Le ministre de la Jeunesse, de la culture et de la communication, Mohamed Mehdi Bensaid, a assuré vendredi de la forte implication de son département dans le plan de reconstruction des sites historiques touchés par le séisme.
La revue "L’Histoire" revient sur la déportation de millions d’Africains au cours des siècles. Le mensuel avance que le temps est venu de lever les tabous en évoquant, enfin, la traite des Noirs par les "négriers musulmans".
"La vérité sur l’esclavage" : le titre du numéro spécial de la revue mensuelle L’Histoire est certes un peu racoleur. Et l’ambition affichée démesurée lorsqu’on songe aux milliers d’ouvrages savants et d’articles consacrés à ce même sujet. A cette réserve près, dans son exploration de ce qui reste "l’une des plus grandes tragédies de l’humanité", L’Histoire a le mérite de se risquer sur des chemins rarement explorés. Ainsi en va-t-il de la traite des Noirs par les "négriers musulmans", thème largement occulté, quand la traite entre l’Europe et les Amériques fait l’objet de débats.
Entre le VIIe et le XIXe siècle, environ 17 millions d’Africains auraient été "razziés et vendus par des négriers musulmans". "A elles seules, les traites orientales seraient donc à l’origine d’un peu plus de 40 % des 42 millions de personnes déportées par l’ensemble des traites négrières. Elles constitueraient ainsi le plus grand commerce négrier de l’histoire", écrit l’un des auteurs sollicités par la revue, l’universitaire Olivier Pétré-Grenouilleau.
Au milieu du XIXe siècle, à Zanzibar, lorsque l’île baignait dans l’opulence grâce à la production de clous de girofle, de riz, de noix de coco, on recensait, note l’auteur, plus de 100 000 esclaves, soit les deux tiers de la population.
Spécialiste des "traites négrières", Olivier Pétré-Grenouilleau, avance plusieurs raisons pour expliquer ce silence surprenant : la guerre froide en est une qui, en rapprochant l’Afrique noire et les pays musulmans sur des bases idéologiques, a occulté pendant des décennies toute recherche un tant soit peu critique. S’y ajoutent l’absence d’intérêt des intellectuels orientaux pour la question et des facteurs d’ordre pratique : les esclaves africains razziés étaient disséminés sur des territoires très vastes et les caravanes utilisées pour les convoyer étaient plus discrètes que les voyages par voie de mer entre l’Europe et les Amériques.
Ininterrompue pendant près de treize siècles, les traites des Noirs empruntaient deux routes : il y avait les traites "transsahariennes" et celles en direction de la mer Rouge et de l’Afrique orientale. Les premières pouvaient durer trois mois, et les pertes avoisinaient 20 % des effectifs, soit "près du double des victimes des négriers occidentaux pendant la traversée de l’Atlantique". L’autre grande route aboutissait sur la côte orientale (aujourd’hui la Somalie et le Mozambique). Grâce aux vents de mousson, "les esclaves étaient conduits en Arabie et jusqu’en Inde", écrit l’auteur.
On chercherait en vain un texte dans le Coran pour justifier une telle pratique. Le Livre saint ne fait aucune mention de race ou de couleur. Et, de ce point de vue, Olivier Pétré-Grenouilleau a raison de souligner qu’il serait plus exact de parler de "traites orientales" que de "traites musulmanes".
Etrangère à ce trafic humain, la religion musulmane n’a jamais été invoquée pour justifier (ou condamner) la traite. On ne trouvera donc pas, parmi les grands penseurs de l’islam, l’équivalent d’un saint Augustin, lequel écrivait que "la cause première de l’esclavage est le péché, qui a soumis l’homme au joug de l’homme".
UNE FORTE MORTALITÉ
Pour autant, des penseurs musulmans ont posé la question de la moralité des achats d’esclaves. Mais ils l’ont fait rarement, et sans vraiment trancher. L’un des rares textes qui nous sont restés est celui d’un juriste, Ahmed Baba, assimilant la traite des esclaves à une "calamité". Mais il provient... d’un ancien Noir razzié par des Marocains. Une autre légende tenace touche au traitement des esclaves par les Arabes. Si les sources d’information ne sont pas légion, reconnaît Olivier Pétré-Grenouilleau, les témoignages recueillis contribuent à "nuancer l’image d’un esclavage doux". De même qu’il serait faux de croire que "le racisme aurait été absent en pays d’islam".
Il reste un mystère : l’absence, aujourd’hui, de vastes communautés noires dans le monde musulman, à l’inverse de ce que l’on constate sur le continent américain.
L’universitaire français l’explique par la forte mortalité, l’importance des mariages mixtes et l’éparpillement des esclaves au sein du monde arabe. "Mais c’est bien ce trafic, conclut-il, qui explique la présence, parfois forte, de groupes ethniques d’origine noire dans les oasis du Sahara et les confins méridionaux des pays du Maghreb."
Jean-Pierre Tuquoi
Le Monde, France
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