d’autres dangereuses poursuites » : « hrig », prostitution, corruption, injustice, ce premier roman de Laila Lalami, linguiste marocaine installée
dans l’Oregon, aux Etats-Unis, a eu les honneurs de « Newsday », « Elle magazine » et le « Washington Post ». Bien parti pour un joli succès !
« Quatorze kilomètres ». La première phrase du livre de Laila Lalami est chargée de sens. Le lecteur marocain n’aura pas de mal à deviner qu’il s’agit de la distance séparant le Maroc de l’Espagne. Quant au lecteur américain, premier à découvrir Hope and other dangerous pursuits (*), il découvre une perspective migratoire nouvelle. Ce premier roman de Laila Lalami, une linguiste de trente-sept ans vivant dans l’Oregon, a été positivement accueilli par la critique. Pas de surprise donc à retrouver le livre dans les colonnes de Newsday, de Elle magazine ou encore du Washington Post.
Quatorze kilomètres donc. Pour beaucoup, c’est cette distance qui sépare certaines personnes de leurs rêves, ou de ce qu’elles croient être leurs rêves.
Ses personnages, embarqués sur une patera, auront tous une deuxième chance
Mais si la traversée du détroit de Gibraltar peut être celle de tous les espoirs, elle est d’abord celle de tous les désespoirs. D’abord, celui de Murad, le jeune diplômé en littérature anglaise, connaisseur de Paul Bowles et faux guide à ses heures perdues.
Halima, la femme de ménage battue par son mari, résolue à risquer sa vie et celle de ses enfants pour « vivre et non plus survivre ».
Aziz, le chômeur, qui rappelle des dizaines, des centaines de personnages qui hantent nos rues et arpentent les bureaux à la recherche d’un emploi.
Faten, jeune fille qui a été expulsée de la faculté après avoir échoué deux fois.
Chacun a ses raisons de partir. Chacun réunit la somme nécessaire comme il peut. Tous se retrouvent sur la même patera.
La traversée à bord de la patera constitue en fait le début du récit. L’auteur suit ses personnages, leurs peurs, leurs rêves et leurs échecs. Mais les personnages de Laila Lalami ont miraculeusement droit à une seconde chance. « Je pense que mes personnages ont un choix. Je n’ai jamais pensé à eux en tant que victimes alors que j’écrivais le livre. Ils ont fait un choix de conscience de changer leur présent. La traversée nécessite un planning à l’avance et... beaucoup d’économies », a commenté l’auteur, dans une interview à la radio américaine.
Ce qui commence comme une histoire sur l’émigration clandestine change de cap au fil des pages, telle la patera qui évite les écueils, et ouvre des fenêtres sur des vies, des problèmes ; en somme, les mille raisons de partir. Le chômage à travers Murad, l’injustice par le biais de Halima, la religion par Faten, la corruption par Larbi, le tabou de l’homosexualité par Lahcen. Chaque personnage interpelle et donne l’occasion à l’auteur d’aborder des sujets qui lui tiennent à cœur.
Le livre se lit d’une traite. Le style de Laila Lalami est fluide, ses phrases courtes. Çà et là, des mots en marocain replacent le lecteur dans le contexte. On notera une perle dans le chapitre intitulé « Le fanatique », où l’équipe de football du Raja est décrite comme une équipe r’batie.
Hope and other dangerous pursuits vient de sortir aux Etats-Unis mais il est déjà fort d’une publicité renforcée par la popularité du site web de l’auteur : moorish girl (www.moorishgirl.com), décrit à maintes reprises comme l’un des meilleurs weblogs ou blogs littéraires par les sites spécialisés (voir p. suivante). Une traduction en français, néerlandais, espagnol et italien est en cours. En attendant, Laila Lalami travaille déjà à l’ébauche de son prochain roman, dont l’intrique se situe entre le Maroc et les USA dans les années 90. Sortie attendue pour 2007.
Najlae Benmbarek - La Vie économique
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